Abstracts
Résumé
En 1978, Monsieur le juge Jules Deschênes, juge en chef de la Cour supérieure du Québec, dénonçait le « séparatisme juridique » au Canada. Il convient de se demander s’il n’existe pas des différences de culture juridique qui rendent ce phénomène inévitable. Les jugements rendus par les Cours d’appel du Québec et de l’Ontario, au cours des dix dernières années dans les causes de meurtre, semblent attester de ces différences. Les causes du Québec portent en grande majorité sur des questions de preuve et de procédure. Les causes d’Ontario traitent presqu’exclusivement de droit substantif.
Les deux cours semblent aussi utiliser différemment les sources du droit pénal. La Cour d’appel du Québec est plus avide de doctrine. L’analyse de la jurisprudence est beaucoup plus élaborée en Ontario. Les dispositions du Code – particulièrement les articles 212 et 213 – sont analysées en profondeur en Ontario; elles le sont beaucoup moins au Québec.
II ne fait aucun doute que la Cour d’appel d’Ontario constitue un forum judiciaire où prend forme et se développe la doctrine pénale. Ce phénomène n’est pas seulement attribuable aux juges de la Cour d’appel; les avocats y jouent un rôle important. La qualité des criminalistes en Ontario est indiscutable. Pendant les dix dernières années, les trente-huit avocats qui ont plaidé une cause de meurtre devant la Cour d’appel d’Ontario ont publié cinq livres et cinquante-trois articles de périodique sur des sujets se rattachant au droit pénal. Pendant la même période, parmi les quarante-huit avocats qui ont comparu devant la Cour d’appel du Québec dans une affaire de meurtre, un seul, maintenant juge, a publié deux articles. Un autre, également élevé à la magistrature depuis, était le rédacteur pour le Québec des « Criminal Reports ». De plus, dans deux causes de meurtre, la Cour d’appel du Québec a commenté défavorablement le travail d’un avocat.
De façon générale, la Cour d'appel du Québec semble se restreindre à disposer de cas d'espèce, confiante qu'un nouveau procès soit la meilleure façon d'assurer que justice soit rendue. En contraste, la Cour d'appel d'Ontario agit vraiment comme tribunal intermédiaire; préoccupée par le développement de la doctrine pénale, elle impose des standards très exigeants au juge de première instance à l'égard des directives à donner au jury et présente à la Cour suprême du Canada un exposé stipulant des questions que cette dernière doit trancher.
Les causes des divergences de style et de méthodologie entre les deux cours sont probablement nombreuses. Une véritable codification du droit pénal pourrait servir à réconcilier ces divergences.
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