Les dessous et l’au-delà de cinq numéros remarquables

Métissitude sans lassitudeQuinze années d’études métisses… et après ?[Record]

  • Étienne Rivard and
  • Louis-Pascal Rousseau

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  • Étienne Rivard
    Département de sciences sociales et humaines, Université de Saint-Boniface

  • Louis-Pascal Rousseau
    École nationale d’administration publique, campus de Québec

En 2007, la revue Recherches amérindiennes au Québec publiait Métissitude (vol. XXXVII, nos 2-3), un numéro thématique dans lequel une vingtaine de chercheurs se questionnaient sur les différentes formes de métissages euro-autochtones dans la province et au-delà. Il s’agissait d’un moment particulier en études métisses partout au Canada, champ de recherche profondément bouleversé par l’arrêt Powley (R. c. Powley, 2003), premier et dernier jugement de la Cour suprême du Canada à avoir reconnu une protection constitutionnelle à une communauté métisse, celle de Sault-Sainte-Marie, en Ontario. Presque quinze ans plus tard, le comité éditorial de la Revue nous demande, à titre de codirecteurs de ce numéro, de revenir sur le cheminement qui a mené à sa conception, ainsi que sur son contenu et sur le développement subséquent des recherches sur les métissages et les identités métisses au Québec. Puisse la revue être remerciée pour cette invitation qui, au demeurant, reflète la pertinence de ce sujet de recherche, devenu aujourd’hui plus actuel que jamais. C’est par la réalisation d’un stage postdoctoral à l’Université Laval (2004-2007) que s’orchestre mon retour au Québec dans ce qu’il est maintenant convenu d’appeler l’ère post-Powley. On sent déjà alors un foisonnement de l’identité et des revendications métisses, foisonnement en grande partie suscité par les espoirs de reconnaissance qu’aura fait naître la jurisprudence récente en matière de droits autochtones métis. C’est dans ce contexte que je fais la connaissance de Louis-Pascal (son directeur de thèse, Laurier Turgeon, ethnologue à l’Université Laval, est alors mon superviseur de stage postdoctoral) et que, doucement, germe l’idée d’un numéro thématique portant spécifiquement sur un champ nouveau mais qui s’annonce prometteur, celui des études métisses au Québec. Ce projet coïncide par ailleurs avec la mise en place d’une étude visant à vérifier l’existence de communautés métisses historiques au Saguenay–Lac-Saint-Jean et en Abitibi-Témiscamingue (2006-2007), étude financée par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) et d’autres partenaires institutionnels, et dirigée par Laurier Turgeon. Cette recherche reposait sur deux volets complémentaires et menés de front : un volet documentaire, dans lequel Louis-Pascal était concerné, et un volet ethnologique dans lequel j’agissais à titre de superviseur et de principal investigateur. Ainsi, s’il y a un souci dans le développement récent des études métisses au Québec, il ne tient pas tant au poids de la recherche appliquée en tant que telle – d’autant qu’il ne pourrait s’agir que d’un moment dans la vie des études métisses au Québec – ou même au fait que ces recherches appliquées soient réduites à une vision particulière (jurisprudentielle) de l’identité métisse. Non. Là où le bât blesse tient au fait que la scène juridique est devenue, tout compte fait, le principal lieu d’échange des chercheurs s’intéressant à ces questions. Le contexte juridique, parce qu’il se veut par nature polarisant – il fait place à des opinions opposées qui rivalisent pour convaincre une seule personne –, limite grandement les échanges constructifs, forçant même des collègues ayant travaillé ensemble à réduire au strict minimum leurs collaborations scientifiques. C’est un lourd tribut collectif à payer pour servir la Justice – et je parle en connaissance de cause.

Appendices