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Le deuxième âge de l’émancipation : la société, les femmes et l’emploiMÉDA, Dominique, et Hélène PÉRIVIER, Le deuxième âge de l’émancipation : la société, les femmes et l’emploi, Paris, Seuil, coll. « La République des idées », 2007, 112 p.[Record]

  • Mircea Vultur

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  • Mircea Vultur
    Institut national de la recherche scientifique, Urbanisation, Culture et Société, Université du Québec

Une sociologue bien connue pour ses thèses sur la fin du travail et une économiste, spécialiste de l’emploi des femmes se sont associées pour publier cet ouvrage qui se propose de ramener dans le débat d’idées la question de l’égalité entre les sexes et les conditions d’organisation sociale susceptibles de renforcer la position des femmes sur le marché du travail dans les conditions où, en France, « la participation des femmes à l’emploi […] a cessé de progresser depuis une dizaine d’années ». L’ouvrage est divisé en quatre chapitres. Les deux premiers donnent un aperçu d’ordre essentiellement statistique des inégalités entre les hommes et les femmes et traitent des causes, des conséquences et des coûts collectifs de ces inégalités. Le travail à temps partiel majoritairement féminin, la segmentation du marché du travail sur la base du genre et la discrimination dont les femmes font l’objet (avec notamment le célèbre « plafond de verre ») sont mis en lien avec une organisation sociale défaillante et des politiques publiques insuffisantes. Toute une série de facteurs d’ordre politique, économique et social font en sorte qu’il est difficile pour les femmes d’avoir les mêmes chances de réussite professionnelle que les hommes; elles sont menacées en permanence d’un risque diffus d’exclusion sociale. L’absence de structures adéquates pour la garde des enfants (deux tiers des enfants français de moins de trois ans sont gardés par leurs parents, essentiellement par leurs mères) et la participation insuffisante des conjoints masculins aux tâches parentales (19 % des conjointes d’hommes actifs occupés sont au foyer) réduisent pour les femmes les options d’emploi à temps partiel « choisi »; elles sont cantonnées dans le travail domestique, le modèle de « l’homme pourvoyeur de ressources et de la femme pourvoyeuse de temps » étant fort développé en France. L’inactivité des femmes est aussi encouragée par le système fiscal et les congés parentaux et cette inactivité a un coût social élevé en termes d’efficacité, sans compter le gaspillage de matière grise et le déclassement professionnel qui affecte le moral des femmes. Une vision compassionnelle forte se dégage de ces chapitres qui forgent l’image de la femme-victime comme catégorie sociale centrale de la société française. Pour la mettre en relief, la démarche des auteures consiste principalement à déduire directement des inégalités statistiques les injustices sociales. Le raisonnement est fondé sur l’hypothèse qui suppose a priori qu’il existe des injustices sociales à l’égard des femmes et l’on déduit des inégalités statistiques observées la preuve de ces injustices dont on suppose préalablement l’existence. Les auteures choisissent par exemple les chiffres qui montrent la proportion forte d’hommes dans les lieux de pouvoir pour confirmer l’injustice de la société à l’égard des femmes sans tenir compte des autres statistiques qui donnent à ces dernières une large majorité, par exemple, dans la magistrature et qui indiquent également que les métiers les plus pénibles sont exercés surtout par des hommes. L’interprétation de la relation statistique comme relation causale n’est pas soumise à une réflexion approfondie et pour les auteures du livre, la justice sociale semble se traduire dans l’égalité des statistiques. Cette démarche n’invalide-t-elle pas la démarche sociologique même, à moins que l’on considère que les femmes et les hommes sont indépendants de leur famille, de leur culture, de leurs aptitudes, de leurs préférences? Les statistiques sont soit trop agrégées soit trop parcellaires, laissant une part importante d’interprétation à la subjectivité et donc à la démarche idéologique qui véhicule une vision étroite des inégalités sociales. Le troisième chapitre présente deux modèles alternatifs au modèle social français : le modèle « nordique » des pays scandinaves (en particulier la Suède) et …