Abstracts
Résumé
Cet article est consacré à la démographie des populations autochtones catholiques du Canada, de la région de Tadoussac et de l’Acadie entre 1680 et 1763. Après avoir passé en revue les sources historiques et statistiques pertinentes pour cette étude, les auteurs reconsidèrent le rapport traditionnel qui veut qu’à un certain nombre de guerriers appartenant à un groupe spécifique corresponde une population dont la taille est déterminée par un ratio guerrier/population. La validation pratique de ce calcul fera l’objet d’un deuxième article publié par Recherches amérindiennes au Québec.
Mots-clés :
- autochtones,
- population,
- Canada,
- Acadie,
- xviiie siècle
Abstract
This article is devoted to the demography of the Catholic indigenous populations of Canada of the Tadoussac area and Acadia from 1680 to 1763. After reviewing the historical and statistical sources relevant to this study, we turn to the traditional ratio that a certain number of warriors belonging to a specific group corresponds to a population whose size is determined by a warrior/population ratio. The practical validation of this calculation will be the subject of a second article published by Recherches amérindiennes au Québec.
Keywords:
- Indigenous,
- Population,
- Canada,
- Acadia,
- 18th century
Resumen
Este artículo trata sobre la demografía de las poblaciones indígenas católicas de Canadá, de la región de Tadoussac y de Acadia entre 1680 y 1763. Luego de revisar las fuentes históricas y estadísticas relevantes para este estudio, los autores reconsideran la relación tradicional que señala que, a un cierto número de guerreros pertenecientes a un grupo específico, corresponde una población cuyo tamaño está determinado por una relación guerrero/población. La validación práctica de este cálculo será objeto de un segundo artículo publicado por Recherches amérindiennes au Québec.
Palabras clave:
- amerindios/indígenas,
- población,
- Canadá,
- Acadia,
- siglo XVIII
Article body
Depuis le xixe siècle, la discipline historique s’est attachée à dresser le profil démographique des populations dont elle entendait étudier la trajectoire au fil du temps. Aujourd’hui, supputer la taille d’une population est devenu, pour ainsi dire, un réflexe partagé par l’ensemble des historiens de la socio-économie (Rosental 2010 : 98-103). Bien évidemment, l’étude des populations autochtones de la Nouvelle-France ou d’ailleurs ne fait pas exception à cette règle (Axelsson et Sköld 2011). N’allons cependant pas croire que cette volonté de chiffrer était inconnue de l’administration civile de la Nouvelle-France qui, elle aussi, avait à coeur de fournir ses statistiques au ministère de la Marine qui les lui demandait et les comptabilisait évidemment pour d’autres raisons. Dès le Régime français, gouverneurs et intendants cherchèrent donc à dénombrer ces populations autochtones qui, contrairement à une idée reçue voulant que leur nomadisme saisonnier ait rendu tout décompte impossible, leur étaient finalement assez bien connues, notamment grâce aux mémoires que leur fournissaient certains missionnaires particulièrement bien renseignés en ce domaine. Mais, dans un univers régulièrement plongé dans les conflits intercoloniaux, la question militaire primait sur toute autre considération lorsqu’il s’agissait de dresser le profil d’un groupe amérindien. Dès lors, le nombre de mâles en état de porter les armes l’emportait souvent sur toute autre considération démographique. Sans surprise, les documents d’archives dont dispose aujourd’hui le chercheur pour explorer la question de la démographie amérindienne de cette époque lointaine ne fournissent presque toujours que les effectifs guerriers sur lesquels la colonie française pouvait espérer compter en cas d’agression ou lors des campagnes militaires. Il s’ensuivit un silence sur les populations d’où ces soldats étaient tirés. Ce qui était alors bien connu de plusieurs s’est graduellement abîmé dans l’oubli. Plus récemment, l’histoire a pourtant cherché à contourner ce silence des sources en tentant d’établir un profil plus complet de ce qu’étaient les Amérindiens de la Nouvelle-France sous l’angle numérique.
Depuis près de vingt-cinq ans, nos connaissances sur la démographie amérindienne du Canada ancien ont essentiellement reposé sur les travaux de J.A. Dickinson et J. Grabowski parus en 1993 dans les Annales de démographie historique (Dickinson et Grabowski 1993 : 51-65). Sur la base des hypothèses proposées par ces chercheurs, et en faisant fi de l’organisation clanique ou matrilinéaire de certains groupes autochtones, tels que les Iroquois et les Hurons, il existe actuellement un consensus voulant qu’à chaque homme en mesure de porter les armes ait correspondu une cellule familiale composée de plus ou moins cinq membres. En vertu du même principe, le rapport entre le nombre de guerriers et la population totale d’une collectivité se situerait donc autour de 1 sur 5 (1/5), rapport adopté par ces chercheurs et depuis largement suivi par les historiens (ibid. : 56-57). Si pratique soit-il lorsqu’il s’agit de chiffrer une population amérindienne donnée, ce calcul mériterait toutefois d’être testé à l’aide de nouvelles données se rapportant à un plus vaste écoumène. En tablant sur les acquis scientifiques de ces chercheurs, il semble aujourd’hui possible de pousser encore plus loin notre connaissance du sujet en revisitant l’ensemble des données qui regardent la vallée laurentienne et en étendant notre champ d’investigation aux communautés amérindiennes qui occupaient jadis les zones frontalières du Canada, à savoir l’Acadie péninsulaire et l’Acadie continentale, lesquelles englobaient autrefois le territoire correspondant aux actuelles provinces de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et au nord-est du Maine. Près d’un quart de siècle après Dickinson et Grabowski, notre enquête tentera à nouveau de faire le point sur cette question en proposant aux chercheurs de nouvelles données et, à l’intérieur de cet article d’attirer leur attention sur l’importance de l’herméneutique des chiffres en ce domaine.
