Abstracts
Résumé
Cette étude explore les perceptions, croyances, connaissances et attitudes d’un groupe d’aînés francophones du Nouveau-Brunswick face à la démence et à son diagnostic; le diagnostic précoce de la démence est crucial autant pour l’identification des causes réversibles que pour la mise en place rapide d’interventions de prévention secondaire. Quatre-vingt-onze francophones du Nouveau-Brunswick âgés de 65 ans et plus ont été interrogés face à la démence et à son diagnostic dans cette étude quantitative exploratoire. Entre autres, bien que les participants de cette étude aient rapporté avoir peur de recevoir un diagnostic de démence, la plupart voudraient recevoir le diagnostic s’ils en étaient atteints. Les résultats soulignent l’importance d’éduquer la population face à la démence et aux services d’évaluation de la démence. D’autres implications sont discutées.
Mots-clés :
- Démence,
- diagnostic,
- intention,
- maladie d’Alzheimer,
- minorité linguistique
Abstract
This study explores the perceptions, beliefs, knowledge and attitudes of a group of francophone seniors from New Brunswick in regards to dementia and its diagnosis; the early diagnosis of dementia is crucial both for the identification of reversible causes and the timely implementation of interventions for secondary prevention. Ninety-one francophone seniors from New Brunswick aged 65 and older were surveyed in regards to dementia and its diagnosis in this exploratory quantitative study. Among other things, it was found that although the participants from this study feared receiving a diagnosis of dementia, most would want to receive the diagnosis if they had dementia. Results stress the importance of educating the public regarding dementia and its evaluation services. Other implications are discussed.
Keywords:
- Dementia,
- diagnosis,
- intention,
- Alzheimer’s disease,
- linguistic minority
Article body
Introduction
Compte tenu du vieillissement croissant de la population et l’âge étant le premier facteur de risque du développement de la démence, l’on observe une augmentation alarmante de l’incidence de la démence dans les pays industrialisés (Société Alzheimer du Canada, 2010; Ferri, et collab., 2006; Moïse, Schwarzinger et Um, 2004). D’ailleurs, au Canada, le nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une affection connexe pourrait passer d’un demi-million en 2010 à 1,3 million d’ici une trentaine d’années (Société Alzheimer du Canada, 2010). Les coûts socio-économiques associés sont d’une ampleur importante puisqu’ils pourraient passer de 15 milliards de dollars annuels en 2010 à 153 milliards de dollars d’ici une génération si aucun progrès n’est réalisé dans la prévention ou le traitement de la démence (Société Alzheimer du Canada, 2010).
Pour pallier ce problème, les actions permettant de hâter la prise en charge de la démence sont favorisées. D’ailleurs, les évaluations cognitives précoces auprès d’individus présentant des symptômes de démence, en plus de permettre l’identification et le traitement des pseudodémences au moment opportun, permettent le diagnostic précoce de la démence, lequel est entre autres nécessaire à la mise en place d’interventions visant à ralentir la détérioration cognitive et à améliorer la qualité de vie de l’individu atteint (Lee, et collab., 2010; Milne, 2010; Weimer et Sager, 2009; Camicioli, 2006). De plus, selon les résultats de l’étude de Weimer et Sager (2009), la prise en charge précoce de la démence permettrait de réduire de façon importante les coûts qui y sont associés.
En dépit de l’accent mis sur l’importance de son diagnostic précoce, selon les résultats d’études quantitatives (Bond, et collab., 2005; Valcour, et collab., 2000) et de revues de littérature (Bradford, et collab., 2009; Moorhouse, 2009; Boustani, et collab., 2003), la démence demeure grandement sous-diagnostiquée en phase initiale. Parmi les facteurs pouvant rendre compte de ce phénomène, l’on cite la non-utilisation ou le délai d’utilisation des services de diagnostic précoce de la démence par les individus à risque (Bradford, et collab., 2009; Tsolaki, et collab., 2009; Boustani, et collab., 2006; Bond, et collab., 2005; Teel, 2004; Wilkinson, et collab., 2004).
