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La Revue du mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales (Mauss) occupe une place singulière dans le paysage éditorial. Sans avoir une histoire aussi longue que celle de la Revue d’économie politique ou de la Recma (toutes deux créées par Charles Gide, respectivement en 1887 et 1921), elle s’efforce, depuis presque trente-cinq ans, de développer une approche pluridisciplinaire où se conjuguent l’économie, la sociologie, l’anthropologie, les sciences politiques et, plus rarement, d’autres disciplines des sciences sociales.
Initiée en 1981 par Alain Caillé à partir du fameux paradigme du don de Marcel Mauss auquel son acronyme est également un hommage, la Revue du Mauss représente un objet plutôt rare et souvent mal compris par un monde académique qui lui préfère en général le cloisonnement disciplinaire.
La ligne éditoriale revendiquée par la revue est de « ne pas dissocier les discussions proprement scientifiques de leurs enjeux éthiques et politiques ». Chaque numéro (semestriel) se présente comme un ouvrage – prolongé par quelques textes publiés dans une version numérique plus abondante – construit autour d’un thème fédérateur. Il arrive que ce dernier touche directement l’économie sociale – comme ce fut le cas en 1998 avec un numéro consacré aux associations (Revue du Mauss, n° 11) ou en 2003 avec un numéro dédié à l’alteréconomie (Revue du Mauss, n° 21).
Le plus souvent, cependant, la Revue du Mauss ne fait qu’effleurer l’économie sociale et solidaire. C’est le cas de ce numéro, qui s’inscrit dans le prolongement d’un ouvrage paru en 2013 sous le titre Manifeste convivialiste, une déclaration d’indépendance dans l’intention de « faire le point sur les questions qu’il soulève, les avancées qu’il permet et les obstacles qu’il rencontre ». C’est à Claude Alphandery et Jean-Louis Laville qu’il revient d’esquisser dans ce numéro « les harmoniques possibles entre convivialisme et économie sociale et solidaire ». Les auteurs réaffirment la place de l’ESS dans une économie plurielle et soulignent que la véritable reconnaissance de sa capacité d’innovation et du modèle alternatif qu’elle représente passe par un changement de paradigme. Deux textes qui laissent toutefois le lecteur sur sa faim en raison de leur brièveté. Reste que la lecture de la Revue du Mauss est toujours très stimulante.