Revue internationale de l'économie sociale
Recma
Number 289, July 2003 Dossier Coopération Special Feature on Cooperatives
Table of contents (10 articles)
Éditorial / Editorial
Actualité / Current Issues
Dossier Coopération / Special Feature on Cooperatives
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L’action de l’OIT pour la promotion des coopératives
Mark Levin
pp. 10–19
AbstractFR:
L’Organisation internationale du travail (OIT), partie intégrante de l’ONU, a pour mission de promouvoir la justice sociale et les droits de l’homme et du travailleur. Dès sa création peu après la Première Guerre mondiale, elle reconnaît le rôle des coopératives et se dote d’un service spécialisé dans l’appui coopératif aux États-membres; pour l’OIT, soutenir les coopératives et les valeurs qui les fondent concourt à la réalisation de sa mission. Une nouvelle recommandation à l’intention des États-membres, la recommandation n° 193, adoptée en juin 2002, incorpore les changements du contexte dans lequel évoluent les coopératives. Elle remplace et élargit le propos de la recommandation n° 127, centrée sur les pays en voie de développement. Intégrant l’identité coopérative telle que définie par l’Alliance coopérative internationale (ACI) en 1995, elle met l’accent sur l’autonomie des coopératives tout en soulignant le rôle primordial des gouvernements pour établir un cadre politique, juridique et institutionnel approprié. Les partenaires sociaux et les organisations coopératives apparaissent également comme des acteurs essentiels du développement coopératif. Au travers de cette recommandation et des actions engagées pour la diffuser, le BIT espère contribuer à faire évoluer les législations nationales pour un meilleur soutien des coopératives (lire aussi l’article de Bruno Roelants dans ce numéro).
EN:
The mandate of the International Labour Organization (ILO), which is an integral part of the UN, is the promotion of social justice and workers' rights. Ever since its creation shortly after WWI, the ILO has recognized the role of cooperatives and has had a specific department for providing assistance to member states on cooperative matters. Supporting cooperatives and the values upon which they are based contributes to fulfilling its mandate. A new ILO recommendation for member states (recommendation 193, adopted in June 2002) addresses the evolution of the context in which cooperatives function. It replaces and expands the scope of recommendation 127, which was centered on developing countries. Incorporating the International Cooperative Alliance's 1995 definition of cooperatives, the new recommendation emphasizes the autonomy of cooperatives while stressing the crucial role of governments in establishing the appropriate political, legal and institutional framework. The social partners and cooperative organizations are also seen as vital to cooperative development. Through this recommendation and the steps taken to disseminate it, the ILO hopes to influence changes in national laws for providing better support to cooperatives (see Bruno Roelants' article in this issue).
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La première norme mondiale sur les coopératives : la recommandation 193/2002 de l’organisation internationale du travail
Bruno Roelants
pp. 20–29
AbstractFR:
Secrétaire général de Cicopa, l’auteur de cet article rend compte du rôle joué par le mouvement coopératif mondial dans l’élaboration de la recommandation n° 193 de l’Organisation internationale du travail (OIT) concernant la promotion des coopératives (lire l’article de Mark Levin dans ce numéro). Ce sont tout autant la portée de cette nouvelle recommandation que le processus qui a conduit à l’adopter qui sont analysés ici. Comment les organisations coopératives ont-elles pu faire entendre leur voix sur le texte initial, un simple siège d’observateur étant habituellement dévolu à l’Alliance coopérative internationale (ACI) dans le cadre de ces négociations ? Seuls les représentants des gouvernements, des syndicats et des organisations d’employeurs y participent et des accréditations auprès de ces trois groupes étaient nécessaires. Qu’il s’agisse d’obtenir un traitement différencié des coopératives pour ce qui fait leur spécificité par rapport aux autres entreprises ou de souligner la responsabilité des États dans la promotion des coopératives, cette implication du mouvement coopératif a contribué à finaliser un texte réellement utile pour son développement futur.
EN:
Belonging to an international cooperative organization, the author of this article gives an account of the role the international cooperative movement played in the drafting of the International Labour Organization's recommendation 193, which concerns the promotion of cooperatives (see Mark Levin's article in this issue). Both the impact of this new recommendation and the process that led to its adoption are analyzed here. With the International Cooperative Alliance normally only entitled to have one observer present during the negotiations, how were the cooperative organizations able to stamp their imprint on the original text? Only the representatives of governments, trade unions and employers' organizations could take part in the negotiations, and accreditation by these three groups was necessary. Whether for obtaining special treatment of cooperatives because of their specificity compared with other enterprises or emphasizing the responsibility of governments for promoting cooperatives, the involvement of the cooperative movement helped to produce a final draft that truly benefits its future development.
