Cinquante ans... cinquante textes : retour sur des thématiques marquantes

Contacts et alliances : relations euro-autochtones aux xviie et xviiie siècles et les enjeux contemporains[Record]

  • Isabelle Bouchard

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  • Isabelle Bouchard
    Université du Québec à Trois-Rivières

Les trois articles réunis autour de la thématique « Premiers contacts et premières alliances » abordent l’histoire des relations entre les Autochtones et les Européens aux xviie et xviiie siècles. Ils témoignent de l’augmentation de poids de l’ethnohistoire dans les pages de la revue Recherches amérindiennes au Québec (RAQ) depuis les années 1990. Une tendance que Claude Gélinas (2000) avait déjà observée lors du 30e anniversaire de la revue et qui s’est avérée se poursuivre dans les deux premières décennies du xxie siècle (Gettler 2016a). Les deux premiers articles (Delâge 1989 ; Delâge et Sawaya 2001b) abordent, plus spécifiquement, les alliances entre les Premières Nations et les empires coloniaux français et britanniques. Dans la seconde moitié du xviie siècle, plusieurs nations de la région des Grands Lacs s’allient aux Français, qui amorcent alors une « expansion sans peuplement » vers le centre du continent (Havard 2017 : 43). Par le biais des métaphores familiales et de leurs significations respectives pour les Français et les Premières Nations, Denys Delâge dresse le portrait d’une alliance qui se constitue autour d’ennemis communs : les Anglais et les Iroquois (Haudenosaunee). Malgré ce « besoin les uns des autres » (1989 : 6), l’alliance « franco-amérindienne » est toutefois inégale quant aux rapports entretenus entre les partenaires et ce, sur les plans économique, politique et religieux. Ces rapports d’alliance n’éludent pas les rapports de domination qui y sont sous-jacents. À partir des années 1990, les études sur la Nouvelle-France vont jeter un nouveau regard sur le « pays d’en haut » et son rôle central dans l’entretien des alliances avec les Premières Nations (White 1991 ; Havard 2003). Au milieu du xviiie siècle, les Britanniques prennent possession de l’ancienne colonie du Canada. C’est dans le cadre des politiques impériales britanniques que Denys Delâge et Jean-Pierre Sawaya situent la naissance de la Fédération des Sept Feux, « l’organisation politique des Amérindiens domiciliés et catholiques habitant des villages à proximité de ceux des colons canadiens sous le Régime britannique » (2001b : 43). Les auteurs attribuent son émergence au rapport colonial que les Britanniques entretiennent avec les Premières Nations, rapport marqué par une intervention beaucoup moins directe que celle des Français. Dans La Fédération des Sept Feux (1998), il avait d’abord situé les origines de cette Confédération sous le Régime français, en vertu des informations provenant de la tradition orale des Hurons (Wendat) et des Iroquois (Mohawk) du Québec et de sources manuscrites de la fin du xviiie siècle et du début du xixe siècle. La question de l’origine française ou anglaise de cette organisation politique a animé les historiens durant les années 1990 (voir aussi : Beaulieu et Sawaya 1997 et 2000). Ces débats surviennent alors que les traités conclus dans le cadre de la transition entre les régimes français et anglais sont scrutés devant les cours de justice (Lozier 2012 : 116-117 ; voir également Beaulieu 2000 et Delâge et Sawaya 2001a). Dans son analyse des contacts entre les civilisations européennes et autochtones, Denys Delâge manifeste son désir de sortir des frontières des espaces coloniaux (2012 : 23). Dans les articles faisant l’objet de ce commentaire (notamment ceux de Delâge 1989 et Delâge et Sawaya 2001b), ces derniers comparent et contrastent les modèles coloniaux dans le nord-est de l’Amérique, pour mettre en lumière les rapports distincts que les Français, les Hollandais et les Anglais ont entretenus avec les Premières Nations aux xviie et xviiie siècles. Au coeur de l’explication de ces différences se trouve notamment l’engagement respectif de ces sociétés « dans la voie de …

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