L’idée de créer un lieu spécialisé dans la collecte d’archives militantes est née d’un constat préoccupant : malgré l’existence d’un réseau d’archives publiques, départementales et municipales, les archives des militants comme celles des organisations syndicales risquaient de se perdre faute d’un lieu et d’une politique de conservation adaptés, d’autant plus que, si l’on excepte quelques rares archivistes de syndicat férus d’histoire (cette fonction est inscrite dans les statuts de certaines centrales), les militants syndicaux, préoccupés du présent et de l’avenir, du combat au quotidien, se souciaient peu du passé et a fortiori de leur propre passé. Trop modestes, les militants ne comprenaient pas toujours que leur témoignage ou leurs archives pouvaient servir à écrire l’histoire. Le résultat en fut au pire la perte, voire la destruction d’archives précieuses, au mieux leur entassement dans des lieux non appropriés où elles attendaient d’être classées et répertoriées. En 1980, à Nantes, quelques universitaires, dont Yannick Guin, enseignant à la faculté de droit, aidés d’autres personnalités, comme François Le Madec, syndicaliste et conseiller municipal de Nantes chargé des relations avec les syndicats et le monde du travail, prennent conscience de la nécessité de préserver ces richesses. « Sauvegarder la mémoire ouvrière », « restituer son histoire au mouvement ouvrier » deviennent leurs mots d’ordre. Plus même : les créateurs du Centre de documentation du mouvement ouvrier et du travail (CDMOT, futur Centre d’histoire du travail) croient en la nécessité, pour la classe ouvrière, de pouvoir écrire elle-même son histoire. Le CDMOT s’installe en 1981 dans un lieu hautement symbolique : la Bourse du travail de Nantes, à proximité des centrales syndicales. Il y restera dans des conditions assez précaires jusqu’en 1994, date à laquelle il emménage sur l’île de Nantes, dans le bâtiment Ateliers et Chantiers de Nantes tout juste rénové, sur le site des anciens chantiers navals. Le centre de documentation devient alors le Centre d’histoire du travail (CHT). Que trouverez-vous si vous franchissez les portes du CHT ? Des fonds d’archives d’organisations syndicales et politiques locales, mais aussi nationales (Confédération nationale des syndicats de travailleurs paysans, Parti socialiste unifié) ; un centre de documentation militant, le Centre de documentation anarchiste, qui a confié au CHT la gestion de sa bibliothèque et de ses périodiques ; une bibliothèque forte de 16 000 ouvrages ; des collections de périodiques syndicaux et politiques ; un fonds iconographique extrêmement riche sur la Loire-Atlantique ouvrière et paysanne. Vous trouverez également des fonds de militants ouvriers, paysans, enseignants, de quelques coopérateurs, et non des moindres ! Il y a tout d’abord Georges Lasserre. Juriste et économiste de formation, ce spécialiste incontournable du mouvement coopératif avait confié à son ami Henri Desroche son volumineux fonds d’ouvrages, qui aujourd’hui a pris place dans les rayonnages du CHT. Il y a ensuite André Hirschfeld, expert auprès du Bureau international du travail, maître des requêtes au Conseil d’Etat, ingénieur agricole et administrateur civil au ministère de l’Agriculture. Son fonds comporte pour l’essentiel de la documentation sur le mouvement coopératif international, ainsi que les études qu’il a menées ou coordonnées sur le développement du mouvement coopératif à travers le monde dans les années 50 et 60. Beaucoup de littérature grise dans ces deux fonds, ainsi que dans celui que nous avons intitulé FNCC et qui comprend tous les comptes rendus de congrès de 1913 à 1983. De quoi faire l’histoire de la coopération par en haut, mais pour celle d’en bas les sources sont plus rares. Bien moins volumineux, mais non moins intéressant, le CHT conserve également les archives de l’Entente communautaire, structure fédérant les communautés de travail, animée notamment par Jean Gray, …
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- Christophe Patillon,
- Eric Belouet,
- Patricia Toucas-Truyen,
- Marcel Hipszman and
- Nicole Alix
Online publication: March 4, 2014
A document of the journal Revue internationale de l'économie sociale
Number 331, January 2014, p. 9–19
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