Au cours des deux dernières années, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et les services policiers de plusieurs communautés de l’Ontario, dont le Service de police d’Ottawa (SPO), ont collaboré à Operation Northern Spotlight, une enquête nationale coordonnée visant à éradiquer le trafic humain (Thunder Bay Police Service, 2015). Dans le cadre de cette opération, des agents de police, se faisant passer pour des clients, ont réussi à identifier des travailleuses du sexe et à infiltrer leurs lieux de travail (souvent situés dans leur domicile privé). Par ailleurs, en 2015, onze travailleuses du sexe migrantes ont été déportées à la suite des descentes policières effectuées dans des salons de massage dans le cadre d’initiatives anti-trafic humain du SPO. Ces deux opérations policières, tout comme les initiatives similaires toujours en cours, qui profilent les travailleuses du sexe comme des victimes de trafic humain, ont eu et continuent d’avoir des répercussions négatives imprévues telles : l’exacerbation de la méfiance des travailleuses du sexe à l’égard des policiers et l’accentuation de la vulnérabilité des travailleuses du sexe, plus particulièrement des travailleuses du sexe migrantes, à de mauvais traitements et à de l’exploitation. Le présent article soutient qu’au Canada, le profilage des travailleuses du sexe, en tant que victimes de trafic humain (traite des personnes), légitime des pratiques policières nuisibles, compromet la capacité des travailleuses du sexe à chercher une protection policière et/ou une réparation en justice pénale, et justifie la déportation (expulsion) des femmes migrantes. Ces interventions, présentées comme « protégeant » des femmes marginalisées et vulnérables, ne font rien de la sorte — en effet, elles font tout le contraire. Cet article s’appuie sur l’expérience de travailleuses du sexe d’Ottawa ainsi que celle des membres de POWER (Prostitutes of Ottawa/Gatineau Work, Educate and Resist | Prostitué-es d’Ottawa/Gatineau travaillent, éduquent et résistent). POWER, un organisme de défense des droits par et pour les travailleuses et travailleurs du sexe, a vu le jour en 2008. Il regroupe des travailleuses et travailleurs du sexe de tous les genres ou expressions de genre, ainsi que les alliés qui partagent sa vision, soit que « le travail du sexe est un travail honorable, utile et digne de célébration » [notre traduction] (POWER, s.d.). POWER croit que « les travailleuses et travailleurs du sexe ont les mêmes droits légaux et humains que toute autre personne au Canada ainsi que les mêmes droits du travail que d’autres personnes travaillant au Canada » [notre traduction] (POWER, s.d.). POWER soutient, tout comme d’autres organismes par et pour les travailleuses et travailleurs du sexe, que la vulnérabilité des travailleuses et travailleurs du sexe à l’exploitation et à la violence n’est pas inhérente au travail du sexe, mais qu’elle est le résultat de la criminalisation et de la stigmatisation. POWER « envisage une société dans laquelle les travailleuses et travailleurs du sexe sont en mesure d’exercer leur métier sans discrimination légale et sociale, sans victimisation, sans harcèlement ni violence, et dans laquelle le travail du sexe est évalué comme un métier légitime et gratifiant qui apporte une contribution significative à la société » [notre traduction] (POWER, s.d.). Ses membres craignent que le mouvement anti-trafic humain au Canada ainsi que les initiatives policières qui s’y rattachent augmentent la vulnérabilité des travailleuses et travailleurs du sexe à l’exploitation et à la violence, et ce, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles et ils travaillent. POWER s’est activement et publiquement opposé aux récentes modifications législatives concernant la prostitution au Canada. En réponse à la décision Bedford, qui a invalidé trois dispositions clés des lois canadiennes sur la prostitution, le gouvernement canadien (dirigé par …
Appendices
Bibliographie
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