Trois objectifs seront ici poursuivis. D’abord, nous dresserons la liste des recensements disponibles pour connaître les dénombrements « officiels » de ces populations amérindiennes depuis le dernier quart du xviie siècle jusqu’au lendemain du traité de Paris. Nous réexaminerons ensuite certaines des estimations proposées par Dickinson et Grabowski à la lumière de nouvelles données recueillies dans les archives. Enfin, nous fournirons aux chercheurs une liste pratique et claire sur la taille des nations amérindiennes évoluant sur l’espace-temps retenu, soit le Canada, l’Acadie et les postes du Domaine du Roy pour la période 1680-1763. Pour y parvenir, deux types de sources seront retenus : les témoignages contenus dans la correspondance, les journaux de campagne et autres sources narratives, de même que les recensements et dénombrements qui présentent des chiffres sur les effectifs des communautés amérindiennes catholicisées. Dickinson et Grabowski ayant déjà souligné les carences importantes que présentent les registres paroissiaux pour l’étude des populations autochtones de la vallée laurentienne, ces derniers ne seront pas considérés dans notre étude (ibid.: 53-55 ; Dickinson 1996 : 14-15). Par ailleurs, le nécessaire croisement des sources permettra d’approcher au mieux ce que pouvait numériquement représenter chacun des groupes amérindiens occupant les espaces canadien, acadien et saguenéen. De là, il deviendra possible d’estimer le chiffre de la population totale des Amérindiens occupant ces territoires pendant la période couverte par notre investigation.
Une telle démarche exige cependant d’étaler notre propos sur deux publications. Ce premier article présente d’abord les groupes amérindiens retenus aux fins de cette étude. De même, les différents types de sources écrites d’où les données à caractère démographique ont été extraites seront décrits et critiqués afin d’en évaluer la fiabilité. Dans un second article, à paraître sous peu dans Recherches amérindiennes au Québec, nous tenterons ensuite d’établir un rapport entre le nombre de guerriers d’un groupe autochtone donné et la taille de la population à laquelle ils se rattachent (Dubois et Morin 2019, à paraître). Cette démarche permettra de préciser certaines estimations proposées par Dickinson et Grabowski. En dernier lieu, nous présenterons au chercheur un outil d’interprétation et de comparaison des données démographiques recueillies au cours de notre enquête afin d’évaluer avec plus de justesse la taille des différentes nations ou villages amérindiens du Canada, de l’Acadie et des postes du Domaine du Roy entre 1680 et 1763.
Les groupes amérindiens qui évoluent sur cet écoumène sous le Régime français sont les Sauvages domiciliés de la vallée laurentienne, les Abénaquis de l’Est, et plus précisément ceux de l’Acadie continentale, les Malécites de la rivière Saint-Jean, les Passamaquoddies de la rivière Sainte-Croix, les Micmacs de l’Acadie et les Montagnais des postes du Domaine du Roy. Le lien qui unit entre elles toutes ces populations est leur attachement politique à la couronne de France, d’une part, et leur profession catholique reconnue, d’autre part. Au regard de la démographie de ces groupes, l’ancrage géographique agira comme le seul véritable critère pour procéder à une évaluation de la taille de ces populations à l’échelle locale, régionale et territoriale. Partant, chaque espace ethnique, depuis le village jusqu’au territoire où évoluent ces populations parfois très mobiles, sera considéré isolément afin d’en dresser le profil démographique le plus juste.
Les Amérindiens catholiques à l’étude
L’expression « Sauvages domiciliés » désigne les groupes amérindiens qui, après avoir trouvé refuge au Canada, s’y sont installés à demeure[1]. Mis sur pied par les Jésuites et les Sulpiciens, ces villages amérindiens canadiens réunissent la plupart du temps divers groupes ethniques dont le plus important numériquement imprime souvent son identité à la mission entière. Le quasi-ethnonyme « Sauvages domiciliés » prête cependant à confusion. Apparu sous la plume des intendants et des missionnaires, il suppose d’entrée de jeu une sédentarité chez ces groupes amérindiens ayant élu domicile dans la vallée laurentienne. Pourtant, l’histoire de chacun de ces villages dément largement l’acception première de ce syntagme figé par les usages administratifs coloniaux (Jetten 1994 ; Lozier 2012 ; 2018). L’emploi de l’expression « Sauvages habitüés proche des françois » semble mieux correspondre à la réalité amérindienne à une époque encore fortement marquée par la mobilité spatiale (BAC 1688).