Selon le Behavioral Model of Health Services Use (Andersen, 1995; Aday et Andersen, 1974; Andersen et Newman, 1973), l’utilisation des services de soins de santé et l’accès à ces services seraient liés, entre autres, à des facteurs prédisposants, dont la démographie (p. ex. l’âge et le contexte linguistique), et à des facteurs facilitants, dont le contexte géographique. Ainsi, selon Arcury, et collab. (2005), plus l’individu se trouve éloigné des services de soins de santé, moins il les utilise pour des examens médicaux de routine. Selon Heenan (2006), le manque d’information et la peur de la stigmatisation seraient d’autres obstacles à l’utilisation des services de soins de santé par les gens vivant en milieu rural. De plus, concernant le contexte linguistique, l’utilisation des services de soins de santé serait plus faible chez les gens faisant face à des barrières linguistiques (Yeo, 2004; Bowen, 2003).
Au Nouveau-Brunswick, une province majoritairement rurale, où les francophones sont en minorité, une récente étude suggérait que les aînés francophones percevaient le médecin de famille comme étant la première source à consulter s’ils croyaient être en train de développer la démence (Pakzad, et collab., 2012 [sous presse]). Cette étude indiquait aussi que plusieurs aînés francophones se disaient incertains de la disponibilité des services de diagnostic précoce de démence dans leur région ou dans leur langue.
Par ailleurs, il est à noter que l’utilisation des services de soins de santé serait étroitement liée à l’intention d’utilisation de ces services. Selon le Health Belief Model, les principes de l’intention d’utilisation de services de soins de santé correspondent aux barrières et aux bénéfices perçus, à la perception de la sévérité de la maladie réelle ou potentielle, à la susceptibilité perçue de développer la maladie en question et, dans certains cas, à l’influence sociale et à l’auto-efficacité de l’individu à risque.
En lien avec ce modèle, selon les résultats de l’étude quantitative de Werner (2003), les attitudes négatives envers la démence et son diagnostic constitueraient le plus grand obstacle à la recherche d’un diagnostic de démence. Malgré tout, plus les participants de cette étude percevaient la démence comme étant une maladie grave, plus ils reconnaissaient les bénéfices à en recevoir le diagnostic s’ils en étaient atteints. Selon Galvin, et collab. (2008), plus les individus à risque ont de connaissances par rapport à la démence, et plus ils perçoivent de bénéfices à recevoir le diagnostic, plus ils seraient favorables à se faire évaluer pour la démence. L’auto-efficacité et la susceptibilité perçues chez les gens à risque de développer la démence seraient également liées à l’intention de se faire évaluer à son sujet. Toujours en lien avec ce modèle, la littérature suggère que les personnes âgées ont un manque de connaissances par rapport à la démence, qu’elles se sentent peu susceptibles de la développer, qu’elles tendent à attribuer leurs troubles mnésiques au vieillissement normal et qu’elles craignent fortement de recevoir un diagnostic de démence (Tsolaki, et collab., 2009; Corner et Bond, 2004; Werner, 2003; 2004). Néanmoins, les participants de l’étude de Werner (2003) rapportaient qu’ils voudraient recevoir le diagnostic de démence s’ils en étaient atteints. Les participants de l’étude qualitative de Werner (2004), quant à eux, indiquaient qu’ils ne rechercheraient une évaluation cognitive que si leurs problèmes mnésiques nuisaient à leur fonctionnement quotidien. Il faut dire que, concernant la perception des bénéfices à recevoir un diagnostic de démence, les résultats varient d’une étude à l’autre. Par exemple, les participants des études qualitatives de Corner et Bond (2004) et de Werner (2004) rapportaient ne pas savoir s’il y avait des bénéfices à recevoir un diagnostic de démence, alors que les participants de l’étude quantitative de Werner (2003) indiquaient davantage de bénéfices que de désavantages à recevoir le diagnostic. Ces inconsistances semblent liées au type des recherches en question : qualitatif versus quantitatif.
