
Revue de droit de l'Université de Sherbrooke
Volume 43, Number 1-2, 2013 Actes du Colloque du 50e anniversaire de l’Association québécoise de droit comparé Guest-edited by Nathalie Vézina and David Gilles
Table of contents (15 articles)
Actes du Colloque du 50e anniversaire de l’Association québécoise de droit comparé / Proceedings of the 50th Anniversary Conference of the Québec Society of Comparative Law
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AVANT-PROPOS
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QUEL DROIT COMPARÉ ?
H. Patrick Glenn
pp. 23–44
AbstractFR:
Il y a un choix à faire entre des types différents de droit comparé. Il y a d’abord le droit comparé qui a prévalu pendant les deux derniers siècles, un droit comparé dominé par le positivisme juridique et la logique dite classique, qui vise la description de systèmes juridiques conçus comme entités statiques. Il y a cependant un autre droit comparé, dominé par la comparaison normative et la logique paraconsistante. L’article examine d’abord l’état actuel du sujet pour ensuite se tourner vers le choix à faire entre ces types de droit comparé et les conséquences d’un tel choix.
EN:
There is a choice to be made between different types of comparative law. There is first of all the comparative law which has prevailed during the last two centuries, a comparative law dominated by legal positivism and so-called classical logic, which aimed at the description of legal systems conceived as static in character. There is, however, another comparative law, dominated by normative comparison and paraconsistent logic. The article examines the present state of the subject before turning to the choice to be made between these two types of comparative law and the consequences of such a choice.
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L’ABSENCE DU MAÎTRE. HOMMAGE À PAUL-ANDRÉ CRÉPEAU
Considérations pédagogiques autour du droit comparé
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COMMENT ENSEIGNER ET ÉTUDIER LE DROIT COMPARÉ ? UNE PROPOSITION
Thomas Kadner Graziano
pp. 61–87
AbstractFR:
Le droit comparé est aujourd’hui une discipline bien établie. Cependant, parmi les enseignants, persistent des incertitudes concernant le contenu du cours de droit comparé ainsi que la méthode d’enseignement. La contribution suivante analyse d’abord les exigences pratiques pour les comparatistes d’aujourd’hui, afin d’en déduire ensuite des conséquences pour l’enseignement de la matière. L’auteur expose l’enseignement d’une méthode multilatérale et supranationale de droit comparé. Il propose d’enseigner cette méthode à l’aide de cas pratiques et d’une approche de learning by doing. Finalement, les atouts et les multiples avantages de cette méthode d’enseignement pour les étudiants seront soulignés.
EN:
Although comparative law has become a well-established discipline, there remain some uncertainties among teachers in relation to teaching methods as well as to the actual content of comparative law courses. This article analyzes the practical requirements facing today’s comparatists and draws conclusions regarding the teaching of this subject. The writer describes a teaching approach based upon a multilateral and supranational comparative method. He proposes using scenarios drawn from domestic and foreign cases, thereby adopting a "learning by doing" approach. The writer concludes by delineating the various advantages of this method for students of comparative law.
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QUELLE PLACE POUR LE DROIT NATIONAL DANS L’ENSEIGNEMENT DU DROIT EN EUROPE ?
Pascal Ancel
pp. 89–121
AbstractFR:
À l’heure d’une mondialisation accélérée, faut-il encore centrer la formation des étudiants juristes sur le droit national, sauf à en spécialiser ensuite certains sur le droit international et le droit comparé ? Ne faut-il pas, en renversant la perspective, former d’abord les étudiants à être des juristes du monde, sauf à les spécialiser ensuite dans tel ou tel droit national ? À partir de son observation du programme transsystémique de l’Université McGill et de son expérience actuelle à l’Université du Luxembourg, l’auteur examine cette question dans le contexte européen. Si, de son point de vue, il est exclu d’envisager aujourd’hui à grande échelle une transnationalisation de l’enseignement du droit en Europe, tant à raison des besoins encore limités que des obstacles importants au développement de ce type de formation, l’auteur plaide pour la mise en place, dans des contextes limités, d’expériences de transnationalisation dont il examine les conditions et les modalités.
