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  • Jordane Legleye,
  • Patricia Toucas-Truyen and
  • João Salazar Leite

L’Association française d’économie politique (Afep) est à l’initiative d’un appel lancé avec des philosophes, des sociologues, des historiens, des juristes, des spécialistes des sciences de gestion et des sciences politiques pour réclamer la création d’une nouvelle section d’économie au Conseil national des universités (CNU). Les accents de cet appel ne sont pas sans rappeler les textes fondateurs de la Recma(). En octobre 1921, dans le premier numéro de la Revue des études coopératives, devenue la Recma, plusieurs centaines d’intellectuels, comme Charles Andler, Elie Halévie, Ernest Lavisse, Léon Brunschvicg, Lucien Lévi-Bruhl, Marcel Mauss, François Simiand, Charles Seignobos, Bernard Lavergne, Ernest Poisson…, signaient le Manifeste coopératif dont est tiré le présent intertitre. Celui-ci précédait un texte de Charles Gide, aux échos éminemment contemporains  () (à condition de remplacer « coopération » par « économie sociale »), intitulé « Pourquoi les économistes n’aiment pas la coopération », qui se conclut par ces mots : « Les économistes veulent bien des sociétés coopératives, mais ils ne veulent pas du coopératisme, au sens de programme de transformation sociale, tel que cette revue a précisément pour but de l’enseigner et de le propager. […] Si économistes et coopératistes ne s’aiment guère, c’est moins par opposition de doctrines que par incompatibilité d’esprit. Nous ne sommes pas de la même religion, ou plutôt nous ne sommes pas du même monde, au sens “mondain” de ce mot. Nous ne fréquentons pas la même société. L’école libérale est plus conservatrice encore que libérale, en ce sens que la libre concurrence qu’elle réclame ne lui apparaît désirable qu’autant qu’elle a pour résultat de maintenir l’ordre économique existant dans ses grandes lignes. Elle croit sincèrement que l’existence de la société est liée à celle de la société bourgeoise. Et toute action qui tend à la transformer, alors même qu’elle n’a recours pour cela qu’à l’association libre, telles le coopératisme ou le syndicalisme, lui apparaît comme néfaste. Les coopérateurs ne sont pas des révolutionnaires. Ils ne cherchent pas de solution en dehors des lois économiques, mais ils ne craignent pas de suivre celles-ci jusqu’au bout, si loin qu’elles puissent les mener. » Le 5 février 2013, le ministère de l’ESS et de la Consommation organisait un colloque à l’intitulé ambitieux, « Penser et construire de nouveaux référentiels pour construire les politiques économiques de demain », qui réunissait un panel d’économistes « hétérodoxes » dans les locaux austères du ministère des Finances. Dans son propos introductif, l’anthropologue Paul Jorion, spécialiste de la finance, a rappelé que le système darwinien appliqué à l’économie depuis le xixe siècle, avec pour conséquence la concentration des richesses, a impacté de façon désastreuse le fonctionnement de la démocratie. Or, « la démocratie est adaptative, mais le capitalisme qui caractérise son économie n’est pas, lui, adaptatif ». Les entreprises commerciales n’ont cessé de grandir jusqu’à coloniser tout l’espace et épuiser les ressources : « les pertes causées par les bulles financières lorsqu’elles éclatent dépassent désormais en taille la capacité d’absorption des Etats », ainsi que l’a montré l’ampleur inédite de la crise des subprimes de 2008. Livrant une vision quelque peu fossilisée de l’ESS, P. Jorion estime que cette forme d’économie, après avoir connu son apogée entre 1820 et 1850, a échoué à régler les questions de l’intérêt sur l’emprunt, de l’héritage et de la propriété. Il est urgent que l’ESS s’empare de ces sujets, car, « s’il s’agissait en 1848 d’un choix de société, il y va aujourd’hui de la survie de l’espèce ». Selon les économistes Philippe-Noël Giraud (Mines-Paris et Paris-Dauphine) et Florence Jany-Catrice (Clerse-CNRS), les indicateurs établis …

Appendices