Tenant compte de ces données ainsi que du Behavioral Model of Health Services Use et du Health Belief Model, la présente étude porte sur le recours des aînés francophones du Nouveau-Brunswick à une évaluation cognitive quand ils remarquent chez eux des symptômes de démence. Ainsi, sont explorées les perceptions, les connaissances et les attitudes d’un groupe d’aînés francophones en ce qui concerne la démence et son évaluation diagnostique. Cette étude vise donc une meilleure compréhension du désir des francophones du Nouveau-Brunswick d’accéder à des services de diagnostic précoce de démence.
Méthodologie
Participants
Un échantillon de convenance a été monté à partir de 105 aînés se disant principalement francophones, sollicités par l’entremise d’associations pour personnes âgées de la province et ayant accepté de répondre à un questionnaire. De ce nombre, sept ont donc été exclus, ne remplissant pas les conditions d’admissibilité pour participer à l’étude, à savoir, être résident du Nouveau-Brunswick, être âgé de 65 ans ou plus et avoir reçu un diagnostic de démence ou de trouble cognitif.
Matériel
Les caractéristiques sociodémographiques et linguistiques des participants ainsi que leurs attitudes, croyances, perceptions et connaissances en ce qui concerne la démence et son évaluation diagnostique ont été explorées à l’aide d’un questionnaire. Le vocable « maladie d’Alzheimer », plus familier et plus concret pour l’ensemble de la population que le terme « démence », a été employé dans le questionnaire administré. L’existence de multiples associations ou sociétés de la maladie d’Alzheimer visant le soutien et l’éducation vis-à-vis toutes formes de démences, combinée à l’absence relative d’associations autour de la démence, reflète d’ailleurs cette tendance. Les participants ont été tout de même avisés qu’il existe plusieurs formes de démence, dont la maladie d’Alzheimer, et que les questions posées s’appliquaient à toutes ces formes de démence. Le terme « démence » sera toutefois employé dans le reste du texte.
Les questions ont été tirées et adaptées du questionnaire développé par Galvin, et collab. (2008), lequel intègre le Health Belief Model et le Behavioral Model of Health Services Use, et ont été traduites en français par deux traducteurs indépendants. Les items sélectionnés ont été regroupés selon les domaines suivants : l’intention de se faire évaluer pour la maladie d’Alzheimer ou une autre forme de démence; les connaissances et croyances vis-à-vis la démence et son diagnostic; les bénéfices et les barrières perçus concernant l’obtention du diagnostic de démence; la susceptibilité perçue de développer la maladie d’Alzheimer ou une autre forme de démence; la sévérité perçue d’une maladie comme la démence; l’auto-efficacité concernant la recherche d’une évaluation cognitive. Le niveau d’accord avec chacun des énoncés était déterminé à l’aide d’une échelle de type Likert en cinq points, où 1 correspondait à « en désaccord » et 5 à « d’accord ». Les participants avaient aussi l’option de répondre « sans objet ».
Procédure
À la suite de l’approbation du comité d’éthique de l’Université de Moncton, la participation d’individus aînés francophones du Nouveau-Brunswick a été sollicitée lors de réunions annuelles et mensuelles d’associations pour aînés de la province. Les individus acceptant de participer pouvaient signer un formulaire de consentement et remplir le questionnaire sur place, ou nous envoyer ces documents par la poste. Une expérimentatrice poursuivant des études de niveau gradué en psychologie était disponible pour répondre à leurs questions, sur place ou au téléphone. Une carte-cadeau d’une valeur de 10 $ a été remise à chaque participant en guise de remerciement pour sa participation à l’étude.
Devis de recherche
La présente étude de nature quantitative consiste en une étude pilote exploratoire. Des analyses descriptives univariées et bivariées ont été effectuées.
Résultats
Parmi les 98 participants admissibles à l’étude, sept participants n’ont pas répondu ou ont répondu « sans objet » à un nombre significativement élevé d’items; leurs données ont été exclues des analyses. Les résultats des tests t et de l’analyse corrélationnelle bivariée effectués ont révélé que le nombre de données manquantes (non-réponse ou « sans objet ») était indépendant des caractéristiques démographiques des participants énumérées au Tableau 1.