EN:
In the face of increasing globalization, is the current focus on legal education of a national nature, with a secondary specialization in international or comparative law, still appropriate? Rather, should one invert the educational process by first giving students a transnational legal education and then providing them exposure to the various legal systems around the world, before offering them the opportunity to specialize in a particular national law? After observing the transsytemic program offered by McGill University, and building upon his current experience at the University of Luxembourg, the writer examines these questions from a European perspective. If, as he concludes, it is simply not possible to implement a largescale transnationalization of the existing legal education system in Europe, not only because of a general lack of need for so called "international lawyers", but also due to the many structural obstacles thereto then, the writer submits, it should nonetheless be possible, within specific contexts, to provide an exposure to the phenomenon of transnationalization.
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IMPLICIT COMPARATIVE LAW
Roderick A. Macdonald and Kate Glover
pp. 123–192
AbstractEN:
Contemporary comparative law scholarship has been enriched, methodologically and theoretically, by careful, searching accounts of the essence, aims and limits of the comparative legal endeavour. Yet, despite creative contributions to the field, most scholarly analyses remain tethered to conceptions of law demarcated by traditional boundaries – the official, the explicit and the external. In this paper, we contemplate what comparative law would look like if its practitioners abandoned their attachment to state legal positivism and adopted instead an approach grounded in a pluralist hypothesis of law. The alternative that we envision, which posits individuals rather than agents of official systems as the central legal (and comparative) actors. Moreover, it does not privilege explicit forms of normativity over the equally influential tacit forms that are inherent in all legal orders. Finally, this approach values the comparisons at stake in the everyday actions and interactions of individuals. Ultimately, we offer a response to the question: Whose comparisons, of what law, along which axes, by what method, to what end?
FR:
La littérature contemporaine en droit comparé est tributaire, tant dans ses aspects méthodologique que théorique, de réflexions méticuleuses et fouillées cherchant à identifier l’essence, les objectifs et les limites de la discipline. Malgré les contributions créatives de ces démarches, la plupart des analyses demeurent attachées aux conceptions du droit définies par les frontières traditionnelles, que celles-ci soient officielles, explicites ou externes. Cet article s’attarde plutôt à imaginer le droit comparé débarrassé de ses liens avec le positivisme étatique, lui préférant une approche fondée sur le pluralisme juridique. Dans cette perspective, les individus plutôt que les agents des systèmes officiels sont les acteurs au coeur du juridique (et du comparé). De plus, cette approche ne présume pas la supériorité des formes explicites de normativité, reconnaissant autant d’influence aux éléments implicites inhérents à tout ordre juridique. Finalement, elle valorise les comparaisons en jeu dans les actes quotidiens et les interactions de tous les jours entre les individus. Ultimement, l’article offre une réponse à la question : les comparaisons de qui, de quel droit, selon quels axes, par quelle méthode, dans quel but ?
Analyse doctrinale et droit comparé
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PETER BIRKS AND COMPARATIVE LAW
Lionel Smith
pp. 193–208
AbstractEN:
This paper studies aspects of the thought of Peter Birks in relation to comparative law, Roman law, legal scholarship and legal education. Birks valued comparative law, and thought that it could be more thoroughly integrated into research and teaching in law. About Roman law, however, he was passionate. He viewed it as a fascinating object of study and reflection, and as an essential part of undergraduate legal education. He deprecated the decline of Roman law as part of the law school curriculum. In this paper, I suggest that one reaction to the decline of Roman law in legal education could be a more comprehensive embrace of comparative law. If comparative law were integrated carefully into the curriculum, it could bring to students all of the benefits that Birks found in the study of Roman law.