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L’économie sociale, une menace à l’indépendance du mouvement coopératif ? : actualisation du débat autour de l’approche allemande
Yair Levi
pp. 30–39
AbstractFR:
En élargissant le principe de solidarité au-delà de son sociétariat, la coopérative renie-t-elle le modèle qui la fonde ? Les caractéristiques de l’économie sociale telles que l’orientation sociale et communautaire ou le bénévolat représentent-elles une menace pour la coopérative, ou au contraire une voie d’enrichissement et de renouvellement ? L’auteur reprend, pour les réactualiser, les termes d’un débat amorcé à la fin des années 90 à partir d’une approche allemande de ces questions. La vocation exclusive de la coopérative pour ses membres et l’unité du sociétariat sont aujourd’hui largement remis en cause par de nouvelles formes d’entreprises, comme la coopérative sociale italienne ou la société coopérative d’intérêt collectif (Scic) en France, qui sont basées sur le multisociétariat. En Allemagne, où émerge le concept d’« entreprise promotrice » (lire l’article de H. Münkner, Recma, n° 281), les coopératives ont toujours la volonté de se démarquer des entreprises d’intérêt collectif. Il est vrai que le pas à franchir n’est pas des moindres pour repenser une gestion démocratique qui intègre bénévoles et usagers, qu’ils soient membres ou non-membres, au processus de décision.
EN:
Do cooperatives renounce the model upon which they were founded by extending the principle of solidarity beyond their membership? Do the characteristics of the social economy, such as the social and community orientation and volunteer work, pose a threat for cooperatives or, on the contrary, provide a rewarding and revitalizing avenue? The author takes a new look at a debate that began in the late 1990s about the German approach to these issues. The cooperative's vocation to benefit its members exclusively and the principle of single-stakeholder membership are today greatly challenged by new kinds of enterprises, such as the Italian social cooperative or the collective-interest cooperatives (SCIC) in France, which are based on multi-stakeholder membership. In Germany, where the concept of goal-promoting enterprises has been developed (see Hans Münkner's article in Recma 281), cooperatives have always insisted on distinguishing themselves from public-interest enterprises. It's undoubtedly a large step to redesign enterprise democracy so that volunteers and users, whether members or non-members, are brought into the decision-making process.
L’économie sociale en mouvement / The Changing Social Economy
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Économie solidaire et inégalités de genre : une approche en termes de justice sociale
Isabelle Guérin
pp. 40–56
AbstractFR:
Dans quelle mesure l’économie solidaire peut-elle répondre à la délicate question des inégalités de genre ? En s’appuyant sur deux études de cas empruntées à des contextes aussi variés que la France et le Sénégal, l’auteur montre que l’économie solidaire, de par sa capacité à repenser l’articulation entre famille, marché, autorités publiques et société civile, offre une opportunité inédite pour penser la lutte contre les inégalités de genre. D’une part, l’existence d’espaces intermédiaires permet de socialiser et de mutualiser la prise en charge de problèmes qui incombaient jusque-là à la sphère privée, et donc essentiellement aux femmes. D’autre part, en permettant la formulation, l’expression et la revendication des difficultés rencontrées par certaines catégories de population et en particulier les femmes, difficultés ignorées ou négligées par le marché ou l’État, ces espaces intermédiaires pallient les insuffisances d’une justice universaliste, insensible et aveugle à certaines formes d’inégalités. En même temps, ces pratiques sont d’une grande fragilité. Si la prudence est donc de mise, soutenir ce type d’actions est pourtant primordial dans le but d’élaborer des choix collectifs qui ne soient pas dictatoriaux, mais respectueux des préférences personnelles.
EN:
To what extent can the solidarity economy address the delicate issue of gender inequality? Drawing on two case studies taken from contexts as varied as France and Senegal, the author shows that the solidarity economy offers a unique opportunity for thinking about how to overcome gender inequality through its ability to re-examine the relationship between family, market, public authorities and civil society. On one hand, intermediate institutions make it possible to deal socially and collectively with problems that until now belonged to the private sphere and, consequently, primarily to women. On the other hand, these intermediate institutions allow the difficulties encountered by certain parts of the population, particularly women, to be formulated, expressed and acknowledged (difficulties which have been ignored or neglected by the market and government), thus compensating for the shortcomings of a universalistic justice system that is indifferent and blind to certain kinds of inequality. At the same time, these practices are extremely vulnerable. While a degree of prudence is advisable, supporting these types of initiatives is essential in the search for collective choices that are not dictatorial but respectful of individual preferences.
