Ce numéro 330 de la Recma propose un dossier sur « La coopération : théories, pratiques et droit » comprenant quatre articles. Dans sa contribution sur « Les fondements théoriques des coopératives de crédit », Nazik Beishenaly se penche sur les rôles politique et économique des coopératives de crédit, à partir d’une approche historique de la pensée coopérative. Après avoir introduit aux principaux textes de Marx sur les coopératives de production, Hervé Defalvard montre toute l’actualité d’une analyse de la valeur centrée sur le travail. Il aborde à partir de cette question fondamentale de la valeur plusieurs problèmes essentiels pour la coopérative, comme le profit, la concurrence, la rémunération. Abordant une évolution remarquable de la créativité coopérative, Marie-Christine Barbot-Grizzo, France Huntzinger et Thierry Jolivet étudient la transmission de PME saines en Scop et soulignent l’importance de la relation de confiance qui se noue entre acteurs économiques et conseillers coopératifs. Enfin, Willy Tadjudje analyse de façon critique le rôle de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) dans la nor-malisation des règles coopératives d’épargne et de crédit. Hors dossier, on lira un article de Patrick Valéau, Hassen Parak et Pierre Louart sur « Les équipes associatives, entre rationalité en valeur et entrepreneuriat social ». Les auteurs y abordent la confrontation entre l’entrepreneuriat social et le fonctionnement associatif. Au terme d’une fine description de terrain, ils soulignent les difficultés d’articulation tout en montrant la possibilité d’aboutir à des mutations organisationnelles. Enfin, dans la rubrique « Varia », Laurent Bisault revisite le périmètre coopératif : question difficile mais essentielle de la mesure des coopératives au sein de l’économie sociale et solidaire. L’essor constant des travaux conceptuels sur l’ESS à partir de diverses disciplines poursuivant chacune leur propre projet théorique pose plusieurs questions au praticien de l’ESS. Celui-ci se trouve confronté à des conceptions nouvelles, à un vocabulaire nouveau, proposant une interprétation théorique différente de la sienne. Cet apport l’oblige à réfléchir à la portée des théories qui lui sont proposées, à confronter celles-ci à son approche personnelle et, parfois, à effectuer un déplacement susceptible de questionner ses pratiques et leur rapport à l’éthique. Cette question est d’autant plus compliquée qu’elle se double d’un questionnement politique : l’impossibilité de la neutralité du concept au regard des valeurs suscite, au-delà du débat théorique, des enjeux politiques qui occasionnent des actions de communication ou de lobbying. Et l’on sait que toutes les organisations et tous les acteurs institutionnels produisant des connaissances, les valorisant ou les transmettant ne communiquent pas avec la même puissance et le même bonheur. Or, sans nier le caractère heuristique et indispensable de la confrontation aux théories « exogènes », la majorité des praticiens, ainsi que de nombreux enseignants et chercheurs, sont également attachés à une théorisation des pratiques à partir des conceptions des praticiens eux-mêmes. D’où la proposition suivante : si nous pensons que l’ESS est susceptible de produire un apport original à la pensée contemporaine , il faut avoir l’audace de faire vivre les concepts qu’elle a forgés, de les confronter à de nouveaux plutôt que d’adopter ceux-ci sous prétexte qu’ils viennent d’être produits. Pourquoi faudrait-il substituer le profit à l’excédent de gestion, le business plan (fût-il social) au projet d’activités, remplacer l’usager ou le bénéficiaire par le client, la recherche de fonds par le fundraising, dire que les réserves impartageables et inaliénables sont dépassées, ignorer la double qualité ou l’a-capitalisme ? Abandonner ces concepts, c’est assurément nier la force d’invention de l’ESS et contribuer à la banaliser. En effet, l’adoption de nouveaux termes généralement issus des pratiques capitalistes, et assez souvent du capitalisme financier, autorise également …