
Revue de droit de l'Université de Sherbrooke
Volume 35, Number 1, 2004
Table of contents (6 articles)
Articles
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L’UTILISATION DE L’ARTICLE 129 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE DANS LE SYSTÈME DE JUSTICE MILITAIRE CANADIEN
Jean-Bruno Cloutier
pp. 1–102
AbstractFR:
Dans un premier temps, cette thèse examine la nature et la gravité relative des infractions d’ordre militaire créées par la partie III de la Loi sur la défense nationale connue sous le nom de code de discipline militaire. L’étude fait une révision des systèmes de classifications des infractions militaires proposées par les différentes études qui ont précédé les réformes législatives de 1997 et 1999 pour ensuite suggérer une nouvelle taxonomie des infractions.
Après avoir situé les infractions prévues aux paragraphes 129(1) et 129(2) dans l’échelle de gravité de la gamme des infractions militaires, l’étude s’attarde à l’analyse de la nature des deux infractions distinctes prévues à l’article 129 ainsi qu’à leur utilisation respective devant les deux types de tribunaux militaires, pour finalement offrir des suggestions pour pallier aux difficultés à la fois d’ordre théorique et pratique dans la conception et l’application de ces infractions pourtant indispensables au bon fonctionnement de la discipline militaire.
EN:
The thesis examines the nature and the relative gravity of the service offences contained in the Code of Service Discipline (CSD). The study reviews the classification of offences proposed by the several internal and external studies that have preceded the legislative reforms of the military justice system in 1997 and 1999. The author then proposes his own taxonomy of service offences.
After having situated the two National Defence Act (NDA) s. 129 offences within the scale of gravity of the service offences, the paper analyses the specific nature of the two offences in question and their application before the two different types of military tribunals. Finally the study offers suggestions and recommendations to palliate theoretical, and practical difficulties in the conception and the application of these offences, considered essential to the maintenance of military discipline.
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NON-INDÉPENDANCE ET AUTONOMIE DE LA NORME D’ÉGALITÉ QUÉBÉCOISE : DES CONCEPTS « FONDATEURS » QUI MÉRITENT D’ÊTRE MIEUX CONNUS
David Robitaille
pp. 103–143
AbstractFR:
L’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne en est à un tournant majeur de sa courte histoire. Les années 1980 ont d’abord été celles de la doctrine, plusieurs auteurs contribuant à cette époque à dégager le sens et la portée de la norme d’égalité qu’il énonce. L’un des constats qui se dégageait alors consistait en la reconnaissance du champ normatif du droit à la non-discrimination dont l’application est limitée aux droits et libertés de la personne. Le plus haut tribunal de la province prenait acte de cet aspect de l’article 10 lorsqu’il affirmait en 1994 qu’il constituait une « modalité de particularisation » d’autres droits ou libertés. Si tous ont reconnu de façon générale ce trait caractéristique, aucun auteur, à notre connaissance, n’a présenté d’étude approfondie sur ses conséquences véritables. Il s’agit pourtant d’un aspect de l’article 10 qui en définit fondamentalement le rôle dans la Charte québécoise. Ce texte sera ainsi l’occasion de mettre en exergue la relation particulière que vit la norme d’égalité avec les autres droits et libertés consacrés dans la Charte. Nous poserons inévitablement un regard sur la nouvelle interprétation que fait la Cour d’appel de l’article 10 depuis l’arrêt Law c. Canada rendu par la Cour suprême sur l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Nous constaterons ainsi l’impasse dans laquelle se trouve maintenant la norme d’égalité québécoise.
EN:
Section 10 of the Quebec Charter of Human Rights and Freedoms has reached a turning point in its short history. The 80's were characterized by doctrinal writings in which several authors contributed to fleshing out the meaning and scope of the equality clause. One of the positions advanced and subsequently confirmed in 1994 by the highest court of the province, sets out the ambit of the right to non-discrimination, the application of which is limited to the rights and freedoms of the person. In other words, section 10 is a "form of particularization" of other rights and freedoms. Although this feature has been generally accepted, no writer, as far as we know, has made a thorough study of its actual consequences. This aspect is nevertheless essential since it defines the very role of section 10 in the Charter. The purpose of this paper is to present the particular relationship between the equality standard and the other rights and freedoms recognized by the Charter. One must inevitably take into consideration the most recent interpretation of section 10 by the Quebec Court of Appeal in light of the Supreme Court decision in Law v. Canada dealing with section 15 of the Canadian Charter of Rights and Freedoms. The Quebec equality clause would appear to be at an impasse.
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INTERNATIONAL LABOR RIGHTS A CATEGORICAL IMPERATIVE?