FR:
Cet article examine quelques aspects de la pensée de Peter Birks en ce qui concerne le droit comparé, le droit romain, la recherche et l’enseignement en droit. Birks avait le droit comparé en haute estime et pensait qu’il serait bénéfique de mieux l’intégrer dans la recherche et la formation juridique. Quant au droit romain, il en était passionné. Il le concevait comme un objet d’étude et de réflexion fascinant, et comme un élément essentiel de l’enseignement du droit au premier cycle. Selon lui, le déclin du rôle de droit romain dans le cursus était déplorable. Dans ce texte, je suggère qu’en réaction au déclin du droit romain dans l’enseignement du droit, une place plus systématique devrait être faite au droit comparé. Le droit comparé, s’il était intégré soigneusement dans le cursus, pourrait rendre aux étudiants tous les avantages que Birks avait trouvés dans l’étude du droit romain.
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LA CONSTRUCTION PAR LA DOCTRINE DANS LES MANUELS DE DROIT CIVIL FRANÇAIS ET QUÉBÉCOIS DU STATUT JURIDIQUE DE L’EMBRYON HUMAIN. VOLET 1 : LA MAXIME « INFANS CONCEPTUS »
Gaële Gidrol-Mistral and Anne Saris
pp. 209–341
AbstractFR:
En droit civil, « l’enfant à naître » est indissociablement lié à la maxime romaine infans conceptus. C’est en effet à travers son prisme que les civilistes abordent la question de la personnalité juridique de l’embryon. Pour mettre en oeuvre cette technique juridique, ces auteurs mobilisent différentes constructions de la personnalité juridique de l’embryon. Ces dernières se rapportent à quatre courants interprétatifs préalablement identifiés par les auteures : celui de la fiction stricto sensu, celui de la personnalité juridique actuelle, et ceux de la personnalité juridique conditionnelle soumise à une condition suspensive ou résolutoire. Derrière ces courants se profile le statut juridique de l’embryon : « chose » pour la théorie de la fiction, « personne » pour les théories de la personnalité juridique actuelle et de la personnalité juridique soumise à condition résolutoire (personnalité précaire); « catégorie sui generis » pour la théorie de la personnalité juridique soumise à condition suspensive (personnalité fictivement anticipée).
À partir d’une étude des manuels de droit civil touchant au droit des personnes, auxquels quatre articles d’auteurs québécois ont été ajoutés, cet essai synthétise les idées de cette doctrine et mène une analyse minutieuse de la terminologie employée, identifiant le courant interprétatif de la maxime infans conceptus dans lequel s’insère leur pensée. Dévoilant ainsi leur qualification de l’embryon (chose, personne ou catégorie sui generis), il questionne la cohérence de leur présentation du statut juridique de l’embryon pour relever les dissonances entre sa nature et la description du régime juridique qui ressort du droit positif. À ce titre, plusieurs controverses, illustrant la difficulté de proposer une théorie cohérente de l’ensemble des règles qui régissent cet objet du droit, ont été mises à jour. Elles concernent, entre autre, l’étendue des droits reconnus à l’embryon (droits patrimoniaux et/ou extrapatrimoniaux), l’identification des mesures visant à protéger les intérêts de l’ « enfant conçu » (mesures conservatoires ou exécutoires) ou encore la possibilité ou non d’appliquer la maxime latine infans conceptus aux embryons ex utero.
EN:
In civil law, “the unborn child” is inextricably linked to the Roman maxim of infans conceptus. It is through this concept that civilists address the issue of the legal personality of the embryo. To implement this legal technique, scholars of the civil law tradition utilize four different interpretative theories: that of a stricto sensu legal fiction, that of an actual legal personality, as well the concepts of a conditional legal personality subject to either a suspensive or resolutory condition. Underlying these concepts is the legal status of the embryo, considered to be an “object” for the tenants of the idea of a legal fiction, a “person” for those embracing the idea of a real legal personality or a status dependent on a resolutory condition (precarious legal personality), and a “sui generis category” for those advancing the idea that legal status is subject to a suspensive condition (anticipated legal personality).