La moyenne d’âge des 91 participants finalement retenus pour l’étude était de 72,2 ans (É.T. = 5,7). Treize participants (14,3 % de l’échantillon) ont rapporté vivre en région urbaine (Moncton et Dieppe, faisant partie du Grand Moncton), le reste résidant en régions rurales (non métropolitaines). Quarante-huit participants (52,7 %) ont indiqué pouvoir parler le français et l’anglais, alors que le reste des participants ont rapporté n’être fluents qu’en français. Les participants provenaient de six comtés distincts, principalement ceux du nord de la province. Les caractéristiques sociodémographiques des participants sont décrites en plus amples détails au Tableau 1, en fonction de leur intention de se faire évaluer pour la démence s’ils en remarquaient des symptômes.
Il importe de noter que les participants de cette étude ayant ou n’ayant pas l’intention de se faire évaluer pour la démence s’ils en remarquaient des symptômes ne différaient pas significativement en ce qui a trait aux caractéristiques sociodémographiques explorées. En fait, selon les analyses du test du chi carré effectuées, le pourcentage d’accord avec chacun des énoncés ne variait pas en fonction du sexe et du contexte géographique des participants et le pourcentage d’accord de seulement trois énoncés variait en fonction du niveau de scolarité, de l’état matrimonial ou du contexte linguistique. Plus précisément, seulement 5,9 % des participants ayant un niveau de scolarité élevé ont rapporté croire que les gens auraient peur d’eux s’ils étaient diagnostiqués avec la démence, comparativement à 23,5 % des participants ayant un niveau de scolarité moins élevé (X2 = 5,64, p = 0,018). De plus, 84,2 % des participants mariés ou en union libre étaient d’accord qu’un diagnostic de démence leur permettrait de mieux planifier le reste de leur vie, comparativement à seulement 57,1 % d’accord chez les autres participants (X2 = 7,40, p = 0,007). Finalement, les participants unilingues de cette étude se disaient sensiblement moins assurés de pouvoir se faire évaluer pour la démence s’ils le voulaient en comparaison aux participants bilingues (76,9 % versus 93,6 %, respectivement; (X2 = 4,95, p = 0,026).
Croyances, connaissances, attitudes et perceptions concernant la démence et son diagnostic
Le nombre et le pourcentage de participants ayant répondu « d’accord » (cotes de 1 ou 2 à l’échelle de type Likert) ainsi que « neutre » (cote de 3 à l’échelle de type Likert) ou « en désaccord » (cotes de 4 ou 5 à l’échelle de type Likert) sont présentés au Tableau 2 pour chacun des items. Concernant l’intention des participants de rechercher une évaluation diagnostique de la démence, les résultats du sondage révèlent que la majorité d’entre eux (87,9 %) rechercheraient une telle évaluation s’ils en remarquaient des symptômes, telles des difficultés mnésiques. Par ailleurs, parmi les 21 participants ayant rapporté s’inquiéter par rapport à leur mémoire, un seul a déclaré ne pas avoir l’intention de se faire évaluer pour la démence. Les résultats indiquent également que la plupart des participants (83,5 % de ceux ayant répondu) connaissent l’existence de tests servant à diagnostiquer la démence et qu’un nombre considérable de participants (40,7 % de ceux ayant répondu) ont déjà recherché de l’information sur l’évaluation diagnostique de la démence. De plus, les données suggèrent que les participants de cette étude ont certaines connaissances par rapport à la démence : seuls quatre participants ont indiqué croire que la démence n’affecte que les gens vivant en foyers de soins et huit autres ont rapporté croire que tous développeront un jour la démence en vivant suffisamment longtemps.
