L’ESS présente au Mexique des aspects spécifiques résultant d’une relation complexe entre la réalité socioéconomique du pays, fruit de son histoire, et les politiques publiques qui tendent à agir en fonction des intérêts conjoncturels ou politiques définis par le modèle néolibéral en vigueur. Le processus historique de construction de l’ESS au Mexique peut se diviser en cinq phases, correspondant à des dynamiques qui interfèrent souvent. Dans de nombreuses communautés indigènes, comme les Calpulli Mexicas, le conseil des anciens coordonnait les activités et octroyait les terres aux familles, en désignant celles qui devaient être travaillées collectivement. De plus, certains travaux généraux devaient être réalisés pour toute la population (temples, greniers, magasins, etc.) et des réserves de nourriture étaient constituées afin de pouvoir faire face aux périodes de sécheresse, de gel ou de guerre et de venir en aide aux personnes inaptes au travail physique. Après la conquête militaire espagnole et durant la période coloniale, la pratique s’est étendue aux magasins communaux, où les indigènes déposaient le produit de leurs récoltes en prévision des temps difficiles. Officiellement, le coopérativisme apparaît au Mexique en 1839, soit moins de deux décennies après l’indépendance (1821), avec la fondation à Orizaba de la première caisse d’épargne pour les employés et les artisans. Celle-ci présente alors toutes les caractéristiques coopératives et mutualistes inspirées par les socialistes utopiques français (Izquierdo, 2009). En 1873 est créé le premier atelier coopératif, avec en son sein la première société coopérative, qui rassemble vingt-six tailleurs. La même année, la première coopérative de consommation des ouvriers et des colons voit le jour, dans le quartier Buenavista de la ville de Mexico (Velazquez, 2013). A la suite, sont également créées une « société progressiste de charpentiers » et d’autres coopératives de production de chapeaux (Izquierdo, 2009). Ce premier mouvement coopératif et social trouve un relais auprès du Congrès général ouvrier de 1876, qui décide de promouvoir les coopératives. Le Code du commerce de 1889-1890 considère ces dernières comme une variante des sociétés commerciales, en leur accordant un intérêt certes inédit, mais néanmoins très limité (Fritz, 1986). La révolution mexicaine (1910-1920) présente deux aspects intéressants pour l’analyse de l’ESS : d’un côté, l’essor d’un militantisme ouvrier plus ou moins d’inspiration coopérativiste et, d’un autre, la structuration du modèle de l’ejido, qui – à notre sens – est le meilleur exemple d’un modèle propre à l’ESS au Mexique, comme nous le verrons plus loin. L’activisme ouvrier post-révolutionnaire aboutit en 1927 au vote de la première loi générale sur les sociétés coopératives, qui sera modifiée en 1933. Dans ce contexte de développement du mouvement coopératif, est créée en 1931 la coopérative la plus emblématique du Mexique, la Cruz azul (Croix bleue), suivie quelques années plus tard de la coopérative Excelsior, avec deux cent cinquante associés, et d’une autre coopérative, celle des Aiguiseurs de Tampico. En 1938, l’essor du mouvement coopératif mexicain est favorisé par une loi adoptée par le gouvernement du général révolutionnaire Lázaro Cárdenas, célèbre pour avoir réalisé de grandes réformes sociales et nationalisé l’industrie pétrolière. Cette loi est la première à établir clairement que seuls les travailleurs peuvent participer à des coopératives et définit certains des principes fondamentaux de coopération, notamment le principe d’égalité des devoirs et des droits pour les coopérateurs, un vote par associé, l’absence de but lucratif pour les entreprises coopératives et la possibilité pour les syndicats de travailleurs d’organiser des coopératives de consommation (Izquierdo, 2009). Ensuite, à partir des années 50, sont fondées les principales caisses populaires d’épargne. Les années 70 sont marquées par la multiplication des coopératives de pêcheurs, qui se voient octroyer le monopole de l’exploitation des espèces marines …
Appendices
Bibliographie
- Fritz-Krockow B., 1986, « Evaluación del cooperativismo mexicano », in Comercio exterior, vol. 36, n° 9, México.
- Heredia Zubieta C., Chico Spamer A., 2013, Estudio de caso : el fondo Fides (México), México, centro Reliess.
- Izquierdo Muciño M., 2009, « Problemas de las empresas cooperativas en México que atentan contra su naturaleza especial », in Boletín de la Asociación internacional de derecho cooperativo, n° 43-2009, Bilbao.
- Laville J.-L., Cattani A. D., 2006, Dictionnaire de l’autre économie, Saint-Amand, Gallimard.
- Oulhaj L., Saucedo Perez F., 2013, Miradas sobre la economía social y solidaria en México, Puebla, Centro internacional de investigación de la economía social y solidaria.
- Marañon Pimentel B., 2013, La economía solidaria en México, México, IIE, Unam.
- Rojas Herrera J.-J., 2013, « Panorama general del cooperativismo agropecuario en México », in Estudios agrarios, Procuraduría agraria, México.
- Universidad iberoamericana Puebla (UIA), secretaría de economía e Inaes, 2013, note de synthèse du diagnostic de programme de promotion de l’économie sociale.
- Universidad iberoamericana Puebla, secretaría de economía e Inaes, 2013, diagnostic du programme de promotion de l’économie sociale.
- Velazquez Garcia J.-M., 2013, El movimiento cooperativo en México : la búsqueda de alternativas al desarrollo social, 2000-2010, México, Movimiento ciudadano, Partido político nacional.
- Touzard J.-M., Vandame R., « La coopérative comme outil du développement durable : le cas des coopératives d’apiculteurs au Mexique et au Guatemala », Recma, n° 313, 2009.
- Hostelet G., « Le Mexique d’aujourd’hui », Recma, n° 55, 1935.
- Léon C., « Les coopératives scolaires au Mexique », Recma, n° 48, 1933.