
Revue de droit de l'Université de Sherbrooke
Volume 22, Number 2, 1992
Table of contents (7 articles)
Journées annuelles Henri Capitant
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LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES CONSTRUCTEURS EN DROIT CANADIEN ET QUÉBECOIS
Claire Moffet and Louise Viau
pp. 255–290
AbstractFR:
L’industrie de la construction est fortement contrôlée par un ensemble complexe et rigide de normes visant la protection physique et la sécurité économique des citoyens, lequel engendre un régime spécifique de responsabilité pénale. Dans le texte qui suit, les auteurs, après avoir fait une revue des principes généraux de l’incrimination et de la répression en matière de responsabilité pénale tout en tenant compte, le cas échéant, des particularités relatives au domaine de la construction, dégagent de la législation québécoise et du Code criminel les principales infractions applicables à ce domaine d’activité.
EN:
A body of complex and strict rules apply to the construction industry in order to protect the population both on the economic and physic point of view. That body of rules creates a specific legislation concerning penal liability. Throughout the present text, the authors first consider the general principles regulating the prosecution and sentencing for criminal as well as regulatory offences taking into consideration the specific rules that govern the construction industry. Secondly, they overview the Quebec legislation and the Criminal Code to highlight the more common offences that apply to this field of activity.
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CONSTRUCTION INTERNATIONALE ET RESPONSABILITÉ CIVILE DU CONSTRUCTEUR : LES PERSPECTIVES EN DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ QUÉBÉCOIS
Gérald Goldstein
pp. 291–342
AbstractFR:
Cette étude aborde la question de la loi applicable au contrat international de construction, jusqu’à présent négligée en droit international privé québécois, en premier lieu, essentiellement du point de vue de la responsabilité du constructeur pour vice du sol ou de construction vis-à-vis du maître d’ouvrage et, accessoirement, du point de vue des rapports entre ces deux parties, les sous-traitants et les assureurs. En second lieu, il y est fait état de la condition des sociétés étrangères de construction au Québec.
Si les questions de la loi applicable au fond des contrats de construction internationale et à la responsabilité contractuelle et extracontractuelle de droit commun qui en découlent ne posent pas de problème particulier, la difficulté centrale touche la qualification de la responsabilité particulière découlant en droit québécois de l’article 1688. En effet, cette qualification, contractuelle, légale, ou extracontractuelle, n’est pas certaine en droit interne. Or, elle a pour conséquence directe le choix de la règle de conflit en droit international privé et donc celui de la loi applicable.
La qualification de la question permettrait aux parties d’écarter l’application de l’article 1688 C.c., même si la construction avait lieu au Québec, ce qui irait à l’encontre de la politique préventive de protection de la population québécoise que cette disposition veut promouvoir. Cependant, comme on la considère généralement d’ordre public en droit interne, on pourrait quand même écarter une solution fondée sur une loi étrangère en invoquant sa contrariété à la conception fondamentale que l’article 1688 C.c. exprime, en faisant appel, au cas par cas, à l’exception d’ordre public, telle qu’on l’entend dans l’ordre international. Plus radicalement, on pourrait aussi considérer cette disposition comme une loi de police de façon à l’appliquer à tous les contrats donnant lieu à des constructions au Québec, sans jamais tenir compte de la loi choisie par les parties pour régir leurs rapports.
La qualification légale ou extracontractuelle de cette question permettrait d’éviter ces procédés exceptionnels, tout en faisant respecter la politique interne, puisque les parties n’auraient plus la possibilité de choisir la loi gouvernant cette responsabilité. Pour ces motifs, l’auteur opte pour cette solution, en constatant que la jurisprudence de droit interne se prononce en ce sens, que la Cour d’appel, dans un litige de droit international privé, a adopté une solution qui pourrait s’expliquer de cette façon et, enfin, que l’article 35 de la Loi sur la qualification des entrepreneurs de construction exprime une approche législative territorialiste de la question. Mais le problème consiste alors à déterminer le facteur de rattachement approprié. L’auteur propose une règle de conflit à caractère substantiel comportant un facteur de rattachement alternatif, se traduisant par un choix entre la loi du lieu de la construction et celle de l’établissement principal du constructeur, selon celle qui serait la plus favorable au maître d’ouvrage, ce qui aurait aussi l’avantage de protéger le public.