Concernant les obstacles au diagnostic de la démence, environ la moitié des participants ont déclaré qu’ils auraient peur de recevoir un diagnostic de démence et plus des deux tiers des participants de cette étude perçoivent qu’ils seraient un fardeau pour leur famille s’ils avaient la démence. D’ailleurs, environ la moitié des participants ont indiqué croire que la démence est l’une des pires maladies qu’une personne puisse avoir et 66,3 % des participants ayant répondu à l’item ont rapporté qu’ils préféreraient mourir d’une mort rapide que de développer la démence. Toutefois, les données suggèrent qu’à peine 10 % des participants de cette étude croient que les gens ne voudraient pas les approcher ou auraient peur d’eux s’ils avaient ce syndrome. En dépit de ces perceptions à connotations négatives et barrières perçues, la majorité des participants étaient d’accord que plus tôt le diagnostic de la démence est posé, mieux c’est (87,8 %), et qu’un diagnostic précoce de démence leur permettrait de mieux planifier le reste de leur vie (80,9 %).
De façon générale, les participants de cette étude ne se percevaient pas particulièrement à risque de développer la démence. Par exemple, seulement 11 participants estimaient avoir de bonnes chances de développer la démence un de ces jours. Néanmoins, 21 participants ont indiqué qu’ils s’inquiétaient par rapport à leur mémoire, tel que mentionné précédemment.
En ce qui a trait à l’auto-efficacité des participants à pouvoir se faire évaluer pour la démence, plus de 85 % des participants ont déclaré avoir assurance qu’ils pourraient se faire évaluer pour la démence s’ils le voulaient, et ce, dans la langue de leur choix.
Croyances, connaissances, attitudes et perceptions en fonction de l’intention de se faire évaluer pour la démence
Afin de mieux comprendre en quoi diffèrent les participants qui rechercheraient une évaluation diagnostique de la démence s’ils en remarquaient des symptômes de ceux qui ne la rechercheraient pas, les croyances, connaissances, attitudes et perceptions concernant la démence et son diagnostic ont été explorées en fonction de l’intention de rechercher une telle évaluation. Ces données sont rapportées au Tableau 3.
Les tests du chi carré effectués n’ont révélé aucune différence entre les participants ayant ou n’ayant pas l’intention de se faire évaluer pour la démence aux items explorant leurs perceptions de leur susceptibilité à développer la démence, des désavantages (barrières) à recevoir un diagnostic de démence et de la sévérité d’une maladie telle que la démence. Cependant, les résultats suggèrent entre autres que les participants de cette étude ayant indiqué ne pas avoir l’intention de se faire évaluer pour la démence s’ils en remarquaient des symptômes avaient davantage de croyances erronées concernant la démence et percevaient significativement moins de bénéfices à recevoir un diagnostic, comparativement à ceux ayant rapporté une telle intention. Plus précisément, comme rapporté au Tableau 3, 20,0 % des participants n’ayant pas l’intention de se faire évaluer pour la démence ont indiqué croire que celle-ci n’affecte que les gens en foyers de soins (comparativement à 2,6 % des participants qui auraient l’intention de se faire évaluer) et seulement 50 % des participants n’ayant pas l’intention de se faire évaluer pour la démence estiment qu’un diagnostic précoce leur permettrait de mieux planifier le reste de leur vie (comparativement à 84,8 % de ceux qui voudraient recevoir un diagnostic).
Finalement, concernant l’auto-efficacité à accéder à des services d’évaluation de la démence, les résultats révèlent que la grande majorité des participants ayant l’intention de se faire évaluer pour la démence s’ils en remarquaient des symptômes se disaient confiants qu’ils pourraient, s’ils le voulaient, se faire évaluer ou se faire référer par leur médecin de famille pour une évaluation. Toutefois, significativement moins de participants n’ayant pas cette intention se disaient confiants à cet effet. Malgré tout, 70 % de ceux n’ayant pas l’intention de rechercher une évaluation diagnostique de démence s’ils en remarquaient des symptômes ont indiqué qu’ils utiliseraient néanmoins des services d’information sur l’évaluation ou le traitement de la démence, s’ils existaient.
