Fascinants, les « Vieux dossiers » du ministère de l’Agriculture le sont à maints égards. Fascinants d’abord par le fait qu’on y traite de bien des choses… sauf d’agriculture. Fascinants également par la richesse des documents touchant la société québécoise et l’expansion du territoire qu’elle occupe. La fin des guerres napoléoniennes suscite un vaste mouvement d’émigration vers le Canada. Ce mouvement, allié à une croissance rapide de la population et de l’exploitation forestière, crée une pression pour que soit mis en valeur le patrimoine foncier bas-canadien. Des abus dans le système de concession des terres aboutissent en 1818 au recours à des billets de concession (ventes conditionnelles) puis à la mise en place d’agences locales des terres. En 1826, on crée le poste de commissaire des terres de la Couronne. Conservée au Centre d’archives de Québec de BAnQ à l’intérieur du fonds Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, la sous-sous-série Dossiers de correspondance (Vieux dossiers) rassemble des documents datant de 1826 à 1916. Ces 146 mètres linéaires de documents textuels (E9, S101, SS2, SSS1) et 2000 cartes et plans (E9, S101, SS20, SSS2) forment un ensemble documentaire considérable, unique, constitué de documents reçus par le commissaire des terres de la Couronne. Jusque vers 1860, toutes les activités du commissaire des terres de la Couronne sont représentées dans ces dossiers : concession des terres, règlement des litiges avec les squatteurs, permis de coupe de bois, colonisation, mines d’or de la Beauce ou supervision du travail des agents locaux. Même les relations avec les autochtones sont abordées. La création de nouvelles structures administratives restreint graduellement le contenu des dossiers au processus d’émission des lettres patentes de terres. Bref, derrière cet ensemble documentaire, on peut voir toute l’entreprise de colonisation du Québec dans la zone des cantons : des Cantons-de-l’Est à la Gaspésie, en passant par l’Abitibi, le Saguenay–Lac-Saint-Jean et le nord de Montréal. Représentatif de la région où les rivières Grandes et Petites Bergeronnes, sur la Côte-Nord, se jettent dans le fleuve Saint-Laurent, ce plan a été dressé par l’arpenteur et agent des terres de la Couronne Georges Duberger en 1853 (ill. 1). Il accompagne une requête de Thomas Simard adressée au commissaire des terres de la Couronne. Installé sur plusieurs lots dans cette région depuis un certain nombre d’années en tant que squatteur, le requérant désire obtenir la propriété légale de ces terres totalisant 1816 acres. Il demande au gouvernement de lui céder gratuitement ou à un moindre coût les espaces difficilement exploitables comme les battures et les lots en milieu montagneux ou rocheux. Quasi indispensable à la compréhension de la demande, ce plan très détaillé constitue une source exceptionnelle d’information pour l’histoire de la région. La vente conditionnelle des terres par billets de concession, aussi connus sous les noms de « tickets of location » ou « billets de location », permettait au gouvernement de limiter la spéculation sur les terres et sur le bois s’y trouvant et de favoriser la colonisation. L’émission des titres définitifs par lettres patentes, qui pouvait survenir après plusieurs années, impliquait une validation des titres et une vérification de l’accomplissement des conditions énoncées dans le billet. Les Vieux dossiers documentent ce processus. Plus tard, l’agent des terres produisait un rapport, devenu au fil des ans un formulaire précis : le certificat d’établissement pour justifier l’émission des lettres patentes (ill. 2). On y détaille l’état de mise en valeur de la terre ainsi que la situation du demandeur. Des requêtes visant l’obtention ou la reconnaissance de droits fonciers ou encore dénonçant certaines situations sont régulièrement transmises au commissaire des terres de la …
Les « Vieux dossiers » du ministère de l’Agriculture[Record]
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Rénald Lessard
Direction générale des archives, Bibliothèque et Archives nationales du QuébecMonique Lord
Services administratifs, Office de la protection du consommateur