Dans les deux hypothèses de qualification, il faut déterminer le domaine d’application de la loi régissant la responsabilité du constructeur vis-à-vis du maître d’ouvrage et l’auteur examine notamment la question de la loi relative au délai ou à la prescription de l’action en regard des règles matérielles complexes contenues aux articles 2190 et 2191 C.c.
Par ailleurs, il s’efforce de préciser la loi applicable aux rapports de sous-traitance, notamment entre le sous-traitant et le maître d’ouvrage. Il examine aussi les nombreuses règles de police régissant le contrat d’assurance dans la même optique du contrat de construction internationale.
Enfin, l’étude s’attache à présenter une vue d’ensemble des règles régissant l’activité des sociétés étrangères de construction au Québec, notamment au plan des procédures de soumission et d’adjudication, pour les contrats de construction privés comme pour ceux donnés par les organismes publics.
EN:
This study discusses issues pertaining to the law that applies to international construction contracts, an area that up to now has received little attention in Quebec private international law. The first part deals with the builder's responsibility towards the client for defects of construction or of the land. It also examines the relationship between the client and the builder, the subcontractors and the insurers. The second part describes the conditions that apply to foreign construction companies in Quebec.
Even though the legal questions that pertain to international construction contracts and to the contractual and extracontractual responsibilities under common law pose no unusual problems, the primary difficulty concerns the liability which results from article 1688 of the Civil Code. In fact, the determination whether this responsibility is contractual, legal or extracontractual remains uncertain in internal law. As a result, one must choose the rule in private international law that would govern this conflict and then determine which law in fact applies.
To hold that this responsibility is contractual would exclude the application of article 1688 C.C. even if the construction took place in Quebec. This would be contrary to the preventive aim of this article, which is intended to protect the public. However, since the article in question is generally considered to be of public order in internal law, one could eliminate the application of a foreign law by invoking that the latter contradicts the basic concepts expressed in article 1688 C.C. and by using the public order exception clause. As a more radical approach it could be argued that this article constitutes a law of police and should apply to all contracts that pertain to construction in Quebec, thereby excluding any other law chosen by the parties to govern their relationships.
The qualification that liability is legal or extracontractual in such matters permits one to avoid recourse to these exceptional measures, while at the same time ensuring respect for internal policies, because the parties would no longer have the possibility of choosing the law that would govern liability. For these reasons, the writer, noting that this is the point of view held by jurisprudence, recommends this solution. The Court of Appeal, in a case involving private international law, decided the issue in a manner consonant with this approach and section 35 of an Act respecting the qualifications of construction contractors expresses a similar territorialist legislative approach to the question. Thus the problem then becomes one of merely finding the appropriate connecting factor. The writer proposes a substantive conflict rule that includes alternative criteria for eligibility, based on either the location of the construction project or else on the situation of the principal place of business of the builder, according to whichever one would be the most favorable for the client. This would also have the advantage of offering the greatest protection to the public.
In effecting a characterization according to these alternative connecting factors, one must determine the pertinent law governing the responsibility of the contractor toward the owner. For instance, the writer examines the prescriptive delays applicable to law-suits in light of the material rules set out in articles 2190 and 2191 C.C.
In addition, he seeks to determine the law pertaining to subcontracts and in particular, to the relationship between subcontractors and the client. He also examines the numerous laws of police that govern insurance contracts in the same field of international construction contracts.
Finally, this study aims at presenting an overview of the rules that regulate the activities of foreign construction companies operating in Quebec, with emphasis on procedures for the submission of tenders and the awarding of contracts by private parties as well as by public bodies.
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LES ASSURANCES ET LES CAUTIONNEMENTS COMME PROTECTION CONTRE LES MALFAÇONS DANS LA CONSTRUCTION
Christianne Dubreuil
pp. 343–368
AbstractFR:
Les assurances contre les malfaçons, dans le domaine de la construction, sont peu utilisées. Certes, les architectes bénéficient à cet égard d’une assurance de responsabilité professionnelle. Quant aux entrepreneurs, les polices d’assurance contiennent des exclusions concernant les malfaçons causées par un défaut dans la main-d’oeuvre. Ces exclusions ont été interprétées largement par les tribunaux alors que les tempéraments à ces exclusions l’ont été de façon restrictive. La Cour d’appel du Québec a fait preuve de plus d’ouverture en rejetant cette tendance et en adoptant une interprétation de la clause d’exclusion pour défaut de la main-d’oeuvre plus conforme aux règles d’interprétation des contrats d’assurance. Les cautionnements protègent dans une certaine mesure les consommateurs contre les erreurs des ouvriers, mais il s’agit d’une garantie qui comporte ses difficultés de mise en oeuvre, d’une part il faut poursuivre l’entrepreneur avant de réclamer à la caution et d’autre part cette dernière n’entrera en jeu qu’en cas de défaut.
