Des pratiques à notre image

L’inclusion d’une diversité de voix au coeur d’une démarche d’évaluation participative : retombées pour un organisme communautaire oeuvrant avec des femmes survivantes de l’exploitation sexuelle[Record]

  • Joëlle Gauvin-Racine,
  • Geneviève Olivier-d’Avignon,
  • Pascaline Lebrun and
  • Lucie Gélineau

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  • Joëlle Gauvin-Racine
    Consultante en recherche et évaluation

  • Geneviève Olivier-d’Avignon
    Consultante en recherche et évaluation

  • Pascaline Lebrun
    Coordonnatrice de projet à la Maison de Marthe

  • Lucie Gélineau
    Professeure régulière en travail social, Université du Québec à Rimouski, antenne de Baie-Comeau

La Maison de Marthe est un organisme communautaire autonome situé à Québec qui a pour mission d’accompagner et soutenir les femmes dans toutes les étapes du processus de sortie de la prostitution. En 2019, un ambitieux projet visant à combler les lacunes dans les services offerts aux survivantes de l’industrie du sexe est lancé par l’organisme et obtient un important financement sur cinq ans de la part de Condition féminine Canada.Intitulé « Avenue prometteuse pour les femmes en sortie de prostitution » (ci-après Avenue prometteuse), il a pour but de développer un service d’hébergement s’appuyant sur un modèle novateur d’intervention propre à la Maison de Marthe. La dimension évaluative est une partie intrinsèque d’Avenue prometteuse. Elle est au nombre des exigences du bailleur de fonds, qui demande aux organismes financés de travailler avec des chercheurs ou des évaluateurs externes pour élaborer et mettre en oeuvre un plan d’évaluation permettant de démontrer le potentiel de la pratique prometteuse mise à l’essai, tout en documentant le processus ayant mené à l’atteinte des résultats. Dans le cas du projet Avenue prometteuse, la démarche d’évaluation développée va bien au-delà du suivi des conditions associées au financement et d’une stricte évaluation des résultats. Inspirée par l’approche d’évaluation évolutive (Patton, 2002) et celle dite de 4e génération (Guba et Lincoln, 1989), elle est aussi portée par la volonté de soutenir le processus de co-construction de la pratique prometteuse et de son implantation afin de pouvoir procéder à des ajustements qui s’avéreraient utiles, en cours de projet, pour l’atteinte des résultats. Ce qui fait la singularité de la démarche est le choix d’y associer étroitement les premières concernées par la pratique prometteuse, soit les intervenantes et les survivantes de l’exploitation sexuelle, afin de s’assurer que celle-ci réponde aux besoins et attentes réels des femmes hébergées. Ce choix est ancré dans la conviction que les intervenantes et les survivantes possèdent des expertises spécifiques, complémentaires et incontournables sur l’accompagnement du processus de sortie de la prostitution, et qu’elles détiennent une part importante et significative des informations et savoirs nécessaires à l’évaluation des résultats attendus, y compris l’identification des indicateurs appropriés. Cette approche d’évaluation résolument participative (Midy et coll., 1998) s’enracine dans les pratiques d’action communautaires AVEC (Collectif pour un Québec sans pauvreté, s.d.; Groupe de recherche quart Monde-Université, 1999) et de recherche participative AVEC (Collectif VAATAVEC, 2014; Gélineau et coll., 2012). Selon ces pratiques, « il est insensé de prétendre faire ensemble dans la lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale sans les premières personnes concernées, c’est-à-dire celles qui vivent ces situations » (Collectif VAATAVEC, 2014, p.5). Il serait ainsi insensé de prétendre travailler sur des interventions pour soutenir la sortie de la prostitution sans impliquer celles qui ont l’expérience de la prostitution et qui en sont sorties. Nous décrirons ici le chemin parcouru dans cette démarche, en nous intéressant plus spécifiquement aux stratégies et moyens mis en oeuvre pour favoriser l’implication des premières concernées et pour intégrer l’apport d’une diversité de savoirs dans l’évaluation. Enfin, nous partagerons quelques défis et retombées identifiées à ce jour . La démarche d’évaluation d’Avenue prometteuse comporte trois volets : L’élaboration du plan d’évaluation a eu lieu au même moment que la rédaction de la demande de subvention du projet, à partir du gabarit de Femmes et Égalité des genres Canada et des résultats attendus. Ce plan a été développé par la Maison de Marthe (ci-après la Maison) avec le soutien d’une équipe d’évaluation externe (ci-après l’équipe) composée de deux consultantes autonomes et d’une chercheure universitaire garante de la rigueur de la démarche. Les membres de cette …

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