Cinquante ans... cinquante textes : retour sur des thématiques marquantes

Le Laboratoire d’anthropologie amérindienneRécits, lexiques, rituels et autres qu’humains[Record]

  • Émile Duchesne and
  • Robert R. Crépeau

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  • Émile Duchesne
    Candidat au doctorat, département d’anthropologie, Université de Montréal

  • Robert R. Crépeau
    Professeur titulaire, département d’anthropologie, Université de Montréal

La rédaction de ce texte a pris une tournure particulière alors que tous les protagonistes dont il sera question ici sont décédés dans les deux dernières années. Nous désirons rendre ici hommage à ces quatre anthropologues, dont les travaux peuvent être considérés comme fondateurs de RAQ et de l’anthropologie au Québec. En effet, l’importante contribution de Rémi Savard, Sylvie Vincent, José Mailhot et Serge Bouchard a eu une influence profonde et durable sur les générations d’anthropologues formés au Québec qui les ont suivis. Dans le champ de l’anthropologie algonquiniste, ces auteurs ont eu une influence si importante qu’il est impossible aujourd’hui d’entamer une discussion sur les cosmologies algonquiennes au Québec sans se référer d’une façon ou d’une autre aux travaux de ces collaborateurs du Laboratoire d’anthropologie amérindienne (LAA). Sans vouloir refaire l’histoire de ce regroupement de chercheurs – une histoire qui appartient pour le moment davantage à la tradition orale qu’à l’histoire écrite – nous chercherons à exposer le contexte qui a permis sa formation et sur lequel s’est appuyé son programme. Si le LAA a eu une existence limitée dans le temps – de la fin des années 1960 au milieu des années 1970 – on peut malgré tout parler d’un véritable programme de recherche qui s’est déployé au-delà même de l’existence concrète du Laboratoire. Quel était ce programme de recherche ? On pourrait rapidement le qualifier ainsi : comprendre les cultures autochtones à partir de leurs propres termes, et ce, en vue d’appuyer leur affirmation politique. Une visée éminemment anthropologique, convenons-en. Dans un premier temps, ce programme de recherche s’est surtout intéressé à des considérations propres au structuralisme, soit la mythologie, la ritualité, les classifications animales et les êtres autres qu’humains, comme on peut le voir dans les trois textes dont il est question ici (voir aussi Savard 1969 ; 1985 ; 2004 ; Mailhot 1971 ; Vincent 1976). Dans un deuxième temps, les collaborateurs du LAA se sont aussi intéressés à des questions relevant davantage de l’anthropologie sociale comme la parenté et l’organisation sociale (Mailhot 1993 ; Savard 1971), les récits de vie (Bouchard 1977 ; Vincent 1983), la politique (Savard 1981 ; Savard et Proulx 1982), mais aussi l’histoire (Savard 1996 ; Mailhot 1996 ; 2004 ; Vincent 2009). Notons également que certains textes et ouvrages des collaborateurs du LAA ont réuni les deux approches, combinant une analyse cosmologique à une analyse politique et sociale. C’est le cas, entre autres, du livre Le rire précolombien dans le Québec d’aujourd’hui de Rémi Savard (voir aussi Vincent 1977 et 1991). On pourrait voir dans ces travaux l’aboutissement logique du programme de recherche du LAA en ce que la démarche anthropologique et ethnographique permet de traduire des conceptions autochtones issues d’un mode de vie traditionnel dans le but de les mettre en dialogue avec leur affirmation politique contemporaine. Il nous semble important de souligner que les trois textes dont il sera question ci-dessous sont précédés d’une présentation (LAA 1973) dont les coauteurs semblent être les trois membres du LAA : Rémi Savard, José Mailhot et Sylvie Vincent. D’emblée, ceux-ci situent leur projet de recherche dans un cadre qu’ils qualifient de « très ancien » : les rapports entre la langue et la culture qu’ils entendent explorer dans une perspective sémiotique à partir de trois domaines : le récit, le rituel et le lexique. Leur conception du récit est alors influencée par les propositions émises par Claude Lévi-Strauss dans son article séminal « La structure des mythes ». Le récit fait sens à partir de « paquets de relations » qui se déploient dans un temps qui est réversible. Les …

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