
Revue de droit de l'Université de Sherbrooke
Volume 45, Number 1-2, 2015 Ateliers de droit constitutionnel en l’honneur de Marie Deschamps
Table of contents (10 articles)
Dossier : Ateliers de droit constitutionnel en l’honneur de Marie Deschamps
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PRÉFACE
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INTRODUCTION
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SUBSIDIARITY, REPUBLICANISM, AND THE DIVISION OF POWERS IN CANADA
Hoi L. Kong
pp. 13–46
AbstractEN:
The present paper undertakes the normative project of determining what subsidiarity should mean in Canadian constitutional law, and how it should be applied. In this paper, I will argue that subsidiarity should be understood in republican terms, and in furtherance of this special issue’s goal of offering tribute to the constitutional jurisprudence of Justice Deschamps, I will argue that a representative case from her federalism jurisprudence is consistent with a republican interpretation of subsidiarity. Part I sets out the case for interpreting Canadian federalism in republican terms and for arguing that these are relevant for understanding the principle of subsidiarity. In brief, the argument is that the republican idea of non-domination provides a normative standard that enables courts to determine whether the conditions of the principle of subsidiarity are satisfied. Part II turns to demonstrate how a republican application of the subsidiarity principle is evident in the federalism jurisprudence of Justice Deschamps.
FR:
Dans cet article, j’entreprends le projet normatif de déterminer ce que le principe de subsidiarité devrait signifier en droit constitutionnel canadien et comment il devrait être appliqué. J’argumenterai sur le fait que le principe de subsidiarité devrait être compris dans le cadre théorique du républicanisme et, afin de contribuer à ce numéro qui rend hommage à la jurisprudence constitutionnelle de la juge Deschamps, je démontrerai comment une de ses décisions dans un arrêt de droit constitutionnel illustre cette interprétation républicaine du principe de subsidiarité. Dans la première partie, j’établirai la pertinence de l’approche républicaine pour l’interprétation du fédéralisme canadien et démontrerai comment cela permet de mieux cerner le principe de subsidiarité. Brièvement, l’argument veut que le concept républicain de non-domination offre une norme permettant aux tribunaux de déterminer si les conditions du principe de subsidiarité sont satisfaites. La deuxième partie me permettra de présenter comment une interprétation républicaine du principe de subsidiarité est évidente dans la jurisprudence du fédéralisme de la juge Deschamps.
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SOUVERAINETÉ PARLEMENTAIRE ET ARMES À FEU : LE FÉDÉRALISME COOPÉRATIF DANS LA LIGNE DE MIRE ?
Johanne Poirier
pp. 47–131
AbstractFR:
Depuis plusieurs années, le principe du fédéralisme coopératif a rempli deux fonctions dans la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. D’une part, il a favorisé une reconnaissance, de facto ou de jure, de chevauchements de compétences. D’autre part, il a permis aux juges d’écarter des obstacles à la normativité en réseau. Cette conception d’un fédéralisme « souple » ou « moderne » tranche avec la structure officiellement « dualiste » du fédéralisme canadien et invite les pouvoirs législatifs et exécutifs de divers ordres de gouvernement à coopérer. L’arrêt de 2015 relatif à l’abolition du registre des armes d’épaule offre un terreau fertile pour analyser une troisième fonction du fédéralisme coopératif, qui émerge lorsque les autorités publiques de divers ordres de gouvernement ne coopèrent pas, ou plus, ou souhaitent agir de manière unilatérale en dépit d’arrangements coordonnés préexistants. Dans cette affaire, la Cour suprême a refusé de revoir sa vision maximaliste du principe la souveraineté parlementaire - l’un des piliers du fédéralisme « dualiste » - à la lumière du fédéralisme coopératif. Elle a ainsi implicitement refusé de reconnaître aux divers législateurs une quelconque obligation d’agir de bonne foi, en raison du contexte fédéral dans lequel ils évoluent. Bien qu’une dissidence robuste réitère son engouement pour le fédéralisme coopératif, elle le fait en procédant à une réévaluation particulièrement contextualisée des compétences législatives en l’instance, plutôt que par la reconnaissance d’une quelconque forme de « loyauté fédérale ». Il en résulte une coexistence malaisée des conceptions « dualiste » et « coopérative » du fédéralisme dans la jurisprudence constitutionnelle canadienne.
EN:
Over the years, the Supreme Court of Canada has evoked the principle of cooperative federalism to promote a de facto or de jure legislative overlap. It has also used cooperative federalism as a justification for removing (or ignoring) technical obstacles to the normative networks on which cooperative arrangements rest, and which belie the profound dualist nature of the official Canadian federal architecture. The Court’s 2015 ruling on the abolition of the Long-gun registry by federal authorities offers a fertile ground for reflecting on a third dimension of cooperative federalism, which arises when federal partners do not – or no longer – wish to collaborate. In that decision, the Court refused to revisit its maximalist understanding of Parliamentary sovereignty - one of the pillars of the “dualist” conception of federalism - in light of cooperative federalism. It thus implicitly refused to infuse constitutional law with any obligation on the part of federal partners to act in good faith in their dealings with one another. While a robust dissenting opinion reasserts a commitment to cooperative federalism, it does so through a strongly contextualised assessment of the distribution of competences, rather than by any recognition of some form of “federal loyalty”. The end-result is an uneasy co-existence of two distinct – and contradictory - conceptions of federalism in Canadian constitutional law.