À l’opposé de ces Sauvages domiciliés, les communautés micmaques, malécites, passamaquoddies et abénaquises d’Acadie évoluent toujours au rythme des déplacements qu’appelle le nomadisme saisonnier, sans qu’existent sur leur territoire des villages autochtones chrétiens aussi bien organisés que ceux de la vallée laurentienne. Le maintien de ce mode de vie ancestral ne les empêche toutefois pas de se regrouper périodiquement dans des villages établis aux abords des principales rivières associées à leurs territoires de chasse. Si le toponyme et la localisation de ces villages changent parfois selon les époques et les auteurs, les populations qui les fréquentent demeurent pour leur part sensiblement les mêmes. Cela étant, nous nous en tiendrons à l’usage de la toponymie la plus usuelle dans les sources coloniales. Au besoin, le toponyme actuel d’un lieu complétera celui de l’époque afin de mieux situer le lecteur. Un dernier groupe, celui des Montagnais[2], qui gravite autour des postes du Domaine du Roy établis entre le Saguenay-Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord, sera considéré dans cette article, et ce en dépit du fait que la plupart des témoignages de l’époque ne l’incluent pas volontiers dans la comptabilité des populations amérindiennes du Canada.
Le caractère semi-sédentaire ou semi-nomade de ces populations ayant été rappelé, il convient désormais de se pencher à nouveau sur la vallée laurentienne, autrement dit sur le Canada. Au xviiie siècle, on y rencontre plusieurs missions catholiques aménagées sous forme de villages amérindiens chrétiens. L’existence parfois éphémère de ces villages s’explique soit par l’épuisement des ressources, soit par la trop grande proximité des établissements français, ou encore, par des impératifs liés à la défense de la colonie canadienne. Pour le bénéfice du lecteur, le tableau 1 brosse un portrait de ces villages.
Sources narratives et statistiques
Pour la période antérieure au xixe siècle, l’estimation du poids démographique des groupes amérindiens reste une équation particulièrement difficile à résoudre en raison de la nature des sources disponibles et de leur inégale valeur (Charbonneau 1984 : 28-42 ; Dickinson et Grabowski 1993 : 53-56). Les sources auxquelles le chercheur peut avoir recours dans l’établissement du chiffre d’une population amérindienne donnée à une époque précise consistent principalement en la correspondance coloniale française, aux documents administratifs britanniques, aux écrits missionnaires ainsi qu’aux récits de voyage et de captivité. À ces sources s’ajoutent encore les journaux de campagne militaire et bien entendu les recensements ainsi que les dénombrements de population. À cette étape de l’enquête, une critique de ces types de sources s’impose afin d’en évaluer le potentiel et les limites.
La correspondance coloniale française
Formée de lettres, d’extraits de lettres, de résumés et de mémoires produits dans un cadre administratif par les gouverneurs, les intendants, les officiers civils et militaires ou encore par les missionnaires, la correspondance coloniale française aborde fréquemment la question amérindienne dans une perspective militaire. Aussi, est-ce là qu’apparaîtront généralement les chiffres qui concernent le nombre de guerriers sur lesquels la Nouvelle-France peut espérer compter. Par exemple, depuis les bureaux du ministère de la Marine, les commis produiront des résumés de tous les documents provenant des colonies. Les informations seront alors sélectionnées selon une logique de consignation, de circulation et de conservation du renseignement (La Rocque de Roquebrune 1953). Il faut donc garder en mémoire que les documents administratifs produits in situ font souvent l’objet d’une réécriture.
Au regard des chiffres sur la taille des groupes amérindiens, ces synthèses abolissent parfois certaines particularités ethniques ou régionales au profit d’un tableau plus général des populations amérindiennes. Fréquemment, le chercheur reste confronté à des données globales dont l’ancrage géographique demeure pour le moins nébuleux. Au mieux, ce type de résumé administratif n’aura pas entièrement déparé la donnée de ses attributs initiaux, à savoir le groupe d’âge et le sexe. Au pire, ce même processus sélectif des informations de première main en aura biffé tous les détails jugés inutiles, d’où résultera une perte notable de précision.
Par ailleurs, la répétition d’un document à l’autre d’informations concernant le nombre d’Amérindiens est un fait avéré dans la correspondance coloniale. Faute de personnel administratif, missionnaire ou militaire pouvant mettre à jour périodiquement les recensements amérindiens, les mêmes chiffres se répètent quand ils ne font pas l’objet d’un arrondissement pur et simple, nous plaçant ainsi devant un faux consensus sur les chiffres. À l’évidence, ces répétitions résultent de la consignation plurielle de l’information circulant à l’intérieur du réseau de renseignement français. Ainsi, à la demande d’un gouverneur, le document produit par un missionnaire ou un officier pourra constituer le point de départ d’une chaîne de copies où les informations se verront répétées sans autre vérification.
