Abstracts
Résumé
Par l’entremise de l’interprétation des lois bilingues, la jurilinguistique permet aux tribunaux de mieux protéger l’égalité des communautés de langue officielle lorsque celle-ci fait l’objet d’une garantie législative ou constitutionnelle particulière. De telles garanties traduisent souvent ce que le constitutionnaliste américain Cass R. Sunstein appelle un « accord incomplètement théorisé », en ce sens qu’elles énoncent une norme juridique dont le constituant n’aurait pas fixé à l’avance toutes les implications conceptuelles et pratiques. Or, l’existence de deux versions du même texte législatif ou constitutionnel offre un champ sémantique plus riche permettant d’apporter des nuances additionnelles qui peuvent, par la suite, aider à déterminer la conception de l’égalité la mieux adaptée à l’objet de la garantie et aux circonstances du cas d’espèce. L’importance d’une telle richesse sémantique est particulièrement bien illustrée par l’arrêt Mahe c. Alberta de la Cour suprême du Canada, décision charnière eu égard au principe d’égalité en matière de droits linguistiques, dans laquelle l’interprétation des lois bilingues a joué un rôle déterminant. Dans cette optique, l’auteur du présent article effectue un examen approfondi de l’arrêt Mahe dans le but notamment de souligner l’utilité d’une démarche qui voit dans l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés l’expression d’un accord incomplètement théorisé.
Abstract
Through its role in the interpretation of bilingual legal texts, jurilinguistics enables courts to better protect the equality of official language communities when that equality is the subject of legislative or constitutional guarantees. Equality rights often represent what the American constitutional scholar Cass R. Sunstein calls “incompletely theorized agreements” in that they express a legal norm whose full conceptual and practical implications were not determined in advance by lawmakers. Constitutional or legal texts that are drafted in two different languages offer a richer semantic field which can provide greater interpretive flexibility and thereby enable courts to settle on the conception of equality that is best suited to the purpose of the guarantee and the context at issue. The value of this kind of semantic richness is well illustrated by the Supreme Court of Canada’s decision in Mahe v. Alberta, a landmark ruling with respect to equality as it pertains to official language rights in which bilingual interpretation played a critical role. The author of the present article offers an in-depth analysis of this ruling for the purpose of highlighting the analytical value of framing section 23 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms as the product of an incompletely theorized agreement.