Lu pour vous

HARPER, Elizabeth, et Henri DORVIL (dirs.) (2013), Le travail social : théories, méthodologies et pratiques, Presses de l’Université du Québec, coll. Problèmes sociaux et interventions sociales, 436 p.[Record]

  • Dominique Mercure

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  • Dominique Mercure
    École de service social, Université Laurentienne

Cet ouvrage vise une mise à jour des connaissances en travail social sous l’angle de l’articulation entre la théorie et la pratique. D’entrée de jeu, la table des matières nous interpelle par la rupture avec nos conceptions antérieures sur les théories et méthodologies, pour nous introduire aux enjeux contemporains de la profession dans un contexte de problèmes sociaux complexes et de précarité accrue. L’ouvrage se décline en quatre parties précédées d’une introduction et totalise dix-neuf chapitres. Il se propose de « supporter l’incertitude, la complexité et le doute associés au travail sur des problématiques portées par un individu, une famille, un groupe ou une communauté » (p. 2-3). Il permet aussi un regard sur les différents courants de l’histoire et la transformation de la profession tout en ciblant des préoccupations concernant l’accent à maintenir sur le social. Au chapitre 1, H. Dorvil et S. Boucher-Guèvremont nous replongent dans les fondements historiques des problèmes sociaux, en apportant des nuances entre l’exclusion sociale et la marginalité sociale, processus de rupture ou de décrochage de la norme sociale. Il est intéressant de revisiter les problèmes sociaux de diverses époques dans cette logique entre des conditions sociales indésirables (économique, de santé, sociopolitique, éducationnel) et la souffrance sociale. Un parallèle s’établit ensuite avec des entretiens auprès des praticiens qui parlent de cas cliniques pour les relier aux enjeux collectifs. Cela nous permet de voir une similitude entre la théorie et la pratique dans les bases du changement individuel et social, par l’étape de la création du rapport égalitaire, de l’insertion dans la communauté et du constat des limites des politiques sociales qui appelle à une mobilisation et une revendication pour pouvoir contrer les problèmes sociaux. Le chapitre 2 porte sur l’intersectionnalité. E. Harper y examine la possibilité de construire un modèle qui s’intéresse à comprendre l’interaction entre la race, l’ethnicité, la religion et le genre, tout en utilisant les pratiques narratives pour démystifier les discours. L’auteure vise à « déconstruire le présupposé que les personnes aux prises avec un problème social donné constituent une catégorie homogène partageant des expériences et des besoins universels » (Oxman-Martinez et Loiselle-Léonard, 2004) pour créer des récits alternatifs qui remettent en question le discours dominant. On décrira la pensée féministe afro-américaine qui est à l’origine de l’intersectionnalité. Ce modèle offre un cadre d’analyse pour mieux comprendre les expériences d’oppression et les effets de cette chaîne de violence. Les perspectives socioconstructivistes sont ensuite présentées comme stratégie de résistance pour redéfinir et se réapproprier ces identités en dehors des narratifs organisationnels qui les décrivent comme des problèmes sociaux; elles permettent aux personnes concernées d’externaliser leurs problèmes et les aident à se positionner dans ces espaces. Ce travail narratif peut ainsi être utilisé pour donner un sens au vécu des personnes en dehors de la stigmatisation, pour mieux expliquer la complexité de la violence conjugale, exercer du lobbyisme auprès de décideurs politiques et sensibiliser le public. Combiner l’intervention narrative et l’intersectionnalité permet un nouveau cadre pour analyser la pratique et guide l’élaboration de stratégies qui visent le changement social. Signé A. Godin et E. Jouthe, le chapitre 3 propose des points de repère théoriques et méthodologiques utiles face aux enjeux éthiques rencontrés dans l’exercice du travail social dans le contexte de notre société en mutation qui amène la pratique à tenir compte de plusieurs complexités. Les auteurs nous rappellent la première visée de la profession en abordant le paradoxe entre la régulation et la transformation sociale qui sont en fait profondément liées, mais qui exigent une vigilance constante. Le différentiel de pouvoir entre l’intervenant et les personnes vulnérables accentue ce besoin de …