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APPLICATION OF THE CHARTER TO UNIVERSITIES’ LIMITATION OF EXPRESSION
Dwight Newman
pp. 133–155
AbstractEN:
The Canadian Charter of Rights and Freedoms applies only to governmental action. As a result of this limited scope of application, there have been significant questions concerning its application to post-secondary education contexts. Although early case law appeared to establish universities as a Charter-free zone, later cases have made clear that this is not the case. This paper uses Justice Deschamps’s rearticulated rule on Charter application to make this point clear, shows that this revised approach is showing itself in case law, and challenges claims that academic freedom gives reasons not to see Charter application in a university context. Indeed, the paper argues that in the present context, Charter application actually seems likely to further the values of academic freedom.
FR:
La Charte canadienne des droits et libertés s’applique uniquement à l’action gouvernementale. En conséquence de ce champ d’application limité, plusieurs questions fondamentales se sont posées au regard de son application aux contextes d’enseignement postsecondaire. Bien que la jurisprudence semblait envisagée de prime abord les universités comme des zones libres de l’application de la Charte, elle semble plus récemment affirmer que ce n’est pas le cas. Cet article exploite la règle sur l’application de la Charte, réarticulée par la juge Deschamps, afin de clarifier cette situation. Il tente de résoudre l’opposition apparente entre liberté académique et application de la Charte dans un contexte universitaire. Il démontre que dans le contexte actuel, l’application de la Charte semble au contraire susceptible de promouvoir les valeurs de la liberté académique.
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DU NON-DROIT DE L’APPLICATION DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS
Maxime St-Hilaire
pp. 157–234
AbstractFR:
L’article qui suit ambitionne de démontrer que l’idée selon laquelle l’application de la Charte canadienne des droits et libertés par les tribunaux réponde à des normes juridiques, autrement dit, l’idée qu’il existe un « droit » relatif à l’application de cette Charte, est l’un des plus grands mythes de la science du droit public canadien. Cette démonstration est faite à partir de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. Elle consiste en une mise au jour, non seulement des contradictions internes de la motivation de certains arrêts particuliers et de la jurisprudence en général, mais également, à la faveur de l’analyse des décisions où la Charte s’est appliquée sans que la Cour n’indique en vertu de quoi, du décalage qui sépare la jurisprudence (composée de conclusions motivées) de la pratique judiciaire effective (qui s’étend aux conclusions non motivées). Ce n’est donc qu’accessoirement que l’article propose un moyen de combler l’écart qui sépare actuellement le droit de la pratique judiciaire effective, soit de reconnaître une « Drittwirkung » aux droits et libertés que garantit la Charte.
EN:
This article aims at demonstrating that the idea that the application of the Canadian Charter of Rights and Freedoms by courts abides by some legal norms ― in other terms, that there exists some form of "Charter Application Law" ― is one of the greatest myths that pervade the science of Canadian public law. This case is made through the analysis of the Supreme Court of Canada’s case law. The article both identifies not only the internal inconsistencies of particular sets of reasons or the jurisprudence in general, but also, by taking into account the decisions where the Charter was applied with no given reasons, a gap between the Court’s (motivated) jurisprudence and its (effective) practice. In a merely incidental manner, the article then hints at a possible way of filling this gap: giving the Charter rights and freedoms some “Drittwirkung”.
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LA PERTINENCE EN CONTEXTE CANADIEN DE LA JURISPRUDENCE CONSTITUTIONNELLE DU CONSEIL PRIVÉ RELATIVE À L’INDÉPENDANCE JUDICIAIRE
Han-Ru Zhou
pp. 235–271
AbstractFR:
La présente étude examine le principe constitutionnel dit « non écrit » ou implicite de l’indépendance judiciaire dans une perspective comparée. L’exercice du contrôle judiciaire de constitutionnalité des lois sur la base de tels principes n’est pas unique au contexte canadien. En effet, depuis plus d’un demi-siècle, le Comité judiciaire du Conseil privé examine la conformité de lois à des principes constitutionnels implicites dans des affaires provenant de pays du Commonwealth ayant adopté, comme au Canada, une Constitution basée sur le « modèle de Westminster ». Cette jurisprudence du Conseil privé suggère que la position de la Cour suprême est loin d’être aussi exceptionnelle qu’on aurait pu initialement le croire. La jurisprudence de la Cour suprême s’inscrit plutôt dans un courant plus global au sein du Commonwealth permettant le recours à des principes constitutionnels implicites, en particulier l’indépendance judiciaire et la séparation des pouvoirs, dans l’exercice du contrôle judiciaire des lois. L’analyse comparée proposée aurait fourni à la Cour suprême un appui additionnel considérable à sa position concernant la portée constitutionnelle du principe de l’indépendance judiciaire.