Un exemple vaut mille mots. Huit documents semblent confirmer un consensus sur le nombre de guerriers que comptent les Micmacs au cours des années 1730. Trois pièces de la correspondance du gouverneur Saint-Ovide font d’abord référence à un recensement qui dénombre 635 hommes portant les armes en 1732. La première pièce mentionne qu’il s’agit de « Sauvages portant les armes », mais sans en fournir le nombre. La seconde signale une « nation » s’élevant désormais à plus de 600, mais en omettant cependant de préciser la composition de ladite nation. Enfin, la troisième fixe le total de la « nation des Micmacks » à 635 « hommes » (BAC 1732a : 255v-256 ; 1732b : 207 ; 1733a : 12-12v ; CMRNF 1884(3) : 164). Deux ans plus tard, un autre recensement est produit. Une première copie atteste la présence de 641 hommes « portant les armes » chez les Micmacs, alors qu’une autre copie du même recensement débite ce chiffre de 30 individus. En 1737, ce total est désormais fixé à 631. On retranche du recensement de 1735 les 30 hommes portant les armes de la rivière Port-Royal et on en ajoute 20 autres de Tatamagouche (BAC 1735a : 1 ; 1735b : 725-726 ; 1737b : 76). Deux ans après ce dernier exercice statistique, un mémoire du roi confirme la présence de 600 hommes micmacs portant les armes sous le gouvernement de l’île Royale (BAC 1739 : 40-40v). Enfin, un autre mémoire anonyme produit entre les années 1738 et 1741 évalue également à environ 600 leur nombre de guerriers (BAC [1738-1741] : 249). Sommes-nous en présence d’une population dont la croissance est presque nulle ou s’agit-il d’une simple répétition de l’information ? S’il fallait choisir entre ces deux options, la dernière hypothèse semblerait de loin la plus recevable. Lorsqu’il s’avère possible, le croisement des divers témoignages en ce domaine est absolument nécessaire pour interroger les données démographiques qui se retrouvent dans la correspondance coloniale et, partant, d’établir leur fiabilité.
Documents administratifs britanniques, écrits missionnaires, récits de voyage et de captivité
À la correspondance administrative française, source d’informations précieuses quoique remplies d’écueils, s’ajoutent non seulement diverses observations émises par le gouvernement britannique de la Nouvelle-Écosse, mais aussi la correspondance privée française, de même que les récits de mission ou de voyage. Ces sources jettent des éclairages complémentaires sur la réalité démographique amérindienne. L’exemple suivant qui regarde l’administration néo-écossaise le prouve. Dans une lettre adressée aux Lords of Trade le 23 juillet 1753, le gouverneur Hopson leur avoue son incapacité à estimer précisément la taille de la population micmaque. N’arrivant pas à obtenir un décompte fiable, Hopson évalue grosso modo la population totale à quelque 300 familles. Bien qu’il ne puisse disposer des mêmes renseignements que les Français, Hopson émet pourtant une observation fort précieuse : il n’a jamais rencontré personne en Nouvelle-Écosse ayant vu plus de 200 Micmacs regroupés pour combattre (Akins 1869 : 199). D’autres témoignages, nous l’avons vu, montrent cependant que les Micmacs comptent bien davantage que 200 guerriers. Comment tirer profit de cette dissonance dans les chiffres ? Premièrement, le témoignage d’Hopson laisse entendre que, selon la logique de la petite guerre, les Micmacs évitent stratégiquement une mobilisation générale de leurs effectifs pour une seule action militaire. Deuxièmement, en faisant contrepoids aux chiffres fournis par l’administration française, le témoignage du gouverneur britannique permet d’observer combien la réalité des combattants prêts à se lancer sur le front s’écarte des chiffres présentés par l’administration coloniale française qui, elle, ne tient trop souvent compte que du potentiel militaire maximal d’une nation et non de ses stratégies militaires propres.
Du côté des missionnaires, leurs lettres ou relations rapportent souvent l’arrivée et le départ d’Amérindiens visitant leurs missions. Deux relations du père Bigot illustrent ici notre propos (Bigot 1857, 1858). Au fil d’un récit dont la chronologie manque cruellement de précision, se chevauchent des arrivées de néophytes en nombre inconnu entre décembre 1683 et juillet 1685, des envois d’émissaires, des mouvements militaires ou encore, d’autres migrations liées à la relocalisation des Abénaquis de Sillery vers le Saut-de-la-Chaudière. À ce niveau, la multiplication des inconnues ne fait que brouiller davantage les pistes. Même si les missionnaires demeurent des observateurs de premier ordre au regard des phénomènes migratoires qui entourent la vie de leurs missions, leurs témoignages n’offrent que trop rarement un véritable portrait d’ensemble qui permette de soupeser le poids démographique de leurs ouailles.
