On peut d’ores et déjà assurer que l’année 2014 sera de celles où l’histoire de la Recma s’accélère. Le 12 janvier, notre collaborateur Serge Koulytchizky est décédé. Dans un prochain numéro, la Recma rendra un hommage à celui qui était membre de son comité de rédaction depuis 1980 (n° 200) et qui fut son rédacteur en chef en 1981 et 1982. Dans cet éditorial, nous souhaitons simplement témoigner, au nom du comité de rédaction et de ses nombreux collègues et amis en France comme dans le monde, et en particulier au Québec et en Belgique, de son engagement et de sa fidélité au mouvement coopératif, de sa ténacité et de sa fierté d’avoir pu durant tant d’années enseigner, débattre et écrire sur les valeurs, les pratiques et les institutions coopératives. Après avoir soutenu, en 1971, sa thèse de doctorat sur « L’autogestion, l’homme et l’Etat : l’expérience algérienne », publiée chez Mouton (La Haye) en 1974, Serge Koulytchizky fut le premier à poursuivre l’enseignement initié par son maître ès coopération, Henri Desroche, en créant un diplôme d’études supérieures à Bordeaux en 1972, avant de rejoindre l’Institut Charles Gide au Mans en 1980. Serge ne manquait aucune réunion du comité de rédaction de la Recma. Allergique autant à la langue de bois, à laquelle sont parfois exposés les acteurs, qu’à la phraséologie, à laquelle sont parfois exposés les chercheurs, ses interventions révélaient son esprit clair, critique et exigeant. Elles pouvaient être redoutables, suscitaient fréquemment la controverse et se concluaient toujours par un sourire complice. Par sa présence active, Serge fut durant toutes ces années l’un des animateurs les plus dynamiques et constants de la revue. La Recma adresse à Danièle, son épouse, et à ses proches son amical soutien. Les événements se conjuguent parfois étonnamment : la disparition de Serge Koulytchizky coïncide avec l’élection à la tête de l’association éditrice de la Recma d’un nouveau président. Denis Tzarevcan, qui assurait la présidence depuis 2006, souhaitant passer le flambeau, le conseil d’administration s’est tourné vers Jean-Claude Detilleux, président de CoopFR. Au nom du comité de rédaction, je remercie très chaleureusement Denis Tzarevcan, dont l’action combinée avec celle des membres du conseil d’administration dans l’établissement de nouveaux partenariats institutionnels a permis d’accompagner les évolutions rapides que la rédaction de la Recma a connues au cours de ces dernières années. Je souhaite la bienvenue au nouveau président, qui est aussi partenaire de longue date d’une revue à laquelle il a maintes fois témoigné son attachement. Ce numéro 331 comprend cinq articles de fond : deux articles se penchent sur les « circuits courts », et les trois suivants, respectivement sur l’évolution de la mutualité, l’impact social de l’entreprise sociale et une régie coopérative en Uruguay. Serge Cordellier nous livre une « Histoire de la coopération agricole de production en France » inédite. Cette contribution présente au moins trois intérêts majeurs. Son objet d’abord, original, puisqu’il est construit en dehors des formes bien connues mais limitées de la coopération de production agricole que sont les Cuma et les Gaec. A objet original, démarche originale : Serge Cordellier s’appuie largement sur des entretiens approfondis qu’il a menés avec les acteurs de cette histoire, ainsi éclairée par des témoignages précieux. Enfin, l’auteur établit un lien entre ses résultats de terrain et les apports théoriques de l’anthropologie sociale, particulièrement entre les droits de succession et les liens de parenté, qui ouvrent un champ de recherche peu exploré. Dans « Des circuits courts à la reterritorialisation de l’agriculture et de l’alimentation », Benoît Prévost montre que l’innovation sociale inspirant l’instauration de circuits courts induit un changement de rapport …