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Être cadre associatif
Nicolas Sadoul
pp. 57–80
AbstractFR:
Cette contribution est tirée d’une recherche s’intéressant pour la première fois aux cadres associatifs comme forme spécifique du salariat dans le champ de l’économie sociale. Par une enquête détaillée, les formes de cette professionnalité sont analysées dans un contexte où le modèle managérial paraît se développer dans tous les domaines de l’activité humaine, y compris dans nombre d’organisations à but non lucratif. Dans quel contexte évolue le cadre associatif ? D’où vient-il ? Quel est son statut juridique ? Quelles fonctions assume-t-il ? Quelles sont ses valeurs de référence ? Les associations objets de l’étude, majoritairement, sont impliquées dans des activités d’animation et d’éducation populaire au sens large, membres de réseaux nationaux importants et fortement employeurs. Des cadres aux dénominations multiples les dirigent en ne repoussant pas les techniques qui en font des gestionnaires, en assumant leur rôle de professionnels tout en faisant perdurer fortement une dimension militante. Il apparaît ainsi que ces salariés particuliers ne sont pas seulement des « managers » de PME locales au supplément d’âme généreux, ni même des « animateurs permanents » dégagés des contraintes gestionnaires de l’entreprise d’économie sociale. Ils expriment des choix, guidés par des valeurs, pour consolider — ou donner à l’association — une capacité renouvelée d’action sur la société.
EN:
This contribution comes from the first study to look at managers in the non-profit sector as a specific kind of employee in the social economy. Using a detailed survey, the different types of this professional category are analyzed in a context where the managerial model seems to grow in every sphere of human endeavor, including a number of non-profit organizations. What is the context in which managers of nonprofit organizations operate? Where do they come from? What is their legal status? What are their responsibilities? What are their reference values? The majority of the associations chosen for the study are broadly involved in social and educational activities in the community, and they are members of extensive national networks that are large employers. A variety of managers run these organizations who do not reject management techniques and accept their professional role while maintaining a strong activist outlook. It seems that these unusual employees are not just managers of local SMEs with a charitable streak, nor even permanent facilitators freed from the managerial constraints of the social economy enterprise. They express choices guided by values for consolidating (or giving to the non-profit organization) a renewed capacity for changing society.
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La contractualisation éducative à Clichy-la-Garenne : régulation ou normalisation ?
Hélène Trouvé
pp. 81–94
AbstractFR:
La décentralisation et l’apparition de nouveaux acteurs dans le champ éducatif, en particulier les associations d’accompagnement à la scolarité, amènent à se poser deux questions : quels sont les champs de compétence et d’intervention de ces nouveaux acteurs ? Comment réguler et coordonner les acteurs et les dispositifs ? Dans cette perspective, la contractualisation territoriale est progressivement apparue comme une solution consensuelle. Reste à savoir si cette contractualisation permet la combinaison des performances économique et sociale, ainsi que le respect des caractéristiques identitaires des associations éducatives. L’auteur appuie sa recherche sur une enquête menée auprès des associations éducatives de la ville de Clichy-la-Garenne. Après avoir caractérisé ces structures, l’article analyse les conditions de coopération et de coordination des acteurs locaux, au travers notamment de l’étude du contrat éducatif local clichois, et montre que ce mode de régulation n’est pas sans conséquences pour les associations éducatives.
EN:
Decentralization and the appearance of new organizations in the field of education, in particular after-school support, raise two questions. What are the role and scope of these new organizations? How can the organizations and programs be regulated and coordinated? Community planning has gradually emerged as a consensual solution. What remains to be seen is if this form of planning enables combining economic and social performance as well as respecting the identities of non-profit educational organizations. The author bases her research on a survey of non-profit educational organizations in the town of Clichy-la-Garenne. After describing the characteristics of these organizations, the article analyzes the conditions of cooperation and coordination of local organizations, in particular through studying the local educational plan for Clichy, and shows that this structure has an impact on non-profit educational organizations.