Rédigés dans un style narratif propre à la littérature viatique ou de captivité, les récits laissés par les voyageurs et les anciens captifs anglais pèchent souvent par l’absence de précisions quant aux toponymes des lieux visités et à la composition ethnique des groupes amérindiens rencontrés. L’exemple suivant l’illustre. Fait captif par les Micmacs pendant près de six semaines, Anthony Casteel évalue à 500 le nombre d’individus rassemblés dans un campement amérindien établi près du fort Gaspareaux à la baie Verte lorsqu’il s’y retrouve avec ses ravisseurs le 12 juin 1753 (Akins 1869 : 698 ; CDICA 1889(2) : 120). Si un tel nombre de guerriers ne surprend guère en raison de la militarisation croissante de ce territoire frontalier depuis 1750, la population micmaque de cette région correspondant à l’isthme de Chignectou n’a vraisemblablement jamais compté autant d’individus en état de porter les armes sous le Régime français. Il ne s’agit donc là que d’une concentration temporaire de guerriers, voire peut-être d’une partie de leurs familles, occasionnée par la montée des tensions entre colonies rivales. Ponctuelle mais non dépourvue d’intérêt, l’observation de Casteel doit être prise pour ce qu’elle est : un cliché de la journée du 12 juin 1753. Prises individuellement, ces données soulèvent habituellement plus de questions qu’elles n’apportent de réponses claires.
Journaux de campagne militaire
Les journaux de campagne militaire se présentent sous deux formes, dont la première est télégraphique. Les informations contenues dans ces journaux, qui étaient tenus par des officiers consignant les faits saillants d’une campagne, étaient notées de manière succincte, ne donnant que le nombre de guerriers amérindiens mobilisés. Essentiellement d’ordre pratique, les chiffres sont habituellement justes et fournissent dès lors à l’historien des données qui, pour mieux en apprécier la valeur, devront néanmoins être croisées avec d’autres témoignages. Le second type de journal de campagne militaire obéit davantage aux formes convenues de la littérature viatique alors en vogue. Ce type de journal comporte souvent des chapitres à caractère ethnographique où apparaissent parfois des chiffres sur la taille des populations amérindiennes impliquées dans les conflits (Pouchot 2003).
Les journaux d’inspection des fortifications présentent également un certain intérêt pour l’étude de la démographie amérindienne. Dans son journal, l’ingénieur Franquet fournit des données parfois très précises sur les villages amérindiens visités (Franquet 1889). Au regard des chiffres présentés dans ces journaux, militaires ou civils, ce sont surtout les effectifs guerriers mobilisés pour une opération militaire en cours ou à prévoir qui justifient le décompte des guerriers. Cela dit, ces données ne permettent pas pour autant de chiffrer la population totale des groupes concernés selon un rapport voulant qu’à chaque guerrier corresponde un nombre d’individus qui en dépendraient, soit majoritairement des femmes et des enfants. Et cela pour une raison fort simple : aucun indice dans les sources ne permet d’établir la proportion de guerriers d’un même groupe ethnique mobilisés dans les opérations militaires françaises menées simultanément. Le cri de ralliement d’Onontio n’arrivait certainement pas à mobiliser tous les guerriers. La présence d’intérêts divergents au sein d’une même nation conjuguée aux contraintes logistiques rendait impossible la mobilisation générale des hommes, comme nous le verrons. De là découle la fragilité des calculs élaborés à partir des données contenues dans ces journaux dont les chiffres sur le nombre de guerriers regardent surtout la petite guerre où l’on observe une fragmentation des effectifs déployés.
Il serait tout aussi périlleux pour le chercheur de recevoir comme vérité d’évangile les données démographiques produites dans le cadre de la grande guerre. L’exemple suivant le prouve. Au printemps 1746, l’officier français Du Pont Duvivier mène une opération militaire en vue de rassembler les forces françaises et amérindiennes dans la région de Beaubassin pour faire campagne au cours de l’été contre les Britanniques. En date du 8 mai, un journal de campagne rédigé sous les ordres de Beauharnois et de Hocquart rapporte que l’« [o]n fait faire des recensemens de sauvages Abenakis et Micmacs de l’Accadie, dispersés dans différens endroits du Gouvernement de quebec, et dans les villages de Becancourt et de St. françois. On donne ordre de faire descendre une partie des guerriers de ces deux villages, pour les joindre aux autres » (BAC 1746 : 108). Le caractère géostratégique de l’opération qui exigeait alors beaucoup de précision, tant au niveau des ressources que des moyens à déployer, aurait dû offrir au chercheur des chiffres dignes de confiance. Comble de malchance, les recensements de guerriers signalés dans ce journal de campagne sorti des bureaux de l’administration coloniale ne sont malheureusement pas parvenus jusqu’à nous. Pourtant, le même journal indique que 300 à 400 Abénaquis, Passamaquoddies, Malécites et Micmacs auraient fui l’Acadie pour gagner le Canada au cours de l’automne 1745 (CMRNF 1884(3) : 265). Sont-ce là les guerriers auxquels faisait d’abord référence le journal produit sous les ordres de Beauharnois et de Hocquart ? Ce n’est qu’en tentant de suivre ces quelque 400 guerriers que le chercheur pourra éventuellement répondre à cette question. Pour l’exercice, tentons de le faire.