Les malfaçons sont un risque assurable et l’assurance a un rôle à jouer dans ce domaine. En effet, les cautionnements ne protègent pas l’entrepreneur, ce dernier étant l’ultime débiteur. De plus, l’assurance offre garantie plus souple et facile à administrer pour le consommateur.
EN:
In the field of construction contracts, insurance is rarely taken out against defects. Architects, of course, are covered by professional liability insurance. For building contractors however, insurance policies usually stipulate exclusions regarding defects caused by faulty workmanship. Although these exclusions have generally been broadly interpreted by the courts, attenuations to such exclusions have been given a narrow interpretation. The Quebec Court of Appeal has shown more openness in rejecting this tendency by adopting an interpretation of the exclusion clause for defects in workmanship more in keeping with the ordinary rules pertaining to the interpretation of insurance policies. To a certain extent, suretyships can protect consumers against faulty workmanship, but this type of protective measure is somewhat difficult to exercise since the contractor must be sued before a claim may be made upon the surety and the suretyship takes effect only in cases of default.
Defects constitute an insurable risk and insurance obviously can have a role to play in this area. Suretyships simply do not adequately protect the contractor since the latter remains the ultimate debtor. In addition, insurance provides a guarantee which is more flexible as well as easier for the consumer to exercise.
Articles
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LA PROCÉDURE APPLICABLE EN MATIÈRE DE PROTECTION DE LA JEUNESSE : RÉGIME CONTRADICTOIRE, INQUISITOIRE OU MIXTE ?
Jacinthe Mercier
pp. 369–409
AbstractFR:
La procédure applicable en matière de Protection de la jeunesse soulève parfois des interrogations. Elle est régie par des dispositions qui se trouvent en partie dans la Loi sur la protection de la jeunesse et en partie au Code de procédure civile. On y trouve des éléments inspirés du régime contradictoire, d’autres du régime inquisitoire et même quelques emprunts à la procédure pénale. Ceci dit, ce processus judiciaire répond-il adéquatement et de façon cohérente aux objectifs de la Loi sur la protection de la jeunesse ? Cet exposé offre des éléments de réponse en décrivant les principales étapes de l’instance où il apparaît que tantôt l’un et tantôt l’autre des régimes procéduraux mentionnés prévalent en fonction de l’objet particulier de chacune des phases du processus.
EN:
Procedural matters relating to youth protection raise a number of diffilculties due to the various legislative sources which pertain thereto. These procedural aspects are governed by provisions found in the Youth Protection Act as well as in the Code of Civil Procedure. Some of these aspects appear to follow a more traditional adversarial approach while others seem closer to an inquisitorial model. In certain cases, the influence of the law relating to criminal procedure is evident. Does such a judicial process adequately and coherenfly fulfill the aims of the Youth Protection Act? The goal of the paper is to answer this query by examining the principle stages of the trial process in light of the procedural influences most prevalent at each step.
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LES PROBLÈMES DE PREUVE EN DROIT DES ASSURANCE
Jean-Guy Bergeron
pp. 411–443
AbstractFR:
Dans cette étude sur les problèmes de preuve en droit des assurances, l’auteur dégage d’abord les règles applicables : les règles habituelles de preuve ont généralement leur effet, mais les besoins spéciaux du domaine des assurances ont nécessité des exceptions. Puis l’auteur examine les situations les plus névralgiques où se rencontrent les problèmes de preuve. Pour chacune d’elles, il s’intéresse aux éléments à prouver et à la répartition du fardeau de la preuve entre les parties. Ce texte présente un intérêt spécial pour les praticiens du droit quotidiennement confrontés à cette problématique de la preuve.
EN:
In this study relating to the problems of proof in matters of insurance, the writer begins by setting out the pertinent rules. While the ordinary rules of proof generally suffice, special needs encountered in the area of insurance litigation have necessitated the development of a certain number of exceptions. The writer then examines those situations where problems of proof are most acute. In each situation, he describes the substance of what needs to be proven and he examines issues concerning the attribution of the burden of proof between the litigants. This paper will be of particular interest to those in the legal profession who are often confronted by evidentiary problems of this nature.
