Éditorial

Le militantisme dans le champ de l’intervention sociale et communautaire[Record]

  • Simon Lapierre,
  • Patrick Ladouceur,
  • Vanessa Couturier,
  • Isabelle Côté and
  • David Buetti

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  • Simon Lapierre, Ph. D.
    Professeur agrégé, École de service social, Université d’Ottawa

  • Patrick Ladouceur
    Candidat à la maîtrise, École de service social, Université d’Ottawa

  • Vanessa Couturier
    Coordonnatrice, Collectif de recherche féministe anti-violence (FemAnVi), Université d’Ottawa

  • Isabelle Côté, Ph. D.
    Stagiaire postdoctorale, Institut de recherches et d’études féministes (IREF)

  • David Buetti
    Candidat au doctorat, École interdisciplinaire des sciences de la santé, Université d’Ottawa

Au cours des dernières décennies, plusieurs mouvements ont marqué positivement l’histoire, contribuant à la création d’une société plus juste et plus égalitaire. Ces changements sont le résultat des efforts acharnés de militantes et militants. Pour certains groupes, militer s’est avéré et s’avère toujours une stratégie essentielle pour assurer le respect de leurs droits et parfois même leur survie. Pensons, par exemple, au mouvement des droits civiques aux États-Unis et autres initiatives anti-racistes, aux luttes pour la reconnaissance des communautés autochtones et le respect de leurs droits, au mouvement féministe, au mouvement LGBTTQ* et aux mouvements pour la défense des droits des personnes en situation de handicap ou ayant des problèmes de santé mentale. Au Canada, les communautés francophones vivant en situation minoritaire ont aussi dû lutter pour faire reconnaître leur existence et pour faire respecter leurs droits (Bock, 2010). Si la contribution essentielle du militantisme au changement social est indéniable, quelle est son importance dans le champ du travail social? Le militantisme constitue-t-il une forme d’intervention sociale ou communautaire? Dans un contexte où le travail social est souvent réduit à la dimension de l’intervention individuelle, tant dans ses représentations que dans ses applications, le militantisme n’est pas nécessairement perçu comme une stratégie d’intervention pertinente ou légitime. L’individualisation des problèmes sociaux et la professionnalisation de l’intervention sociale sont aussi des tendances qui contribuent à la marginalisation du militantisme dans la formation et dans la pratique du travail social (Lapierre et Levesque, 2013). De plus, certaines contraintes organisationnelles peuvent limiter le recours à des actions collectives et militantes, particulièrement dans le secteur institutionnel (Mullaly, 2007; Palumbo et Friedman, 2014). Néanmoins, l’histoire du travail social démontre qu’il y a toujours eu des intervenantes et intervenants sociaux engagés dans une démarche visant davantage le changement social que le changement individuel ou le contrôle social. Cette vision de l’intervention sociale, qui s’appuie sur des principes de justice sociale, d’égalité et de solidarité, tire ses origines du Settlement House Movement, qui s’est développé en Angleterre et aux États-Unis à la fin du XIXe et au début du XXe siècle (St-Amand, 2010). Jane Addams, fondatrice de la Hull-House à Chicago et pionnière dans le domaine du travail social, a été reconnue comme une militante pour la paix ainsi que pour les droits des femmes et des communautés immigrantes. Au cours des dernières décennies, certains milieux d’intervention ont davantage favorisé la mise en place d’actions collectives et militantes. C’est le cas, notamment, des organismes du secteur communautaire privilégiant des approches féministes et structurelles (Boisclair, et collab., 2010; Mullaly, 2007). Les individus, les groupes et les communautés avec lesquels les intervenantes et intervenants sociaux sont en contact sont souvent aux prises avec des conditions de vie difficiles et injustes, qui sont généralement liées à une situation d’oppression (Pullen-Sansfaçon, 2013). Face à ce constat, nous estimons que les interventions sociales et communautaires devraient viser des améliorations durables dans les conditions de vie, tout en luttant contre les oppressions. Le travail social devrait donc avoir une visée de changement social. Cela exige des interventions et des actions collectives qui s’inscrivent dans un mouvement plus large. Ce premier de deux numéros sur le militantisme et le changement social reflète donc une volonté de contribuer à une réflexion sur le militantisme et sur sa place dans le champ de l’intervention sociale et communautaire, notamment en contexte francophone minoritaire. Nous estimons que le militantisme devrait non seulement être reconnu comme une pratique légitime et pertinente, mais également occuper une place beaucoup plus importante dans la formation et la pratique du travail social. Le numéro s’amorce avec une entrevue accordée par une …

Appendices