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Au temps de la crise écologique. Approches exégétiques et théologiques[Record]

  • Sébastien Doane and
  • Jean-François Roussel

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  • Sébastien Doane
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval

  • Jean-François Roussel
    Institut d’études religieuses, Université de Montréal

Les contributions réunies dans ce numéro de RELIER sont issues du congrès conjoint en 2022 de l’Association catholique des études bibliques au Canada et de la Société canadienne de théologie. Il réunit deux articles théologiques, un article philosophique et cinq articles exégétiques. L’actualité du thème écologique se passe de démonstration. Ces dernières années, toutefois, ont vu se rapprocher l’horizon de la catastrophe au point de nous y voir absorbés. La crise écologique ne relève plus de la prospective à propos d’une menace annoncée. Les sociétés affrontent des phénomènes météorologiques nouveaux, souvent intenses et parfois dévastateurs. Chaque année lance ses défis à la résilience des forêts, berges, glaciers, banquises, bancs de coraux ; et à celle des populations humaines, des terres cultivées, des habitations, des infrastructures, des économies. L’objectif fixé en 2015 par la Conférence de Paris sur le climat, de maintenir le réchauffement planétaire dans les limites de 1,5 degré par rapport au début de l’ère industrielle est de plus en plus douteux, tandis que les modélisations les plus récentes projettent 3 voire 4 degrés de réchauffement pour 2100, c’est-à-dire pour l’époque où un enfant né en 2020 aura 80 ans. Cependant, d’autres phénomènes que le climat mettent à mal les écosystèmes du monde entier, et avec eux l’avenir d’incalculables espèces vivantes : surpêche, coupes forestières intensives, invasion des plastiques, etc. D’ores et déjà, elle ne paie pas de mine, la « maison commune » que le pape François appelait à « sauvegarder » en 2015. Sa toiture se dégrade sous des vents furieux, tandis que sa fondation commence à montrer des fissures et des signes de contamination ; d’année en année, ses occupants redoutent des assauts inédits. Martin-Schramm et Stivers indiquent cinq facteurs qui ont contribué à la crise écologique : la surpopulation, la surconsommation, l’usage de technologie endommageant les écosystèmes, des systèmes politiques et économiques qui encouragent la dégradation de la nature et des attitudes anthropocentriques envers la nature (Martin-Schramm et Stivers, 2003 : 10). Dès lors, une question est posée à l’ensemble des disciplines universitaires : comment répondent-elles à la nouvelle situation écologique et climatique, qui définit déjà notre présent et qui est appelée à perdurer sur des siècles ? Question pertinente et lancinante, notamment, pour les disciplines tournées vers l’étude de visions du monde, puisqu’on agit toujours, individuellement et collectivement, en fonction d’un croyable. Les études religieuses sont du nombre. Elles peuvent servir de levier pour ce dernier facteur qui concerne les attitudes et la vision du monde. En 1967, l’historien Lynn White blâmait le christianisme et son anthropocentrisme dans ce qu’il appelait déjà « crise écologique ». Or, il indiquait aussi que les études religieuses devaient contribuer au changement : Si une étude de sciences humaines peut sembler loin des actions concrètes requises de toute urgence pour lutter contre les changements climatiques et la dégradation écologique, de maintes manières la politique états-unienne illustre comment la foi chrétienne et l’interprétation de la Bible jouent un rôle important dans les choix de société (Maier, 2010). L’historien Sverker Störlin soutient que les sciences humaines sont bien placées pour explorer les discours écologiques qui emploient peut-être un peu trop naïvement les thématiques de l’apocalypse ou du salut. Il souligne l’importance des sciences humaines, y compris les études religieuses dans l’effort nécessaire pour transformer le rapport au monde pour le sauvegarder : À considérer les choses de cette manière, il nous semble qu’une compréhension critique du rapport à l’environnement dans les textes bibliques et en théologie, telle qu’elle est envisagée dans ce numéro, peut contribuer à transformer une vision du monde qui informe la marche du monde. Une telle prise …

Appendices