Kamil Ahmed
pp. 145–186
AbstractEN:
Labor standards are a contentious issue in International Trade Law and particularly reflect the dichotomy between developed and underdeveloped states. The first tend to protect labor rights extensively and the latter rarely do so. Since its inception, the International Labor Organization has significantly bettered the protection of labor rights, but this is not the best forum to uniquely pursue given its lack of enforcement mechanisms. The World Trade Organization until now has also failed to protect international labor rights and a comprehensive agreement to this effect is improbable, at least in the short to mid-term. A new form of soft-regulation has however developed: the Corporate Code of Conduct. Presently, we are at the genesis of an era where multi-national corporations are beginning to possess obligations at International Law. The advantage of Corporate Codes of Conduct is that they are flexible, transnational and as international and adaptable as a corporation can be. This paper argues that the combined application of International Labor Organization conventions, World Trade Organization rules and Corporate Codes of Conduct can significantly improve the protection of labor rights, despite a general lack of rule enforcement mechanisms.
FR:
Les normes du travail constituent un sujet fort controversé en Droit international économique, en particulier à cause de la dichotomie entre les pays développés et les pays en voie de développement. Les premiers protègent les normes du travail de manière exhaustive, alors que ces derniers ne partagent que rarement cette vision. Depuis sa création, l’Organisation internationale du travail a substantiellement amélioré les normes et les droits fondamentaux du travail. Malheureusement, elle n’est pas l’organisme idéal pour une application de ces conventions, puisqu’elle n’est pas pourvue de mécanismes de mise en application de règles. Jusqu’à ce jour, l’Organisation mondiale du commerce n’a pas non plus réussi à protéger les droits fondamentaux du travail, et une entente complète entre les pays développés et les pays en voie de développement demeure toujours incertaine, du moins à court ou moyen terme. Cependant, depuis peu, nous assistons à la naissance d’une nouvelle forme de réglementation dite souple : les Codes corporatifs de conduite. Grâce à eux, nous en sommes maintenant aux premiers balbutiements d’une ère nouvelle, où les multinationales ont certaines obligations en Droit international. L’avantage des Codes corporatifs qui retient l’attention est certainement leur grande flexibilité : ils ont à la fois une portée transnationale et internationale et sont facilement adaptables à leur contexte d’application. Le présent article expose comment l’action combinée des conventions de l’Organisation internationale du travail, des règles de l’Organisation mondiale de commerce et des Codes corporatifs de conduite peuvent améliorer la protection des normes et droits fondamentaux du travail, dans un contexte où les mécanismes de mise en application de règles font encore défaut.
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LE SUIVI DE L’ÉTHIQUE DES PROJETS DE RECHERCHE EN GÉNÉTIQUE
Mylène Deschênes
pp. 187–229
AbstractFR:
La nécessité d’effectuer un suivi de l’éthique des projets de recherche s’impose comme un élément-clé dans la protection des participants en recherche. Cependant, les responsabilités précises de chacun des intervenants de même que les moyens qu’il convient de mettre en oeuvre pour s’acquitter de cette tâche ne sont pas clairement énoncés. De plus, le suivi de la recherche en génétique pose des problématiques particulières qui ont reçu peu d’échos dans la littérature jusqu’à présent.
Dans ce texte, l’auteure aborde le sujet du suivi de l’éthique des projets de recherche en débutant par un examen de la terminologie qui laisse entrevoir une certaine confusion au sujet des concepts en présence. Ensuite, l’auteure se penche sur la nécessité pour les comités d’éthique de la recherche d’effectuer un suivi de l’éthique des projets qu’ils approuvent et fait la recension du fondement normatif de l’obligation de suivi éthique au niveau international et national.
Dans la seconde partie du texte, l’auteure examine plus particulièrement les défis soulevés par le suivi éthique de projets de recherche en génétique. L’auteure note qu’il est nécessaire d’ajuster la mire et de se concentrer non seulement sur l’intégrité physique du participant mais surtout sur la vie privée et la dignité de ce dernier. L’auteure décrit aussi les difficultés particulières auxquelles sont confrontés ces comités lorsqu’ils tentent d’effectuer un suivi de l’éthique de projets de recherche en génétique faisant appel à des banques d’ADN contenant des échantillons provenant de multiples institutions ou conservés dans des institutions étrangères. Cette analyse met en lumière les limites du CÉR à pouvoir assumer cette responsabilité à l’égard de certains projets. Enfin, l’auteure fait une liste de recommandations pratiques qui pourraient aider les CÉR à y voir plus clair dans leurs activités de suivi pour des projets de recherche en génétique.
EN:
The ongoing surveillance of research projects is a key element in protecting those who participate in research. The specific responsibilities of each participant, as well as an indication of the means by which adequate surveillance may be ensured are not however clearly enunciated. Moreover, genetic research raises specific problems which have not been sufficiently dealt with in related literature.
In this article, the writer deals with the continuing review of the ethical aspects of research projects. She begins with an examination of the pertinent terminology and points out that there exits some confusion surrounding the concepts involved. The writer then alludes to the necessity that research ethics boards (REBs) ensure the ongoing ethical validity of projects which they have approved. She describes the national and international normative foundations of the duty to provide monitoring of the ethical aspects of research in progress.