Discussion
Les résultats de cette étude révèlent qu’une proportion substantielle des participants aurait peur de recevoir un diagnostic de démence s’ils en étaient atteints. Cela est appuyé par leurs perceptions négatives de la démence, près de la moitié des participants considérant la maladie d’Alzheimer comme l’une des pires et environ les deux tiers préférant mourir d’une mort rapide plutôt que de développer la démence. Des résultats similaires ont également été observés dans plusieurs études (Tsolaki, et collab., 2009; Corner, et Bond, 2004; Werner, 2003; 2004). Par exemple, les résultats d’un sondage effectué auprès de 400 individus ont révélé que 61,1 % des gens auraient peur ou paniqueraient s’ils développaient la maladie d’Alzheimer (Tsolaki, et collab., 2009). Il est toutefois intéressant de noter que, malgré tout, la majorité des participants de cette présente étude ont indiqué avoir l’intention de rechercher une évaluation pour la démence s’ils en remarquaient des symptômes. Ces résultats concordent avec ceux rapportés par Werner (2003; 2004), lesquels suggèrent que les personnes âgées voudraient se faire évaluer pour la démence si elles en étaient atteintes, du moins si les symptômes entravaient leur fonctionnement quotidien. Il n’est toutefois pas clair à quel point les symptômes devraient être flagrants ou incapacitants pour susciter chez elles un recours à une évaluation cognitive.
Concernant la perception de barrières et de bénéfices à l’obtention d’un diagnostic de démence, les résultats suggèrent que, globalement, les aînés de la présente étude percevaient davantage de bénéfices que de désavantages à recevoir le diagnostic de démence, s’ils en étaient atteints. Il est toutefois possible que les participants n’aient pas pu identifier de bénéfices si des exemples de ceux-ci ne leur avaient pas été proposés, tel qu’il semble avoir été le cas dans l’étude de Corner et Bond (2004) et de Werner (2004). Par ailleurs, contrairement aux résultats des études de Werner (2003) et de Galvin, et collab. (2008), lesquels suggèrent que la perception des barrières et des bénéfices soit le facteur prédisant le mieux l’intention de se faire évaluer pour la démence, le pourcentage d’accord avec chacun des énoncés traitant des barrières et bénéfices perçus était généralement indépendant de l’intention des participants de cette présente étude de rechercher un diagnostic de démence. En effet, alors que significativement moins de participants n’ayant pas l’intention de se faire évaluer pour la démence s’ils en remarquaient des symptômes ont indiqué croire qu’un diagnostic précoce leur permettrait de mieux planifier le reste de leur vie, les pourcentages d’accord aux autres items traitant des barrières et des bénéfices ne variaient pas significativement en fonction de cette intention.
Quant à la susceptibilité perçue de développer la démence, alors que 21 participants ont déclaré qu’ils s’inquiétaient par rapport à leur mémoire, seulement 11 participants ont rapporté croire qu’ils étaient à risque de développer le syndrome un jour. Ces données rejoignent celles d’études antérieures, en ce sens que les participants de cette présente étude attribueraient possiblement leurs troubles mnésiques au vieillissement normal (Tsolaki, et collab., 2009; Corner et Bond, 2004; Werner, 2003; 2004). Puisque les personnes âgées risquent de ne rechercher une évaluation diagnostique de la démence que si elles en remarquent des symptômes, ces résultats rappellent l’importance de garder la population informée en ce qui concerne la démence, ses symptômes et ses facteurs de risque, afin d’en prévenir des diagnostics tardifs. Ces données rappellent également l’importance du développement de mesures de diagnostic précoce fidèles et valides permettant de rapidement cibler et prendre en charge les personnes qui sont à risque de développer la démence.
Le facteur semblant refléter les plus grandes différences entre les participants qui se feraient évaluer pour la démence s’ils croyaient en être atteints et ceux qui ne le voudraient pas concerne l’auto-efficacité à accéder à des services d’évaluation. Plus précisément, un pourcentage non négligeable de participants sans intention de rechercher un diagnostic de démence se disait peu sûr de pouvoir se faire évaluer s’ils le voulaient, alors que presque tous les participants qui rechercheraient une évaluation cognitive s’ils manifestaient des symptômes de démence avaient une bonne assurance à cet égard. Le fait que 70 % de ces premiers aient tout de même rapporté qu’ils utiliseraient des services d’information sur la démence, son évaluation ou son traitement soulève l’importance d’améliorer la sensibilisation et l’accès à de tels services au sein de la population âgée. Tel que le soulignent Pakzad, et collab. (2012 [sous presse]), cela pourrait être particulièrement important en milieu rural, là où les services sont perçus comme étant moins accessibles.