This essay, through a detailed analysis of the terminology employed in civil law textbooks dealing with the subject of civil rights, as well as four articles written by Quebec authors in the same subject area, identifies the interpretative theory surrounding the use of the maxim infans conceptus that each respective author uses. This analysis has revealed certain divergences between the presentation that is made surrounding the embryo’s legal status (object, person, or sui generis category), and the ensuing applicable legal rules. This essay highlights and updates certain debates surrounding the concept of infans conceptus, illustrating the difficulty of elaborating a coherent theory in this area. This essay notably discusses the type of rights generally recognized for an embryo (patrimonial and/or extrapatrimonial rights), identifies certain mechanisms aimed at protecting the “unborn child” (conservative or executory measures), as well as the possibility of applying the Latin maxim infans conceptus to ex utero embryos.
Diversité et droit comparé : féminisme, pluralisme, jurilinguistique
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FEMINISME ET DROIT COMPARÉ : UN MARIAGE POSSIBLE ?
Louise Langevin
pp. 343–386
AbstractFR:
Selon l’un des postulats de base des théories féministes occidentales, les femmes de toutes origines partagent une condition commune, l’oppression dans une société patriarcale. Cette idée de conditions et de revendications communes a poussé le mouvement des femmes occidentales à vouloir connaître les luttes, les stratégies et les avancées de leurs soeurs dans d’autres sociétés. Les progrès juridiques des femmes dans différents pays ont aussi retenu l’attention des militantes. Dans ce contexte, le droit comparé a donc été très utile pour faire progresser les revendications des femmes. Cependant, l’idée d’une condition commune des femmes a été critiquée par d’autres féministes, surtout des pays en voie de développement, qui ont reproché aux féministes blanches occidentales d’imposer leurs propres revendications et d’ignorer d’autres formes d’oppression que vivent les femmes minorisées. Le recours au droit comparé a aussi été critiqué par un courant contestataire de comparatistes qui a reproché à l’école classique en droit comparé de chercher des solutions universelles à des problèmes juridiques universels, avec une méthodologie des plus incertaines et un eurocentrisme certain.
Les critiques féministes et les comparatistes contestataires mettent donc en lumière certains aspects plus problématiques du droit comparé, allant même jusqu’à déclarer le projet juridique comparatif impossible. Dans certains cas cependant, le recours au droit comparé peut faire avancer la cause des femmes. Nous suggérons que les féministes utilisent le potentiel subversif du droit comparé. Les poursuites civiles intentées par des victimes de violence sexuelle et conjugale au Québec, plus particulièrement la question de la suspension des délais de prescription, serviront de terrain d’analyse.
EN:
According to a fundamental principle of Western feminist theories, women of all origins share a common condition, which is one of oppression in patriarchal societies. The idea of common conditions and common claims has encouraged the women’s movement to learn more about the battles, the strategies and the successes of women in other societies. The legal successes by women elsewhere have also attracted the attention of feminist activists. In this context, comparative law has been very useful in achieving progress for women. However, the idea of women’s common conditions has been called into question by some feminists, especially from third-world countries, who have criticized Western feminists for imposing their points of view and ignoring other forms of oppression experienced by women victims of minoritization. Comparative law has also been criticized by a group of legal scholars advancing new approaches to comparative law. They are critical of the classical school of comparative law which seeks universal solutions to legal problems they consider to be universal, utilizing an unclear methodology and an obvious eurocentrist approach.
Feminist scholars and critical comparatists have highlighted some problematic aspects of comparative law. They have even considered impossible the comparative law project. In some cases, however, comparative law may be fruitful for women. We suggest that feminist lawyers and scholars should exploit the subversive potential of comparative law. Civil actions commenced by victims of sexual and spousal violence in Québec, especially relating to questions of limitation periods, will serve as an example of a fruitful comparative law exercise.
