Je veux faire part ici de ma réflexion sur l’évaluation dans le cadre des travaux que j’ai menés en collaboration avec l’équipe Design et Culture matérielle (DCM) autour de la problématique identitaire des communautés autochtones. Tous les travaux d’évaluation auxquels je fais référence ci-après, tant ceux réalisés avec le groupe DCM que ceux auxquels j’ai collaboré antérieurement, ont été réalisés dans une approche formative où l’évaluation était considérée comme pouvant apporter une contribution au développement des communautés. En 2008, Élisabeth Kaine et Pierre De Coninck, de l’équipe DCM, me consultent sur le développement d’outils de mesure pour évaluer des projets menés avec des communautés autochtones. Nos échanges entourant l’adaptation d’outils de mesure font ressortir la difficulté d’utiliser des approches classiques avec les communautés autochtones tant pour l’intervention que pour l’évaluation, le regard extérieur et objectif ne faisant qu’ajouter à leur perception d’être objet d’analyse et d’exclusion. L’équipe DCM avait tenté dans les années 2000 plusieurs expériences en vue d’évaluer ses projets. Entre autres, en 2009 après notre première collaboration (voir Kaine, Bellemare et De Coninck 2009), l’équipe met en place une stratégie d’évaluation sur plusieurs jours impliquant toutes les parties prenantes d’un projet de recherche-action mené au Brésil en 2008 (ibid.). Cette expérience a amené les chercheurs DCM à se questionner sur la valeur scientifique des résultats d’une telle démarche évaluative participative. En 2014, j’entreprends une nouvelle collaboration avec l’équipe DCM, cette fois plus en profondeur, sous la supervision de Pierre De Coninck. L’équipe me demande, dans un premier temps, de développer quelques indicateurs simples et applicables par les membres de l’équipe DCM, mais aussi par les acteurs concernés dans les communautés, et dans un deuxième temps de tester la mesure d’un indicateur à partir d’un projet DCM. Pour arriver à répondre à cette demande, j’ai senti le besoin, d’une part, d’agir de façon structurée – cadre conceptuel et cadre logique de l’intervention – pour mieux comprendre l’approche de l’équipe DCM et la manière dont ce groupe opère sur le terrain. J’ai également réfléchi aux liens que je pouvais faire avec mes expériences professionnelles antérieures dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale menée en collaboration avec le monde universitaire et des intervenants engagés sur le terrain. D’ailleurs dans certains projets, des individus issus de communautés autochtones ou vivant des problématiques identitaires étaient visés. Sans vouloir comparer directement la problématique de la pauvreté et de l’exclusion sociale aux problématiques rencontrées au sein des sociétés minoritaires autochtones, notamment celles qui sont associées à la perte d’identité culturelle, je sentais qu’il était possible de faire des rapprochements. Mes échanges avec les praticiens dans les deux champs d’expertise m’amenaient à constater l’existence de visées, d’approches et de questions fondamentales analogues. Tout comme l’équipe DCM, tous les acteurs avec lesquels j’ai collaboré étaient confrontés à la question des effets réels de leurs actions. Faisaient-elles avancer réellement la communauté ? Amélioraient-elles les conditions et la qualité de vie des individus et de la communauté ou d’un territoire ? Ces questions demeuraient souvent sans réponse ou ne trouvaient que des réponses partielles, faute de ressources et d’expertise en évaluation pour faire le point, mais aussi compte tenu de l’impossibilité de réponses claires et absolues devant la complexité de phénomènes aussi réels et insaisissables que sont la pauvreté, l’exclusion sociale et la quête d’identité d’un peuple. Dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, trois expériences professionnelles m’ont permis de faire des rapprochements avec l’équipe DCM : ma collaboration avec la Ville de Montréal pendant plus de dix ans, particulièrement lors du projet pilote de revitalisation urbaine …
Appendices
Médiagraphie
- BEAUDOIN, Raymonde, et Pierre DE CONINCK, 2015 : Évaluation des approches innovantes – Design et culture matérielle (DCM). Proposition de développement de quelques indicateurs. Montréal. [Document interne non publié].
- CREXE (Centre de recherche et d’expertise en évaluation), et ÉNAP (École nationale d’administration publique), 2010 : Évaluation des processus et étude des trajectoires liés à la revitalisation urbaine intégrée (RUI) dans cinq territoires de la ville de Montréal. http://www.crexe.enap.ca/CREXE/Publications/Lists/Publications/Attachments/54/SLIMANI%20DIVAY%202012.pdf (consulté le 27 juillet 2018).
- Communagir, 2015 : Regard sur les Alliances pour la Solidarité – Portrait de cinq régions du Québec. Montréal. [Document interne non publié].
- Deci, E.L., et R.M. Ryan, 2008 : « Facilitating Optimal Motivation and Psychological Well-Being Across Life’s Domains ». Canadian Psychology 49(1) : 14-23.
- FRQSC (Fonds de recherche québécois sur la société et la culture), 2011 : Action concertée Programme de recherche sur la pauvreté et l’exclusion sociale. Phase 2, proposé par le MESS, le MESSS, la SHQ et le FRQSC. Gouvernement du Québec.
- KAINE, Élisabeth, Denis BELLEMARE et Pierre De Coninck, 2009 : Reconnaître, valoriser et transmettre la culture guaranie : évaluation de la Mission ACDI 2008. CRSH Fonds d’initiatives internationales.
- KUBISCH, Anne C., et al., 2010 : Voices from the Field III: Lessons and Challenges from Two Decades of Community Change Efforts. Aspen Institute, Washington, D.C.
- LESEMANN, Frédéric, et al., 2014 : Le rôle de la concertation intersectorielle, de la participation citoyenne et de l’action collective pour soutenir le développement des communautés et la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Une approche régionale et nationale comparative. Rapport de recherche déposé au FQRSC-Action concertée « Pauvreté et exclusion phase 2 », INRS-UQO avec la collaboration du CRSA.
- MESS (Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale), 2010 : Plan d’action gouvernemental pour la solidarité et l’inclusion sociale (PAGSIS) 2010-2015. Le Québec mobilisé contre la pauvreté. Gouvernement du Québec.
- MORASSE, Carl, 2016 : Indian Time. Chicoutimi, production La Boîte Rouge VIF, 87 min.