Le 30 mai 1746, ce sont 300 Abénaquis domiciliés du Canada et de l’Acadie continentale qui sont équipés pour la guerre. Sous le commandement du lieutenant Saint-Pierre, ils quittent Sillery en direction de Beaubassin. Là, se trouvent déjà réunis des guerriers micmacs de Miramichi et des Malécites de la rivière Saint-Jean (ibid. : 277, 279). Apparemment, tous les hommes aptes au combat et, surtout à portée de l’Acadie, convergent vers cette région. Déjà ce chiffre de 300 présente une certaine cohérence avec les chiffres rencontrés dans le journal tenu pour le compte de Beauharnois et de Hocquart pour cette même année 1746. La présence de ces guerriers est d’ailleurs signalée par l’officier Liénard de Beaujeu. Dans son journal, ce dernier rapporte à plusieurs reprises la présence du lieutenant Saint-Pierre et les actions des guerriers micmacs, malécites et abénaquis qui participent à cette campagne (CDICA 1889 (2) : 24-31). En réalité, alors qu’une grande partie des forces abénaquises de Panawamské s’acheminent vers Beaubassin au début du mois de juin, le restant des hommes poursuit toujours la petite guerre contre les établissements britanniques du nord-est du Maine. C’est ainsi que, le 10 juin 1746, un parti d’Abénaquis de Panawamské amène à Montréal un soldat britannique qu’ils ont fait prisonnier à la rivière St. George dix-sept jours auparavant (CMRNF 1884(3) : 282). Tous les guerriers ne sont pas affectés à la grande guerre, et ce pour des raisons stratégiques qui appellent une fragmentation des forces guerrières. Nous sommes à même de conclure qu’un nombre de guerriers fourni par ces sources ne permet que très difficilement l’établissement du chiffre total des guerriers d’un village ou d’une nation. Partant, ces chiffres ne peuvent permettre d’évaluer avec précision la taille d’une population entière.
Nous le constatons, les données démographiques extraites des journaux de campagne militaire, et ce à l’exemple des autres types de sources examinées jusqu’ici, ne trouvent leur pertinence que dans une lecture comparative qui puisse prendre en compte l’ensemble des données récoltées dans toutes les autres sources disponibles, notamment dans les recensements. À ce niveau, les recensements de la fin du xviie siècle qui détaillent la population selon les sexes et les catégories d’âges constituent des sources qui, quoique imparfaites, n’en demeurent pas moins d’une exceptionnelle richesse, nous permettant de toucher au plus près la réalité démographique des villages amérindiens. À un autre niveau, ces recensements offrent des pistes pour tester et même bonifier un modèle de calcul pouvant être appliqué à l’ensemble des populations amérindiennes christianisées du Canada et de l’Acadie pour le xviiie siècle. Et c’est là l’un des principaux apports méthodologiques que le présent article peut offrir au chercheur préoccupé par la démographie amérindienne.
Recensements et dénombrements
Dans l’état actuel de la recherche, trente-sept recensements et dénombrements produits entre 1680 et 1764 permettent d’appréhender la démographie amérindienne pour l’une ou l’autre des aires géographiques constituant notre cadre d’analyse, soit le Canada – incluant ici les postes du Domaine du Roy –, l’Acadie péninsulaire et continentale, ainsi que les îles Saint-Jean et du Cap-Breton. Le tableau 2 dresse la liste chronologique de ces documents, en signale les auteurs, décrit leur couverture géographique et le type de données présentées, en plus d’inclure leur référence en bibliographie.
Il existe plusieurs catégories de recensements que l’on pourrait classer en fonction de leur degré de précision. Les moins précis d’entre eux, qui sont malheureusement les plus nombreux, ne fournissent habituellement que le nombre total d’hommes, tandis que les plus détaillés énumèrent hommes, femmes et enfants. Le vocabulaire employé dans ces recensements, surtout pour les moins précis d’entre eux, exige parfois un sérieux exercice d’herméneutique afin de saisir la portée sémantique du terme « homme », si souvent rencontré. S’il tombe sous le sens que ce mot désigne le mâle, le croisement des sources montre cependant qu’il sert surtout à désigner les hommes et les garçons en état de porter les armes, en d’autres termes tous les mâles pouvant être recrutés dans les campagnes françaises. Dans cette perspective, l’usage dans la correspondance coloniale et même dans plusieurs recensements du terme « Sauvages » sans autre précision, ou de l’un ou l’autre des ethnonymes amérindiens, comme par exemple « Iroquois » ou « Abénaquis », renvoie directement aux guerriers, ce qui inclut les hommes faits et les adolescents, donc des pères de famille et des célibataires. Ces recensements – ou plutôt ces dénombrements des hommes – ne disent toutefois rien de la composition des communautés dont sont issus ces guerriers, pas plus qu’ils ne précisent l’ancrage géographique précis des hommes décomptés.
Quelques exceptions cependant rendent compte des subdivisions de l’écoumène d’une nation. C’est ainsi que les trois recensements de l’Acadie, deux de 1735 et un de 1737, divisent le territoire micmac en une douzaine de zones d’occupation à chacune desquelles correspond un nombre d’hommes aptes au port des armes (BAC 1735a : 1 ; 1735b : 725-726 ; 1737b : 76). Bien qu’offrant d’intéressantes précisions pour le démographe, cette catégorie de recensements ne décline cependant pas systématiquement la composition des communautés recensées en hommes, femmes et enfants. D’un point de vue méthodologique, le croisement avec d’autres sources de ces recensements qui répartissent le nombre total des hommes selon un quadrillage approximatif de l’espace effectué en fonction des zones traditionnelles d’occupation nécessite une certaine gymnastique intellectuelle, notamment au regard des variations toponymiques. Lorsque possible, la juxtaposition des différentes subdivisions de l’écoumène, telles que rencontrées dans les recensements pour une même aire géographique, s’impose afin de parvenir à une meilleure délimitation des zones d’occupation amérindienne. L’espace habité gagne alors en cohérence et permet des analyses démographiques plus fines menées à l’échelle régionale et territoriale de l’Acadie. Nous disposons de vingt-quatre recensements « par région » produits entre 1687 et 1764.