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LE DROIT COMPARÉ COMME INSTRUMENT DE MODERNISATION : L’EXEMPLE DES CODIFICATIONS CIVILES DES ÉTATS ARABES DU MOYEN-ORIENT
Harith Al-Dabbagh
pp. 387–441
AbstractFR:
Au lendemain de la décolonisation, les nouveaux États arabes du Moyen- Orient entreprirent un vaste mouvement de codification du droit civil. Dans cette région du monde, la codification va bien au-delà d’une simple technique de compilation et de systématisation des normes. Elle revêt une fonction particulière, celle de modernisation et, subrepticement, de sécularisation du droit. Elle conduit à établir un corpus juris largement détaché de la Charia. Le droit comparé a été mis au coeur de cette entreprise afin de concilier aspiration légitime à la modernité et respect des traditions. Ainsi, si la contribution du droit comparé au processus de production législative paraît capitale, son apport en tant que source d’inspiration peut varier d’un pays à l’autre en fonction de la place réservée au droit traditionnel, le droit musulman. Le présent article propose d’évaluer le rôle du droit comparé dans l’évolution du droit civil des pays arabes à travers le processus de codification.
EN:
In the aftermath of decolonization, the new Arab states in the Middle East undertook the codification of the civil law. Codification in the Arab world implies more than a simple technique for compiling and codifying legal norms. It assumes the specific role of modernizing and subtly secularizing the law. Codification allows for the establishment of a corpus juris to a large extent detached from Sharia. Comparative law is at the heart of this undertaking and can play a part in reconciling a legitimate desire for modernity while respecting tradition. Although the contribution of comparative law to the legislative process is very important, its role as a source of inspiration may vary from one country to another and will depend upon the preponderance given to traditional Islamic law in each jurisdiction. This article examines the degree to which comparative law plays a role in the process of civil law codification in Arab countries.
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DE LA DIFFICULTÉ DU BON USAGE DES MOTS ET DE LEUR INCIDENCE SUR LA COMPRÉHENSION ET L’APPLICATION D’UNE NORME JURIDIQUE AUTRE : LA SHARÎ’A, PLUS ET AU-DELÀ DU DROIT
Muriel Paradelle
pp. 443–478
AbstractFR:
Le droit est un système de pensée, de valeurs et de normes, qui renvoie à une certaine vision, culturellement marquée, du monde et de la société, qui ne peut, en conséquence, s’exprimer que dans un vocabulaire qu’elle s’est elle-même forgé. Se pose dès lors au chercheur travaillant sur une aire culturelle différente de la sienne un premier obstacle d’ordre épistémologique : celui de la traduction, dans une langue autre que leur langue d’origine, des termes, concepts, valeurs empruntés ailleurs. C’est à cette difficulté que se trouve confronté le juriste étranger lorsqu’il s’intéresse au droit islamique, difficulté qui surgit dès la traduction du terme sharî’a par « droit » ou « loi ». Parler, en effet, de « droit » en se référant à la sharî’a, sans aucun autre souci de précision, revient à dépouiller celle-ci d’une grande partie de sa réalité, pour la réduire à un corps de règles juridiques dans les limites occidentales de l’acception du terme « droit ». Or, la sharî’a va bien au-delà de cette définition étroite, qui la place sur le seul terrain du juridique. Elle est une catégorie englobante, qui n’épuise pas sa substance dans les seules dispositions renvoyant au droit stricto sensu. C’est donc à cette délicate question de la traduction du concept de sharî’a par « droit » qu’est consacré cet article.
