La première partie rassemble quatre témoignages d’acteurs qui ont été au coeur de la création de la Mohawk Warrior Society dans les années 1970. La transcription des entretiens avec Tekarontakeh, Kawkirakeron, Kanasaraken et Ateronhiatakon replace la société dans le parcours de vie de ces quatre hommes. Cette partie permet de mieux comprendre les motivations qui les ont poussés à raviver le feu des Rotisken’rahkéhte (les guerriers mohawks). Les témoignages font état d’une connaissance profonde du passé de la nation Mohawk ainsi qu’une responsabilité contemporaine de respecter la Kaianere’kó : wa, la constitution rotinonhsión : ni. La seconde partie « remonte aux racines culturelles de la résistance mohawk pour mieux comprendre les protocoles, les symboles et les traditions qui caractérisent sa position souverainiste ». (Ibid : 119) Le premier texte par Kahentinetha explique les principes de base de la Kaianere’kó : wa. Le second texte de Ateronhiatakon discute de l’usage du wampum chez les Iroquois. Le troisième et dernier texte de cette partie donne la parole à Karhiio John Kane, qui discute de sa conception identitaire en tant que « guerrier ». L’auteur offre une interprétation qui décolonise ce mot traduit en langues coloniales pour le ramener au sens traditionnel du terme de Rotisken’rahkéhte. Rompant avec l’image des fusils et de la criminalité perpétrée par la résistance à Kanehsatake de 1990, Karhiio y présente un récit tout personnel de ce qu’être un guerrier veut dire. Au sens originel, ce mot désigne les hommes de la nation et leur devoir de mettre en application les décisions prises par les mères de clan. Les guerriers sont les protecteurs de la terre. Les trois dernières parties portent sur un personnage clé dans l’histoire de la société : Louis Karoniaktajeh Hall. La troisième partie revient sur sa vie à partir de témoignages qui lui rendent hommage en contextualisant son rôle central dans la création de la société des guerriers. Ce penseur de la résistance autochtone a donné le nom à la société, la dotant volontairement d’une aura marquant l’imaginaire allochtone par la traduction de Rotisken’rahkéhte par « warrior » et usant du terme mystérieux de « société ». La quatrième partie présente une série de ses oeuvres picturales. Outre son oeuvre la plus connue du drapeau de l’unité, l’artiste a produit une quantité importante d’oeuvres qui mettent en images la résistance et la tradition mohawk. La dernière partie du livre réunit et traduit pour la première fois les textes de Louis Karoniaktajeh Hall au même endroit. Tant Le manifeste de Ganienkeh (1974), Manuel du guerrier (1979) que Reconstruire la Confédération iroquoise (1985) sont des ancrages importants de la pensée autochtone de la résurgence. Difficilement catégorisable, La Mohawk Warrior Society : manuel de souveraineté autochtone est une contribution originale. Elle offre un exemple probant du type de travail que peuvent accomplir les sciences sociales pour participer à la décolonisation des peuples autochtones et des sociétés issues des colonies de peuplement, en laissant la parole à ceux et à celles qui vivent et qui font l’histoire. Cette parole autochtone remet en doute les perspectives dominantes sur la Warrior Society, qui représentent leurs actions selon le prisme de la criminalité. Les motivations historiques, politiques et spirituelles complexes de la résistance de la société sont mises en lumière par l’ouvrage. C’est un format que le comité éditorial indique lui-même comme étant périlleux : En ce sens, le travail que s’est donné le comité éditorial est largement réussi. Cependant, nous pourrions adresser une critique méthodologique à l’ouvrage. D’une part, la notion de tradition orale est trop peu définie pour agir comme concept qui articule les textes réunis. La manière …
La Mohawk Warrior Society : manuel de souveraineté autochtone. Oeuvres choisies de Louis Karoniaktajeh Hall, Philippe Blouin, Matt Peterson, Malek Rasamny et Kahentinetha Rotiskarewake, dir. Montréal, Éditions de la rue Dorion, 2022, 464 p.[Record]
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Olivier Sabourin
Doctorant en science politique, Université de Montréal