Comptes rendus

Kateri Tekahkwitha : Traverser le miroir colonial, Jean-François Roussel. Les Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2022, 228 p.[Record]

  • David Bigaouette

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  • David Bigaouette
    Doctorant en histoire, Université de Montréal

La canonisation de la Kanien’kehá:ka, Kateri Tekahkwitha, s’est produite en 2012 pendant la tenue des activités de la Commission de vérité et réconciliation du Canada sur les pensionnats autochtones. Pour certaines personnes autochtones, cette canonisation représente une acceptation des Premiers peuples dans l’Église catholique à travers une figure d’unité qui « indigénise » la christianité, et pour d’autres, il s’agit d’une célébration d’une victime du colonialisme et des missionnaires. Pour Jean-François Roussel, professeur de l’Institut d’études religieuses de l’Université de Montréal, l’énoncé de la Commission qui stipulait l’importance d’une relecture de l’histoire nationale avec pour objectif une recherche de vérité comme processus nécessaire à la réconciliation, représentait une occasion de faire une déconstruction du récit hagiographique de la figure de Kateri Tekahkwitha. Comment devient-il possible de réconcilier la culture autochtone, l’agentivité et la foi chrétienne dans un contexte de réconciliation avec l’Église catholique ? D’entrée de jeu, Roussel souligne que son approche est plus de type théologique interculturelle et contextuelle, qu’historienne ou anthropologique. Il s’intéresse ainsi à un présent religieux forgé par une production historique, et ce dans une visée de déconstruire des représentations. L’auteur cherche alors à apporter d’autres possibilités de lectures de la figure canonisée au-delà des récits hagiographiques qui en ont découlés au fil du temps, notamment ceux produits par les missionnaires jésuites Chauchetière et Cholenec à la fin du xvie siècle. Cette recherche mène à décoloniser la figure religieuse afin d’apporter un autre regard plus émancipateur de l’expérience religieuse de la Sainte et de ses compatriotes autochtones établis à la mission de Saint-François-Xavier (Kahnawake). Ainsi, avec cette déconstruction, Roussel cherche à démontrer que Kateri Tekahkwitha est demeurée Kanien’kehá:ka par sa culture et que son catholicisme n’était pas un produit de l’acculturation, mais bel un bien un catholicisme original et Kanien’kehá:ka qui − tout en faisant partie d’un système de croyances basé sur une cosmologie autochtone − incorporait aussi des éléments issus du catholicisme. L’auteur s’affaire alors à replacer et à analyser l’expérience religieuse de Tekahkwitha dans son contexte historique et culturel, le but étant d’avoir une meilleure compréhension de comment et pourquoi la Sainte pratiquait son catholicisme. Pour rendre compte de cela, il explique les éléments culturels particuliers qui façonnaient la communauté autochtone au xviie siècle. En cherchant à nuancer l’expérience du catholicisme de la Sainte, Roussel porte attention à l’hégémonie coloniale qui ressort du récit hagiographique construit à partir des textes des missionnaires jésuites du xviie siècle. Selon lui, le récit construit de Tekahkwitha néglige l’impact du colonialisme sur la population autochtone, démontrant du même coup un ethnocentrisme occidental émanant des missionnaires. Pour l’auteur, le récit hagiographique de Tekahkwitha relève d’un mythe colonial et patriarcal et demeure une projection d’un imaginaire religieux (celui du missionnaire qui apporte la civilisation chez les nations autochtones par la transformation religieuse et morale). Ainsi, il est démontré que les récits hagiographiques peuvent apporter une distorsion sur une historiographie. La manière dont les missionnaires ont construit « l’Autochtone catholique idéal » du xviie siècle n’avait que peu de rapport avec la façon dont les Autochtones ont réellement vécu et expérimenté le catholicisme à cette époque. L’auteur rend compte que cette construction du récit de la vie de la Sainte obéit à des stéréotypes hagiographiques issus d’un genre littéraire : plusieurs dynamiques, explications contextuelles, culturelles et dimensions collectives sont laissées de côté ou minimisées par les missionnaires pour seulement prioriser la dimension spirituelle de Keteri Tekahkwitha. Dans le récit hagiographique, on remarque peu ou pas d’informations sur le système d’adoption autochtone (incarné par la mère de Tekahkwitha), sur l’impact collectif des épidémies parmi les peuples autochtones, sur …

Appendices