L’objet que vous tenez entre les mains est un numéro doublement spécial. En plus de perpétuer, dans un premier temps, la mémoire de Sylvie Vincent – cofondatrice de la revue et figure marquante de l’anthropologie québécoise –, ce numéro souligne également les cinquante ans de publication de Recherches amérindiennes au Québec en faisant paraître un dossier qui offre un retour critique sur ces cinq décennies d’édition scientifique. Ces deux projets, pensés et élaborés de façon distinctes, ont fini par voir le jour au sein du même objet physique au terme des hasards et des imprévus qui ont marqué leur élaboration. Cela nous semble être pour le mieux, car ce numéro très spécial sera le dernier de la revue à porter le nom de Recherches amérindiennes au Québec. Ce dernier numéro du volume 50 se présente en quelque sorte comme un « moment hors du temps » en prenant un instant pour réfléchir sur le parcours de la revue depuis sa fondation ainsi que sur l’apport inestimable d’une de ses artisanes de la première heure, Sylvie Vincent. Il apparaissait clair pour tous et pour toutes que ces deux projets devaient se faire sous la désignation Recherches amérindiennes au Québec et l’idée de la réalisation d’un numéro plus volumineux s’est imposée comme la meilleure façon de faire naître les deux initiatives. À l’occasion de son 50e anniversaire, la revue Recherches amérindiennes au Québec voulait rendre un hommage tout particulier à l’une de ses fondatrices, Sylvie Vincent, qui nous a quittés en avril 2020. Au fil des témoignages, des réflexions et des articles regroupés dans la section en son hommage, vous aurez l’occasion de découvrir une personnalité humaniste et authentique, toujours à l’écoute des autres malgré son caractère plutôt réservé. Même si Sylvie n’avait pas l’habitude de se précipiter à l’avant-scène, elle savait trouver les moyens pour se faire entendre. Nous espérons que ces quelques textes permettront de mieux connaître cette force tranquille qui a oeuvré au sein de la revue depuis les débuts de cette folle aventure. Parmi les différentes contributions regroupées dans l’hommage à Sylvie Vincent, mentionnons les touchants témoignages de Gilles Bibeau, de Nelcya Delanoë, de Peter Armitage et de Sylvie Loslier. Depuis Montréal, Paris ou Saint-Jean (Terre-Neuve), ces collègues et amis de Sylvie nous livrent d’infimes parcelles de sa vie personnelle et professionnelle. Gilles Bibeau retrace le parcours professionnel d’une anthropologue constamment à l’écoute de l’Autre. On y découvre une chercheure autonome et indépendante qui avait fait de la littérature orale, notamment les mythes et les récits innus, son principal objet de recherche. La contribution de Nelcya Delanoë, une collègue, amie et compatriote de Sylvie, nous la présente comme l’un des « contreforts de l’histoire ». Extrait d’un texte rendant initialement hommage à Rémi Savard et Sylvie Vincent (Delanoë 2020), le témoignage de Nelcya Delanoë présente les débuts du Laboratoire d’anthropologie amérindienne (1970) et de la revue Recherches amérindiennes au Québec (1971). Ce texte réitère également la volonté de Sylvie Vincent pour que l’histoire des autochtones trouve sa place au sein de l’histoire coloniale eurocanadienne et euroquébécoise. Peter Armitage partage ses souvenirs et ses échanges avec Sylvie Vincent sur près de quarante ans. Par le biais des atanukan (récits transmis aux humains par non-humains) et des tipatshimun (faits ou récits vus et/ou vécus par des êtres humains), il nous rappelle l’importance des travaux de Sylvie Vincent en matière d’idéologie religieuse innue, d’histoire et de tradition orales, de régime foncier ou encore d’utilisation et d’occupation du territoire. Sylvie Loslier nous présente le parcours exceptionnel d’une femme humaniste et engagée tant sur le terrain que sur la scène politique avec …
Appendices
Ouvrages cités
- Delanoë, Nelcya. 2020. « Les contreforts de l’histoire : Hommage à Rémi Savard (mars 1934-décembre 2019) et Sylvie Vincent (avril 1941-avril 2020) ». Journal de la Société des américanistes 106(1) : 235-250. https://doi.org/10.4000/jsa.18197
- Vincent, Sylvie. 1991. « La présence des gens du large dans la version montagnaise de l’histoire ». Anthropologie et Sociétés 15(1) : 125-143.
- Vincent, Sylvie. 2002. « Compatibilité apparente, incompatibilité réelle des versions autochtones et des versions occidentales de l’histoire. L’exemple innu ». Recherches amérindiennes au Québec 32(2) : 99-106.