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L’INCERTITUDE DES PROBABILITÉS EN DROIT ET EN MÉDECINE
Katherine Lippel
pp. 445–472
AbstractFR:
Le droit, la science et la médecine interagissent souvent à l’occasion du contentieux d’indemnisation, mais les conséquences de cette interaction sont souvent ignorées. Chacune de ces disciplines interprète différemment des notions de base comme la probabilité, la causalité, et la certitude. La confusion qui en découle porte préjudice, d’une manière systémique, aux droits des personnes qui revendiquent une indemnisation. Le fardeau de preuve doit être défi en fonction de la pensée juridique, et ne devrait pas se confondre avec la notion de probabilité scientifique. Les règles de preuve traditionnelles devront être scrutées afin de les adapter aux besoins d’un système d’indemnisation où les enjeux médico-légaux et le déséquilibre entre les parties génèrent un accès inégal aux données scientifiques ou médicales. La neutralité et la réserve judiciaire peuvent d’elles-mêmes créer une situation de partialité lorsque l’inégalité des parties est de nature structurelle.
EN:
Law, medicine and science are open interacting elements in the adjudication of compensation claims. Yet the consequences of this interaction are ofen overlooked. Concepts basic to these disciplines, such as probability, causation, and certainty, have very different meanings in the respective fields. Confusion as to the meaning actually used creates an ongoing handicap for compensation claimants. The burden of proof should be evaluated according to legal standards, and must not be confused with scientific notions of probability. Traditional legal rules regarding the admissibility of evidence may have to be adapted to better serve the process of adjudication by administrative tribunals when the medico-legal issues involved and the disparity in the means of the parties, lead to an imbalance in access to scientific and medical information. Judicial "neutrality" may in itself create a form of biais in a context where inequality between the opposing parties is intrinsic to the nature of the compensation system.
Commentaire
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LA DÉFÉRENCE JUDICIAIRE ET LA SPÉCIALISATION DES TRIBUNAUX INFÉRIEURS : LE RESPECT DES DROITS FONDAMENTAUX
Claude D’Aoust
pp. 473–486
AbstractFR:
De récentes décisions de la Cour suprême du Canada ont reconnu la compétence d’organismes administratifs – C.C.R.T. ou arbitre – d’émettre des ordonnances restreignant la liberté d’expression de l’employeur. Par la suite, la Cour suprême leur a reconnu le droit de déclarer inapplicables, parce qu’inconstitutionnels, les textes législatifs qu’ils ont mission d’interpréter.
Le principe fondamental de ces décisions est la déférence judiciaire due aux tribunaux inférieurs en raison de leur spécificité; mais le devoir de réserve s’estompe quant à leurs décisions d’inconstitutionnalité, vu qu’en cette matière ces tribunaux n’ont pas d’expertise particulière.
Cette note expose, en prenant l’arbitre de grief comme illustration, que même dans sa sphère de compétence, le tribunal administratif n’a pas nécessairement l’expertise que lui prêtent les cours supérieures. L’arbitre est parfois confronté à des situations dont l’interprétation et l’analyse requièrent elles-mêmes des connaissances spécialisées. L’alcoolisme en tant que manquement du salarié en est le meilleur exemple. En pareil cas, la déférence judiciaire se justifie-t-elle quand même et dans l’affirmative ne devrait-elle pas être restreinte ?
De la même façon, lorsque l’ordonnance porte atteinte aux libertés fondamentales d’une partie, ne devrait-on pas conclure a pari que, s’agissant de droit constitutionnel, la réserve judiciaire ne s’appliquerait plus, comme dans le cas où le tribunal juge une loi invalide parce que contraire à une Charte des droits et libertés ?
EN:
Recently, the Supreme Court of Canada upheld the rulings of administrative tribunals – such as the C.L.R.B. or a labour arbitrator – which had released orders restraining the freedom of speech of an employer. Later on, the Court affirmed on O.L.R.D.’s ruling which declared unconstitutional the Ontario Labour Relations Act provision denying farm workers access to certification. Inferior courts should not be granted judicial deference about constitutional matters, as these exceed the very field of specialization of administrative tribunals (save those devoted to Charter application – but then we deal with appeal, not judicial review).
It is argued here that within the field of specialization itself, issues arise which require special knowledge beyond the competence of the average arbitrator. Alcoholism in the workplace is a case in point. What then is the foundation for curial deference?
Further, orders sometimes infringe on the civil liberties of individual workers. In accordance with the non-applicability of curial deference to constitutionality rulings, why should such awards receive special protection from judicial review?