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Dans ce livre de photographies, Louis-Jacques Dorais souhaite raconter la vie à Quaqtaq, village du Nunavik, entre 1960 et 1990. C’est dans cette communauté bordant le détroit d’Hudson que l’anthropologue aujourd’hui émérite a fait ses premiers pas. Avec une double formation en linguistique et en anthropologie, Dorais est connu pour ses travaux sur la langue inuite. L’ouvrage est entamé par une introduction qui fait un survol de l’histoire de la région. Dorais commence son récit en parlant du territoire comme acteur premier de l’histoire, puis aborde le peuplement de l’Arctique canadien et plus précisément de la région de Tuvaaluk (où est situé Quaqtaq). S’ensuivent les premiers contacts avec les Qallunaat, nom en langue inuite pour désigner les non-Inuits et signifiant littéralement « sourcils proéminents ». Marins européens, missionnaires, employés des postes de traite, se succédèrent. Dorais raconte ensuite la sédentarisation de la communauté pour en venir à sa propre arrivée au village en 1965. S’il a d’abord été déçu de découvrir quelques cabanes délabrées, il a vite rencontré des hommes et des femmes aux savoirs nombreux et intéressants. Il reviendra au village à plusieurs reprises dans les années qui suivront. Ces décennies ont été marquées par la sédentarisation du village et par la mise en place d’infrastructures inuites à la suite de la signature de la Convention de la Baie-James en 1975. C’est cette période de changements rapides que Dorais partage en image dans les quatre chapitres suivants.
Le premier chapitre, « La vie au printemps », met l’accent sur la diversité des activités sur le territoire en cette période de réchauffement. Pour la période de mai à mi-juillet, Dorais propose des clichés illustrant la chasse à l’épaulard, le découpage d’un béluga, la pêche au filet sur la banquise, la pêche sur glace près du village, la chasse au phoque et à l’outarde et la cueillette de moules ou de palourdes. Ces photos nous informent également sur les activités connexes à la chasse comme le dégraissage et le séchage des peaux de phoques ou la réparation des traîneaux. Dorais met également de l’avant deux séries de photos du village prises au printemps, l’une entre 1965 et 1968 et l’autre en 1990. Vingt ans plus tard, le village est méconnaissable. La population a triplé et le nombre de maison a augmenté en conséquence. De plus, tous les bâtiments ont été renouvelés.
« La vie en été », deuxième chapitre, présente des images du quotidien alors que la banquise fond et que c’est la saison des déplacements maritimes. En bateau de type Peterhead, en canot à moteur ou en kayak, les Quartamiuts reprennent leurs déplacements sur l’eau. Une série de photos sur une mémorable chasse à l’ours polaire en bateau est d’ailleurs mise de l’avant. La vie sur le rivage est également illustrée. Fabrication de filet, cueillette de petits fruits et montage de tente sont de la partie. C’est également l’occasion pour Dorais de montrer ses clichées de la station météo de Nuvuk qui était située à quelques kilomètre au nord de Quaqtaq (elle a fermé ses portes en 1971). Plusieurs personnes du village venaient y donner un coup de main pour le déchargement du bateau ravitailleur Humphrey Gilbert en échange de quelques vivres.
« La vie en hiver » est un chapitre court mettant de l’avant principalement des photos du village, et spécifiquement de ses bâtiments. Une série de photos a été prise en 1967 et l’autre en 1993. Cette section est également amorcée par des photos des fêtes de fin d’année. Course de chiens de traîneaux, course de motoneiges, danseur de gigue et accordéoniste sont captés par l’appareil photo de l’anthropologue.
Après avoir sillonné le territoire autour de la communauté dans les chapitres précédents, « Habiter au village » propose des clichés plus statiques. Dorais présente d’abord des images du village en construction. Celle qui montre le premier jour de construction des maisons du gouvernement québécois en août 1966 est particulièrement impressionnante. Il choisit ensuite un très grand nombre de portraits de famille et de photos d’individus de la communauté prenant la pause devant leur bâtiment. Un instituteur pose avec sa classe devant l’école. Le père Joseph Meeus, O.M.I., pose devant l’église avec ses paroissiens. Une section de ce chapitre est entièrement réservée à des photos de Quartamiuts à l’extérieur de la communauté, par exemple, des patients atteints de tuberculose au sanatorium de Roberval, ou la traductrice Eva Kileutak-Deer à Montréal.
En 1984 Dorais a publié chez Recherches amérindiennes au Québec un ouvrage intitulé Les Tuvaalummiut. Histoire sociale des Inuit de Quaqtaq. Ce livre, où les photos ne sont que ponctuelles, met de l’avant, en détail, les travaux de l’anthropologue entre 1965 et 1981 dans la communauté de Quaqtaq. Le présent ouvrage n’a pas cette fonction. Dorais l’annonce d’office comme un livre hommage où il souhaite que les habitants actuels de Quaqtaq puissent identifier leurs ancêtres. C’est pourquoi Dorais a traduit les légendes des photos en anglais, en inuktitut en alphabet romain, en inuktitut en alphabet syllabique et en français. Le livre est produit dans son entièreté en deux langues seulement : le français et l’inuktitut en alphabet syllabique. Un hommage réussi où les habitants de Quaqtaq apparaissent comme un peuple détenant beaucoup de savoirs liés au territoire. Un outil qui sera fort utile si les Quartamiuts contemporains souhaitent mettre des visages sur les noms du passé. Loin de la théorie et sans objectif scientifique, cet ouvrage est à la hauteur de ce qu’il annonce : un témoignage du passé en images. Des archives précieuses maintenant accessibles à tous.