EN:
Law as a system of values and rules, is the reflection of a culturally influenced perception of reality which can only be validly expressed in a manner consonant with a particular tradition. Researchers focusing on a cultural area different from their own must therefore overcome an epistemological obstacle relating to the translation of certain concepts, notably the delineation, in a language inconsistent with their original idiom, of terms, notions and values borrowed from other sources. Foreign jurists interested in Islamic law must confront this difficulty which arises as soon as the word shari’a is translated as ‘‘law” or ‘‘legislation”. Expressing shari’a as the ‘‘law” with no other clarification is reductive of its reality by limiting it to an occidental view of the law as a body of legal norms. The shari’a is more extensive than this restrictive interpretation. This article deals with the difficulties associated with the translation of shari’a by the mere term ‘‘law”.
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LOST IN TRANSLATION : LA COMPARAISON DES DROITS EN CONTEXTE DE DIVERSITÉ LINGUISTIQUE
Catherine Piché
pp. 479–509
AbstractFR:
Puisque le droit s’exprime d’abord par la langue, à la fois écrite et parlée, et parce que chaque langue est véhicule de droit et de notions juridiques, le droit et la langue sont évidemment inséparables, indissociables. Lorsque des juges s’expriment sur la définition de leur rôle, sur leurs fonctions et pouvoirs, de même que sur leurs pratiques, ils le font en fonction de leur système juridique propre et des lois applicables, bien sûr, mais aussi de la langue parlée ou du médium de communication en cause. Sont analysées dans cet article les perceptions de juges francophones et anglophones de quatre systèmes juridiques différents, quant au rôle qu’ils exercent lors de l’approbation des règlements hors cour conclus dans le cadre de recours collectifs. En conclusion, l’usage d’une formulation plus universelle de ce rôle est préconisé.
EN:
Law and language are inherently inseparable. When judges are asked to explain their role, functions and powers in the approval of class action settlements, they speak by referring to their own jurisdictions, laws and specific language. This article addresses the connection between the evolution of law and linguistic diversity. Taking the example of the role of French- and English-speaking judges in adjudicating collective transactions in four jurisdictions, the author demonstrates that linguistic diversity can be a vector of development of the law across jurisdictions. The writer concludes that language permits the mutual enrichment of comparable legal processes and concepts, and calls for the harmonisation of standards of fairness in transactions relating to class actions.
Modélisation et mise en application du droit à travers le prisme comparatif : processus d’harmonisation, droit administratif, droit judiciaire
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L’HARMONISATION DES LOIS PROVINCIALES ET TERRITORIALES CANADIENNES ET LE DROIT CIVIL QUÉBÉCOIS
Frédérique Sabourin
pp. 511–560
AbstractFR:
La Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada (CHLC) est peu connue au Québec. L’auteure se propose de remédier à cette situation, à la lumière de son expérience personnelle au sein de cet organisme. Pour ce faire, l’historique de la CHLC, son organisation et ses principales activités en matière civile et commerciale sont rappelés. Les aspects positifs de ce modèle nord-américain de réforme du droit et ceux qui pourraient être améliorés afin de rendre son oeuvre plus utile encore sont également exposés. Le peu d’intérêt ou les craintes que la CHLC suscite s’expliquent selon l’auteure par une méprise sur la mission ou les mandats de la CHLC et par les tensions que suscite toujours toute tentative d’établir un droit uniforme, particulièrement dans un contexte où un système juridique donné est perçu comme le dernier bastion d’une identité nationale menacée. Or, ces craintes sont injustifiées étant donné la nature consensuelle du processus d’élaboration des lois uniformes.
EN:
The activities of the Uniform Law Conference of Canada (ULCC) are relatively unknown in Quebec. With a view to remedying this situation, the writer not only describes her personal experience within this organization, but also its history, its structure and its principal activities in civil and commercial matters. She outlines its positive features as a North American model of law reform yet also alludes to certain aspects which could stand improvement. A lack of interest in the ULCC or certain apprehensions raised by its activities may be attributed to a misunderstanding of its mission in addition to tensions resulting from attempts to establish uniform laws, especially when a legal system is perceived as the last bastion in the protection of national identity. These fears are unjustified, given the consensual nature of the process of adopting uniform laws.