Un dernier type de recensements statistiques, nettement plus détaillé que les deux précédents, dénombre la population autochtone en fonction des catégories déjà fixées pour recenser la population coloniale, soit les hommes de plus et de moins de 50 ans et les garçons de plus et de moins de 15 ans. Quant à elles, les femmes ne sont pas systématiquement départagées en fonction de l’âge, n’étant pas appelées à porter les armes. Cela dit, les filles nubiles sont distinguées des fillettes en dessous de 12 ou de 15 ans, à une exception près, dans le recensement de Gargas de 1687-1688 (Gargas [1687-1688]). Particulièrement précieux pour l’historien démographe, ces documents permettent non seulement de connaître le chiffre « officiel » de la population d’un village donné, mais également de considérer celle-ci sous différents angles par simple croisement des données statistiques contenues dans ces recensements : genre, âge, état, village ou lieux d’occupation. Sept recensements de cette catégorie pour le Canada et trois pour l’Acadie ont été repérés à ce jour.
Pour le Canada, les données relatives aux Amérindiens domiciliés se retrouvent à même les recensements de la population coloniale des gouvernements de Québec, de Trois-Rivières et de Montréal. Il n’étonne donc en rien que les toponymes des villages autochtones se rangent aux côtés de ceux des villages français. Parfois, comme à la côte de Lauzon et sur la seigneurie de Vincennes (Beaumont, Qc), la présence d’un groupe amérindien est signalée dans le recensement, et ce bien qu’aucune mission formellement organisée par les missionnaires n’existe sur ces lieux (BAC 1692). En revanche, la présence des esclaves amérindiens au sein de la population coloniale est ignorée dans ces recensements puisque ces esclaves n’étaient alors pas considérés en tant qu’alliés militaires, mais comme biens détenus en propre (Rushforth 2012 : 131, 272). Outre cette exception, la distinction entre colons et Amérindiens est nette dans ces recensements dont l’usage fut établi par l’administration coloniale française au cours des années 1680 (Lalou et Boleda 1988).
En théorie, les seigneurs fournissaient annuellement à l’intendant les chiffres qui lui servaient à dresser son recensement à l’intention des autorités métropolitaines. Or l’exercice connaissait parfois des ratés. Une lettre des intendants Raudot, père et fils, confirme qu’en 1709 la collecte des données rebutait certains seigneurs qui ne se pliaient à cette consigne qu’avec répugnance (BAC 1709 : 304-304v ; Frégault 1970 : 34). Malgré les rappels à l’ordre du ministère de la Marine qui espérait voir ce type de recensement s’effectuer annuellement, il semble que la négligence ait souvent prévalu. Voilà qui pourrait expliquer que seuls vingt-six recensements couvrant la période de 1685 à 1739 soient parvenus jusqu’à nous (Lalou et Boleda 1988 : 50, 67).
Les démographes R. Lalou et M. Boleda ont évalué à près de 11,6 % en moyenne le taux de sous-enregistrement de la population coloniale dans ces recensements (67-68). Le calcul d’un tel taux resterait d’ailleurs à faire pour la population autochtone. Pour leur part, Dickinson et Grabowski soupçonnent que le dénombrement des Amérindiens souffrirait encore davantage de cette tare (Dickinson et Grabowski 1993 : 55 ; Dickinson 1996 : 15). Mais, contrairement aux recensements de la population coloniale jugée sédentaire, le décompte des groupes autochtones, beaucoup plus affectés par la mobilité, revenait aux missionnaires qui, mieux que quiconque, connaissaient ces populations déjà converties au catholicisme. S’ils le jugeaient pertinent, les prêtres pouvaient soit comptabiliser les absences au sein de la population d’un village, soit répartir les individus par strates d’âges selon diverses catégories, telles que l’état de la gent féminine, partagées entre enfants, filles et femmes, ou encore de la fin de la petite enfance et l’entrée dans la prépuberté que ritualisait alors l’étape de la première communion vers l’âge de 12 ans (Lebrun 1975: 137-138). Malgré ces lacunes et l’absence occasionnelle de certains groupes dans un recensement donné, les chiffres « officiels » tirés de ces états des lieux demeurent d’une grande richesse pour l’historien démographe. Leur étalement sur plusieurs décennies offre un regard inédit sur la composition et l’évolution de ces communautés amérindiennes.
