La spiritualité est de plus en plus reconnue comme ayant le potentiel de prévenir, de guérir ou de faire face à la maladie. Malgré les voix discordantes, la grande majorité des recherches scientifiques sur l’influence de la spiritualité dans la santé appuient l’idée que les valeurs spirituelles et les buts de la vie apportent une contribution indéniable à la santé physique et psychique ainsi qu’à la satisfaction de vivre. Pour une conception globale de la santé — ce que la médecine scientifique moderne a négligé —, il faut une intégration de la dimension spirituelle dans les soins de santé. Une telle intégration nécessite d’abord une clarification du concept de spiritualité et le respect des champs de compétence du spirituel et du thérapeutique; elle fournit aussi à la médecine moderne l’occasion de consentir au réel, spécialement dans ce qu’il présente de vulnérable, de fini, de fragile et d’irrésolu. La notion de l’influence de la spiritualité sur la santé intéresse tant la discussion publique que la recherche. La spiritualité a-t-elle un effet thérapeutique et peut-elle soutenir la guérison? Une spiritualité intégrée favorise-t-elle une meilleure espérance de vie? Comment doit-on considérer le rapport entre la médecine et la spiritualité? Dans le présent article, nous allons d’abord préciser la notion de spiritualité et voir quelles sont les implications des choix de sa définition en lien avec la santé. Dans un deuxième temps, nous présenterons les principales positions sur l’apport de la spiritualité dans la santé pour terminer avec des conclusions sur les nombreuses recherches ou études portant sur le sujet. Définir la spiritualité représente un défi, étant donné les différentes acceptions que l’on donne à cette réalité ou à ce vocable. Mais, tout discours nécessite une clarification du langage. Il est donc essentiel de préciser la notion de spiritualité avant d’en aborder le lien avec la santé. Certaines définitions limitent la spiritualité à des expériences mystiques profondes, alors que d’autres incluent des sentiments communs et accessibles, tel celui de l’émerveillement éprouvé lors d’une excursion dans la nature. Il faut reconnaître qu’il y a diverses expériences spirituelles, de la forme ordinaire et accessible à la forme extraordinaire ou réservée à quelques privilégiés. Il y a plusieurs expériences et les mots pour les dire sont divers, mettant l’accent sur tel ou tel élément de cette dimension ou de ce besoin essentiel chez l’être humain. L’infirmière Burkhardt (1989) a analysé les diverses conceptions de la spiritualité proposées par les auteurs oeuvrant dans le domaine de la santé. Trois caractéristiques fondamentales à la spiritualité se dégagent de son étude : le dévoilement du mystère, la communion harmonieuse et la force intérieure. À partir de cette analyse conceptuelle, Dossey et Guzzetta (1995) vont proposer un outil dont le but est d’appréhender la dimension spirituelle selon les trois caractéristiques de la signification et du but, des interconnections et des forces intérieures. Beaucoup d’autres auteures liées à la profession infirmière se sont penchées sur les effets bénéfiques de la spiritualité, sur la détresse spirituelle et ses effets délétères, sur les besoins d’ordre spirituel de la personne soignée et sur les interventions infirmières visant la prise en considération des besoins spirituels de cette dernière et de son entourage. La très grande majorité — sinon la totalité — des conceptions de la profession infirmière se réclament d’une approche globale et insistent sur la nécessité de tenir compte de la spiritualité dans les soins de santé. L’éthique du caring (Noddings 1984; Gilligan 1994) ne consiste-t-elle pas, d’abord et avant tout, à aider la personne soignée à parvenir à un haut degré d’harmonie corps-coeur-esprit et âme? Dans son livre consacré à l’aspect spirituel des soins …
Appendices
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