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LE RÔLE DU DROIT CIVIL QUÉBÉCOIS ET L’UTILISATION DU DROIT COMPARÉ EN DROIT MARITIME CANADIEN
André Braën
pp. 561–584
AbstractFR:
Compte tenu du caractère international que revêt bien souvent un transport maritime, le droit comparé joue un rôle utile en droit maritime canadien. Par ailleurs, ce dernier exclut l’application par un tribunal, dans un litige où une question maritime est soulevée, de règles de droit provincial. Curieusement et même lorsque ce litige est localisé dans la province de Québec, c’est au moyen d’une approche comparative que le droit civil québécois est appelé à jouer un certain rôle.
EN:
Often, maritime shipping is international in character and therefore, comparative law plays a useful role in Canadian maritime law. In a maritime dispute before the courts, Canadian maritime law must be applied which also means the exclusion of any provincial rules for deciding the case. Curiously, it is only by utilizing the comparative method that the civil law is called to play a certain role in admiralty matters even when the case arises in Quebec.
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COMPARATIVE LAW IN DEVELOPING COURT PRACTICE IN SMALL JURISDICTIONS – MISSION POSSIBLE
Irene Kull
pp. 585–610
AbstractEN:
The purpose of this article is to discuss the transformative role of comparative law in the development of small nations with short legal histories, compelled to rely on borrowed ideas, concepts and regulations to create their own legal culture and reality. As a small country Estonia does not possess the necessary legal expertise or court practice in many specific areas. Here, comparative law in both of its functions – rules-based and context-based research – provides great help. The article explains how comparative law has been used in the framing of the Estonian system of civil law as well as of specific statutes. In the drafting process, a comparative law method was used to provide drafters with strategic options drawn from an array of legal systems, codes and provisions. The notion of legal transplants is widely used and explained, but in small countries, using transplants may be the only technique for building up a national legal system. The article also focuses on analysing whether the courts may use comparative law as a legal basis for developing private law. The last part of the article is dedicated to the use of comparative law in Estonian court practice, in order to illustrate that there are limits to using comparative law methods. Models of core countries may differ in their suitability because of the differences in ability to successfully absorb legal transplants or because the level of development of the society as a whole does not support the reception of transplants.
FR:
Le but de cette contribution est d’aborder le rôle transformatif du droit comparé dans le développement de petits États dotés d’une tradition juridique récente, forcés d’avoir recours à des idées, concepts et règles empruntés d’autres systèmes pour créer leur propre culture et réalité juridique. L’Estonie, étant un petit pays, n’a ni l’expertise juridique ni la pratique judiciaire nécessaires dans plusieurs domaines particuliers. Dès lors, le droit comparé dans ses deux fonctions – la recherche concernant les règles ou leur contexte d’application – s’avère particulièrement utile. Le texte explique d’abord comment le droit comparé a été utilisé pour l’encadrement du système civiliste et des lois particulières de l’Estonie. Lors du processus de codification, la méthode comparative a permis d’offrir aux codificateurs des options stratégiques provenant d’un grand nombre de systèmes juridiques, codes et dispositions législatives. La notion de « legal transplant » est utilisée et expliquée, mais dans les petits États, utiliser des « transplants » peut s’avérer la seule voie possible pour construire un système juridique national. Le texte analyse également l’emploi de la méthode comparative comme base légale de développement du droit civil. Enfin, il s’attarde à l’utilisation du droit comparé dans la pratique judiciaire pour démontrer les limites de la méthode comparative. Des modèles issus de pays dits « principaux » (ou « core countries ») peuvent se révéler incompatibles, en raison de différences dans la capacité d’absorber avec succès les « legal transplants » ou d’un niveau de développement insuffisant de la société dans son ensemble pour contribuer à la réception des « transplants ».