Éditorial

Profilage social et judiciarisation de la marginalité[Record]

  • Geneviève Nault,
  • Katharine Larose-Hébert,
  • Marie-Luce Garceau and
  • Émilie Couture-Glassco

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  • Geneviève Nault
    Coordonnatrice de stage et de la formation pratique en criminologie, Université d’Ottawa

  • Katharine Larose-Hébert, Ph.D.
    Stagiaire postdoctorale, professeure remplaçante, École de service social, Université d’Ottawa

  • Marie-Luce Garceau, Ph.D.
    Professeure titulaire, École de service social, Université Laurentienne

  • Émilie Couture-Glassco
    Candidate à la maîtrise en service social, Université d’Ottawa, et coordonnatrice de Droits-Accès de l’Outaouais

En novembre 2009, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) du Québec a publié un avis dénonçant le profilage social des personnes itinérantes à Montréal et la répression étatique de l’itinérance. Cet avis présentait, entre autres, le portrait de la surjudiciarisation des personnes itinérantes, décrivait ses effets discriminatoires et offrait des recommandations pour contrer l’itinérance. Cet avis représentait une reconnaissance, par une instance publique, d’une réalité que les organismes communautaires de la région de Montréal et d’ailleurs au pays dénonçaient depuis un certain temps. En 2009, la CDPDJ définissait déjà le profilage racial de la façon suivante : Par ailleurs, Campbell et Eid (2009) discutent aussi, dans ce même avis, du profilage social dont l’élément déclencheur repose sur les signes visibles de pauvreté ou de marginalité tels « l’apparence physique, les comportements, l’attitude et la tenue vestimentaire » (Campbell et Eid, 2009, p.88). Le profilage social se manifeste par la création de règlements qui ciblent les populations marginalisées, l’interprétation très large ou l’utilisation abusive de certains règlements ou de certaines lois dans le but de pénaliser les comportements des populations marginalisées, la remise de contraventions pour des infractions qui ne sont pas sanctionnées chez d’autres citoyennes et citoyens, la remise de contraventions à répétition sur un court laps de temps, l’adoption de comportements abusifs ou inadéquats envers ces populations marginalisées, la modification de l’espace physique pour restreindre l’accès à certaines populations, la surveillance accrue de certains lieux, etc. (Lemonde, 2010; O’Grady, Gaetz et Buccieri, 2011; Sylvestre, 2010, 2011; RAPSIM, 2011). Bien que le profilage social ne puisse être dissocié d’autres formes de profilage, comme le profilage racial — qui cible la race, la couleur, l’origine ethnique, nationale ou religieuse — ou le profilage politique — qui cible l’appartenance politique —, il représente une réalité qui commence tout juste à bénéficier d’une reconnaissance publique, même si ses conséquences néfastes se répercutent sur ses victimes depuis longtemps. Il est donc de mise de se pencher spécifiquement sur cette réalité sans pour autant nier les conséquences importantes des autres formes de profilage et de l’intersectionnalité des différentes formes de profilage qui exacerbent les répercussions négatives sur les vies des personnes qui en sont victimes. Le présent numéro de Reflets découle d’un symposium sur le profilage social et la judiciarisation de la pauvreté, qui a eu lieu le 17 octobre 2014 à l’Université d’Ottawa. Ce symposium se voulait une occasion de rassembler une panoplie d’experts francophones, d’horizons multiples, sur la question du profilage social afin de parvenir à cerner et à mettre en lumière un problème social difficile à baliser, qui touche des populations vulnérables n’ayant souvent pas de voix et craignant une répression accrue du fait de dénoncer le profilage social dont elles sont victimes. Cet événement visait à souligner les conséquences du profilage social sur l’expérience subjective de ses victimes et à montrer son lien avec la désaffiliation sociale, l’exclusion sociale, ainsi que l’accroissement de la stigmatisation et de la vulnérabilité. Le résultat souhaité de cet exercice collaboratif était de développer des pistes de solution collectives en mettant à profit des connaissances théoriques et pratiques issues non seulement du milieu académique, mais aussi du milieu communautaire qui, lui, oeuvre quotidiennement auprès des populations victimes de profilage social. Ainsi, ce symposium a réuni plus de 75 chercheures et chercheurs, praticiennes et praticiens, étudiantes et étudiants, et citoyennes et citoyens concernés, pour une journée de conférences, d’ateliers de discussion en groupe et de réflexions individuelles et collectives. Les articles publiés dans la rubrique Des pratiques à notre image découlent de certaines des conférences présentées dans le cadre …

Appendices