EN:
This article examines the « unwritten » or implied constitutional principle of judicial independence from a comparative perspective. The exercise of judicial review on the basis of such principles is not unique to the Canadian context. Indeed, for more than half a century, the Judicial Committee of the Privy Council has been examining the conformity of laws to implied constitutional principles in cases from Commonwealth countries which, as in Canada, have adopted a Constitution based on the “Westminster Model”. This Privy Council case law suggests that the position of the Supreme Court is far from being as exceptional as one would have initially thought. Rather, the Supreme Court case law fits with a more global trend within the Commonwealth of using implied constitutional principles, in particular judicial independence and the separation of powers, in conducting judicial review of legislation. It follows that the proposed comparative analysis would have provided the Supreme Court significant support for its position regarding the constitutional extent of the principle of judicial independence.
Articles
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LE RÔLE DU CURATEUR PUBLIC DU QUÉBEC DANS LE PROCESSUS D’OUVERTURE D’UN RÉGIME DE PROTECTION À UN MAJEUR INAPTE : POINT DE VUE DES GREFFIERS DE LA COUR SUPÉRIEURE
Richard Barbe and Marie Annik Grégoire
pp. 273–296
AbstractFR:
L’ouverture d’un régime de protection au majeur inapte doit toujours être le résultat d’une décision judiciaire où le greffier de la Cour supérieure du Québec a le rôle d’adjudicateur. Une telle décision ne peut être rendue que dans l’intérêt du majeur et le greffier a pour rôle de veiller à cet intérêt.
Au même titre, le curateur public a un mandat de protection des personnes inaptes. À ce titre, il bénéficie notamment d’un pouvoir d’intervention et de surveillance lors de l’ouverture des régimes. En ce sens, une étroite collaboration entre les représentants du curateur public et les greffiers semblent un élément clé d’une protection efficiente du majeur.
La présente étude vise l’analyse, du point de vue des greffiers, de la nature du rôle dévolu aux représentants du curateur public. À cet effet, elle utilise une double approche, soit en premier lieu une analyse du cadre juridique dans lequel évoluent chacune des parties et en second lieu, une analyse des résultats obtenus lors d’une enquête effectuée auprès des greffiers de la Cour supérieure.
EN:
The establishment of protective measures on behalf of incapable adults results from a court orders, the application of which the Clerk of the Superior Court plays a fundamental role as adjudicator. Such decisions can only be rendered in the best interest of the person concerned.
The Public Curator holds a similar mandate to protect incapable individuals. Accordingly, the Public Curator enjoys powers of intervention and supervision at the inception of a regime of protective supervision. Thus close collaboration between representatives of the Public Curator and the clerks of the court would appear to be a key component in ensuring the efficient protection of adults.
This article examines from the perspective of court clerks, the nature of the role which devolves upon representatives of the Public Curator. In so doing, the writers utilize a double approach. Firstly, they examine the legal framework within which the various parties carry out their respective duties, and secondly, they report and analyze results obtained from a survey of Clerks of the Superior Court.
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LA RECONNAISSANCE DU DROIT DE NÉGOCIATION ET DE GRÈVE ÉTUDIANT : FONDEMENT « RÉPUBLICAIN » ET TRADUCTION JURIDIQUE INSPIRÉE DU DROIT DU TRAVAIL
Guillaume Rousseau and Rémi Danylo
pp. 297–354
AbstractFR:
En 2012, et dans une moindre mesure en 2015, suite à des décisions gouvernementales prises sans l’accord du mouvement étudiant, des grèves étudiantes ont fait l’objet d’injonctions interlocutoires provisoires, ce qui a engendré des tensions et de la violence. Dans ce contexte, nous proposons d’étudier la possibilité que soit reconnu un droit de négociation et de grève étudiant, de manière à éviter que de telles injonctions puissent être ordonnées. Une première partie vise à démontrer qu’une telle reconnaissance pourrait trouver un fondement théorique dans la tradition du républicanisme. Une deuxième partie vise à explorer comment cette reconnaissance pourrait se traduire sur le plan juridique en s’inspirant du droit du travail, plus précisément du droit régissant les relations entre le gouvernement et les employés du secteur public.
EN:
In 2012 and to a lesser extent in 2015, following decisions taken by the provincial government without consulting the student movement, the resulting student strikes have been the object of interlocutory injunctions, the effects of which were to provoke tensions and acts of violence. In this context, the writers propose recognizing bargaining powers and the right to strike for students as a means of avoiding the issuance of injunctions of this type. The purpose of the first part of the article is to demonstrate that such recognition could theoretically be founded on the tradition of republicanism. In the second part, the writers explore how that recognition could be inspired by a labour law model, more specifically the law governing relations between the government and its public sector employees.