Parmi les vingt-six recensements du Canada dont il est ici question, seulement six d’entre eux tiennent compte de la présence amérindienne par village, soit ceux de 1685, 1688, 1692, 1695, 1698 et 1716. À ces recensements s’en ajoutent encore deux autres réalisés en 1680 et en 1683 qui nous sont parvenus sous forme de fragments où n’apparaît que le grand total de la population amérindienne dénombrée à l’échelle du Canada pour ces années (BAC 1680 : 179 ; 1683). On peut encore considérer un autre document qui ne rapporte que le total de la population amérindienne recensée au Canada en 1686 selon les catégories utilisées dans les recensements, à savoir hommes ; femmes ; grands et petits garçons ; grandes et petites filles (CMRNF 1883(1) : 389-390). Du côté de l’Acadie, seul le recensement de Gargas pour les années 1687-1688 s’apparente à ceux produits au Canada à la même époque (Gargas [1687-1688]). Plus précis que celui de Gargas, les recensements effectués par l’abbé Gaulin en 1708 et 1722 présentent des données extrêmement précieuses. Le recensement de 1708 détaille la composition des populations amérindiennes et françaises de manière nominale (BAC 1722 : 77 ; De Ville 1999), tandis que celui de 1722 ne s’arrête qu’aux catégories usuelles dans les recensements non nominatifs : genre, âge, état, village.
Conclusion
Au terme de cet article dont la préoccupation première consistait à revisiter quelques-uns des fondements méthodologiques pouvant mener à une réévaluation des populations amérindiennes de la Nouvelle-France, en particulier celles du Canada ancien, des postes du Domaine du Roy et de l’Acadie, un premier constat s’impose, celui de l’indispensable herméneutique des chiffres extraits des sources historiques. Si la richesse et la variété de ces dernières sont manifestes, l’abondance des pièges qu’elles tendent au chercheur ne doit en aucun cas être minimisée. Au cours de ces pages, quelques-uns des problèmes inhérents aux journaux de campagne militaires, aux récits de voyage ou de captivité ont été évoqués, tout autant que les difficultés liées à la juste interprétation des chiffres contenus dans la correspondance coloniale et à la logique bureaucratique d’alors qui reproduisait d’un document à l’autre les données statistiques, ou inversement les modifiait de manière à présenter une image plus synthétique de la situation. De même, la question des termes employés par les recenseurs a permis de mettre en lumière toute l’étendue que revêt le mot « homme » dans un contexte colonial de plus en plus militarisé où seul le guerrier finit par compter. En somme, cet exercice de critique externe et interne des sources permettant une reconstitution de la démographie amérindienne à l’époque coloniale exhorte le chercheur à la prudence lorsqu’il s’aventure dans le monde trompeur des chiffres.
Cette première critique des sources disponibles étant accomplie, il nous faut désormais pousser plus loin l’enquête dans un second article afin de toucher aux trois buts que nous nous étions fixés, à savoir : 1) établir la liste des recensements pertinents pour notre objet d’étude – déjà réalisé dans ce présent article ; 2) tester à nouveau le rapport 1/5 pour déterminer la taille d’une population en fonction de son nombre de guerriers en tenant compte des particularités locales que le croisement des sources fait émerger, notamment par le recours à des documents inédits qui permettent des comparaisons supplémentaires de chiffres, opération susceptible de corroborer ou de nuancer les postulats avancés par Dickinson et Grabowski ; 3) offrir aux chercheurs une interprétation des fluctuations démographiques des groupes amérindiens qui évoluent sur le territoire du Canada et de l’Acadie entre 1680 et 1763 dans une perspective territoriale élargie qui permette de mieux appréhender le phénomène de mobilité.
Appendices
Remerciements
Les auteurs remercient le comité de rédaction de Recherches amérindiennes au Québec et les évaluateurs anonymes pour leurs commentaires.
Notes biographiques
Paul-André Dubois est professeur titulaire au département des sciences historiques de l’Université Laval depuis 2004. Ses travaux, qui portent principalement sur l’histoire missionnaire de la Nouvelle-France, réservent une large place à l’histoire de l’écrit dans les sociétés amérindiennes à l’époque coloniale, de même qu’à la musique religieuse des missions catholiques.
Maxime Morin, titulaire d’un doctorat en histoire à l’Université Laval, est chercheur postdoctoral FRQSC au département d’histoire de l’Université du Québec à Montréal depuis 2018. Il s’intéresse à l’histoire coloniale, missionnaire et amérindienne du Canada et de l’Acadie. Les résultats de ses travaux ont été publiés dans les revues Études d’histoire religieuse (2009) et Québec Studies (2015/2016), ainsi que dans les ouvrages collectifs Vivre ensemble, vivre avec les autres (2012) et Mémoire et oubli (2015), tous deux parus aux Presses universitaires du Septentrion, et Les Récollets en Amérique : Traces et mémoire (2018), paru aux Presses de l’Université Laval.
Notes
-
[1]
D’autres groupes nomades comme les Algonquins et les Népissingues viendront grossir la population de certains de ces villages.
-
[2]
Dans cet article, nous utilisons systématiquement les ethnonymes de l’époque afin qu’il n’y ait aucune confusion au regard des documents des xviie et xviiie siècles. Les groupes autochtones pouvaient utiliser d’autres ethnonymes.
Documents d’archives
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