Des pratiques à notre image

Échec au burn-out dix ans plus tard[Record]

  • Lorraine Brissette

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  • Lorraine Brissette, t.s.p.
    Coordonatrice à l’harmonisation des pratiques et processus au CSSS Jardin Roussillon au programme pour personnes en perte d’autonomie liée au vieillissement et déficience physique (PPALVDP)

Les trois ouvrages que j’ai publiés dans les années 90 portaient respectivement sur une méthode d’animation de groupes en vue de prévenir l’épuisement chez les aidants naturels (1994) suivis de deux ouvrages (1998) portant sur la prévention de l’épuisement du personnel soignant et la prévention de l’épuisement chez les intervenants sociaux. S’adressant à ces derniers, Échec auburnout (1998) traite avant tout du sens qu’un individu accorde à son travail. Comme le dit Diane Bernier dans la préface, l’épuisement ne peut être ramené à un simple problème de surmenage. Une forme de démoralisation est sous-jacente au manque d’énergie constaté. Cette démoralisation est causée par un écart trop grand entre l’effort fourni et la gratification qui en résulte. Cette discordance revêt des couleurs diverses qui ont été étudiées dans les années 90 par des auteurs tels que Larivière et Bernier (1995). Pour eux, les trois principaux facteurs qui incitent les travailleurs sociaux à vouloir quitter leurs postes sont : l’absence de progression et de développement professionnel, le style de gestion dans l’établissement et la nature du travail auprès d’une clientèle particulière. Pines, Aronson et Kafry (1990) arrivent à des conclusions relativement semblables quand ils affirment que le manque d’autonomie et le manque de gratification sont des facteurs d’épuisement aussi importants que la surcharge de travail. Nous avons conclu qu’une partie du problème de l’épuisement chez les intervenants sociaux réside dans des modes de gestion déficients et dans un manque de stratégies de prévention de la part des organisations et qu’une autre partie trouve son assise dans les réactions individuelles des travailleurs à ces modes de gestion. Qu’est-ce qui a changé depuis une douzaine d’années dans le contexte social, politique et organisationnel qui peut avoir une influence sur la problématique de l’épuisement chez les intervenants sociaux? Je n’entends pas ici donner des réponses à cette question de façon scientifique, à partir d’une revue de la littérature ou de la recherche. Mes propos sont davantage ceux d’une gestionnaire du réseau de la santé et des services sociaux et d’une auteure préoccupée par la problématique de l’épuisement chez le personnel du réseau de la santé. Mes commentaires sont donc essentiellement basés sur mon expérience professionnelle et mes réflexions personnelles. Elles n’engagent en rien l’établissement pour lequel je travaille. Il y a une douzaine d’années, les changements dans la pratique sociale avaient déjà commencé à se dessiner, mais l’ampleur des changements à venir n’était pas encore perceptible. Voici quelques facteurs qui ont pu contribuer à amplifier les changements de pratique des intervenants sociaux : le nouveau contexte de pénurie de la main-d’oeuvre, le changement générationnel et le renouvellement de la main-d’oeuvre et le contexte politique associé à la gestion des services sociaux et de santé. Le contexte de pénurie de la main-d’oeuvre apporte son lot de pressions sur la pratique des intervenants sociaux. Il y a douze ans, la pénurie commençait à se faire sentir en soins infirmiers et dans certaines professions de la réadaptation. Pour les travailleurs sociaux, au début des années 70, c’était l’âge d’or du plein emploi. Il y avait une pénurie importante de diplômés universitaires et les employeurs venaient nous recruter sur les bancs de l’université. À partir du début des années 80, les compressions budgétaires et une réduction du marché de l’emploi ont fermé la porte aux nouveaux travailleurs sociaux qui se sont orientés en masse vers les organismes communautaires. Ce courant a perduré jusqu’à la fin des années 90 et au début des années 2000. En fait, nous avons pu observer une courbe très nette d’une trentaine d’années, soit le passage de la cohorte des baby-boomers. Quel est …

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