La course à la taille est-elle inéluctable dans l’économie sociale ? Telle était la question proposée à la réflexion et mise en débat par l’équipe de l’Association pour le développement de la documentation sur l’économie sociale (Addes, www.addes.asso.fr) lors de son XXIVe colloque, en 2012. Il s’agissait bien d’une question transversale à l’ensemble des familles de l’économie sociale. Pour les mutuelles de santé, certaines prévisions actuelles envisagent une division par deux de leur nombre entre 2005 et 2015. Pour les coopératives agricoles, la division de leur nombre par deux a déjà eu lieu depuis 1965. Si les associations semblent faire exception – notamment dans le secteur sanitaire et social, où les associations employeurs sont passées de 29 000 en 2000 à plus de 33 000 en 2010 (Bazin et al., 2011) –, il faut aussi observer avec Viviane Tchernonog (2011) qu’actuellement près d’une création d’association sur cinq se réalise à partir d’associations déjà existantes. Derrière des modalités variables (groupement d’intérêt économique, groupement de coopération sociale et médico-sociale, groupe économique solidaire, société de groupement d’assurances mutuelles, fusion-absorption, etc.), des restructurations importantes sont à l’ordre du jour dans la plupart des secteurs de l’économie sociale, le contexte étant favorable à une telle évolution. Dans certains secteurs, l’internationalisation des marchés y pousse ; dans d’autres, l’entrée de concurrents lucratifs de taille et de force de frappe commerciale massive peut y contraindre. Parfois, l’évolution des normes et des réglementations encadrant l’activité tend à disqualifier des entreprises de petite taille de l’économie sociale. Enfin, dans leur souhait légitime de réviser les politiques publiques, les pouvoirs publics imposent, parfois même sans discussion, des regroupements dont ils espèrent des économies. Les raisons sont multiples et variables selon les secteurs d’activité, mais il est peu d’exemples où elles ne se manifestent pas du tout. Ces restructurations mettent sous de fortes tensions les entreprises de l’économie sociale. Bien sûr, celles-ci connaissent les vertus de la coopération et de la mutualisation, qu’elles pratiquent souvent dans leur fonctionnement interne, mais avec les autres acteurs de l’économie sociale, qui peuvent être des concurrents ou dont les valeurs sont partiellement différentes, leur mise en oeuvre est souvent plus délicate et donc plus rare. Or, dans cette course à la taille pour obtenir économies d’échelle et levier de développement sur les marchés, la coopération et la mutualisation entre acteurs de l’économie sociale peuvent être des alternatives innovantes pour parvenir à une performance économique pertinente tout en préservant l’ancrage territorial et la proximité comme la volonté d’une gouvernance participative effective. Les quatre articles qui suivent sont issus de communications présentées lors du colloque de l’Addes. Les deux premiers concernent un secteur important et rendu particulièrement complexe pour beaucoup de lecteurs, en raison des spécificités des activités concernées et du degré élevé d’internationalisation des marchés : celui de la coopération agricole. Le troisième rassemble les réflexions transversales d’un praticien engagé dans l’accompagnement de processus de restructuration, notamment dans le champ du social, de l’insertion et du médico-social. Le dernier nous plonge au coeur des problématiques d’un secteur d’activité émergent, celui des musiques actuelles, où, fruit d’une histoire ancienne ou plus récente, de nombreuses entreprises ont pris la forme d’une association souvent dynamique et engagée. Il n’est pas question dans ces propos liminaires de déflorer le sujet ni de paraphraser ce que les auteurs ont bien mieux écrit que cela ne pourrait être fait ici. Il s’agit de tenter de mettre en perspective les apports de chaque article pour en tirer des leçons à caractère général et des pistes de réflexion, notamment pour la suite des activités de l’Addes. Ainsi, la réflexion menée par Maryline …
Appendices
Bibliographie
- Baumol W. J., 1967, « Macroeconomics of unbalanced growth : The anatomy of urban crisis », The American Economic Review, vol. LVII, n° 3, juin, p. 415-426.
- Bazin C., Malet J., Guerry R., 2011, Associations sanitaires et sociales : bilan de l’emploi sur dix ans et conjoncture 2011, fiches pratiques du Cnar, décembre.
- Mintzberg H., 2012, « Henry Mintzberg contre l’entreprise arrogante », entretien au Monde-Eco et Entreprise, 22 mai.
- Tchernonog V., 2011, « Associations : quelles stratégies face aux crises ? », intervention lors du colloque organisé par le barreau de Lyon, septembre 2010, actes publiés dans Lamy Droit des affaires, mars, n° 58, p. 79-102.