The second part of this paper deals more particularly with the challenges arising from the need to monitor genetic research. It is suggested that the goals should be modified to focus not only on the protection of the physical integrity of the participants, but also to emphasize the need to protect their right of privacy and their dignity. The writer describes certain difficulties faced by research ethics boards when they review genetic research projects involving DNA biobanks which collect samples from multiple sites or which are set up in institutions other than those with which the research ethics boards in question are affiliated. This analysis reveals the limitations of research ethics boards to properly assume their responsibilities with regard to certain projects. The article concludes with practical recommendations which could be of help to research ethics boards in their monitoring of genetic research projects.
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LA FONCTION DE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL D’UNE MUNICIPALITÉ : LES GARANTIES D’INDÉPENDANCE ET D’IMPARTIALITÉ INHÉRENTES À LA CHARGE DE VÉRIFICATEUR PUBLIC
Mathieu Socqué
pp. 231–305
AbstractFR:
L’un des objectifs affichés par le Gouvernement du Québec, par le biais de sa politique de réaménagement et de renouvellement de la gouverne municipale déposée au mois de mars 2000 à l’Assemblée nationale, était de renforcer la démocratie municipale et d’accroître l’équité et la transparence en matière fiscale et comptable dans le monde municipal. Au chapitre des mesures visant à assurer l’imputabilité fiscale et comptable des nouvelles municipalités, la Loi sur les cités et villes (L.R.Q. c. C-19) impose désormais, par le biais de l’article 107.1, l’obligation au conseil municipal de toute ville de plus de 100 000 habitants de nommer un fonctionnaire appelé vérificateur général. Le Parlement et l’Assemblée nationale ont créé, il y a de nombreuses années, la charge de vérificateur général. Au niveau de l’administration municipale, la charge est toutefois nouvelle. À ce titre, la loi demeure silencieuse relativement à certains aspects constitutifs de la charge de vérificateur général. Dans le cadre de la présente étude, l’auteur entend examiner la nature et délimiter l’étendue des pouvoirs, droits et obligations du vérificateur général. Estimant que la charge de vérificateur général, telle qu’elle est prévue dans sa forme actuelle, contrevient aux exigences posées par l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne (L.R.Q. c. C-12), l’auteur entend ensuite étudier les garanties objectives d’indépendance rattachées à la charge de vérificateur général et les garanties d’impartialité qui peuvent être exigées de la personne du vérificateur général.
EN:
Among the objectives set by the Government of Québec, through its policy of renewal and reorganization of municipal governance introduced in the National Assembly in March 2000, were the goals of reinforcing democracy at the municipal level and of increasing the fiscal responsability and accountability of municipal institutions. Among the legislative measures adopted as part of this new policy was the creation, through section 107.1 of the Cities and Towns Act (R.S.Q., chapter C-19), of the office of chief auditor, or auditor general as it is known at the federal and provincial level. Section 107.1 requires the nomination of a chief auditor for every municipality of over 100,000 inhabitants. However, in its present form, the Cities and Town Act fails to provide adequate information with respect to certain essential duties of the office of public auditor of a municipality. The writer examines the nature and extent of the chief auditor's rights, obligations and powers as set out by present legislation and suggests that the auditor's functions, as enunciated in the Act, contravene section 23 of the Charter of Human Rights and Freedoms (R.S.Q., chapter C-12) in that the legislation does not provide for adequate guarantees as to the independence and impartiality required of the chief auditor.
Commentaire
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L’ARRÊT HÔPITAL DE L’ENFANT-JÉSUS C. CAMDEN-BOURGAULT ET LE CONTRAT HOSPITALIER OCCULTÉ : AVENTURISME OU ÉVOLUTION ?
Robert P. Kouri
pp. 307–326
AbstractFR:
L’auteur commente l’arrêt Hôpital de l’Enfant-Jésus c. Camden- Bourgault de la Cour d’appel, notamment en ce qui concerne son refus de reconnaître l’existence du contrat hospitalier ainsi que la responsabilité de l’établissement pour la faute du médecin. On examine également l’affirmation selon laquelle il est impossible pour l’hôpital d’offrir des soins du ressort exclusif des médecins. Exprimant certaines réserves sur le cheminement de la Cour, le commentateur s’interroge sur l’opportunité d’amorcer un revirement jurisprudentiel dans ce domaine.
EN:
The writer comments the findings of the Court of Appeal in Hôpital de l’Enfant-Jésus c. Camden-Bourgault, more particularly regarding its refusal to recognize the existence of a hospital contract and the liability of the establishment for the fault of a physician The Court’s affirmation that it is legally impossible for a hospital to provide medical services reserved exclusively to physicians is also examined. While expressing certain reservations as to the reasoning of the Court, the commentator questions whether it if opportune to undertake a reversal of precedent in this field.