Cette recherche n’est toutefois pas sans limites. Entre autres, les participants représentaient un échantillon de convenance non représentatif de la population francophone du Nouveau-Brunswick, et ce, malgré toutes les démarches entreprises pour recruter des répondants de toutes les régions de la province. Ainsi, l’échantillon ne comprenait aucun participant francophone du sud, un milieu majoritairement anglophone. De plus, même si les francophones aînés du Nouveau-Brunswick se retrouvent majoritairement en milieux ruraux (Statistique Canada, 2007), le taux de participants vivant en milieu urbain était relativement faible dans cette étude. En outre, les participants ayant été recrutés au sein des associations pour aînés de la province, leur niveau de scolarité était plus élevé qu’il ne l’est en réalité chez les résidents aînés du Nouveau-Brunswick. Néanmoins, comme mentionné plus haut, l’intention de se faire évaluer pour la démence était indépendante des caractéristiques sociodémographiques des participants, dont le niveau de scolarité. De plus, le pourcentage d’accord avec chacun des items variait peu en fonction des variables sociodémographiques explorées. Toutefois, compte tenu du faible nombre de participants ayant rapporté qu’ils ne rechercheraient pas nécessairement une évaluation diagnostique de démence s’ils en remarquaient des symptômes, les effets médiateurs ou modérateurs de ces facteurs dans la relation entre l’intention et les croyances, attitudes, connaissances et perceptions pouvaient difficilement être explorés. En outre, davantage de différences entre les participants ayant et n’ayant pas l’intention de se faire évaluer pour la démence s’ils en remarquaient des symptômes auraient possiblement été observées si ces groupes avaient été plus équilibrés en nombre. Les données recueillies ont néanmoins permis de dresser un profil des participants aînés francophones de cette étude en ce qui a trait à leur intention de rechercher un diagnostic de démence et à leurs perceptions, attitudes, croyances et connaissances concernant la démence et son évaluation. Tel était l’objectif principal de l’étude.
Enfin, le questionnaire employé pour atteindre les objectifs de l’étude présentait aussi des limites. Par exemple, bien que les participants semblaient posséder un certain niveau de connaissances générales quant aux facteurs de risque de la démence et à son évaluation diagnostique, il faut noter que la connaissance des symptômes de la démence n’a pas été explorée. Le sondage aurait donc pu être plus exhaustif. De plus, n’offrir que les choix de réponses « plutôt d’accord » et « plutôt en désaccord » au lieu de présenter des échelles de type Likert en cinq points aurait possiblement été plus simple, forçant les participants à se positionner ailleurs qu’au milieu.
Conclusion
Cette étude a permis d’identifier des tendances quant à l’intention des personnes âgées francophones du Nouveau-Brunswick de rechercher un diagnostic précoce de démence si elles croyaient en être atteintes et quant à leurs connaissances, croyances, perceptions et attitudes face à la démence et à son diagnostic. En bref, les résultats suggèrent que les participants voudraient recevoir un diagnostic de démence, s’ils en étaient atteints. Même si ces résultats ne sont pas nécessairement généralisables puisqu’ils proviennent d’un échantillon de convenance, ils permettent d’envisager une direction plus précise pour des études futures en mettant au point un programme de recherche visant à préciser la position des aînés face à un diagnostic précoce de démence. Un tel programme, à implanter à plus grande échelle et avec un échantillon mieux représentatif de la population francophone des aînés néo-brunswickois, devrait viser l’identification des facteurs prédisant l’intention des personnes âgées de rechercher une évaluation cognitive ou un diagnostic de démence ainsi que les barrières et bénéfices perçus au diagnostic précoce de démence. Une meilleure prise de connaissance de ces facteurs permettrait en effet la mise en place de stratégies visant à surmonter les obstacles à un tel diagnostic.
Appendices
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