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Le destin extraordinaire de la Collection Alphonse PinartDes objets catalyseurs d’un partenariat international[Record]

  • Marie Mauzé and
  • Joëlle Rostkowski

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  • Marie Mauzé
    CNRS, Paris

  • Joëlle Rostkowski
    UNESCO/EHESS, Paris

Le 25 juin 2016 eut lieu à la Mairie de Boulogne-sur-Mer une cérémonie exceptionnelle qui marquait l’importance des liens de partenariat établis depuis une dizaine d’années entre le Château-Musée, détenteur d’une collection unique de masques collectés par l’explorateur Alphonse Pinart (1852-1911), et les Alutiiqs (Sugpiat) de l’île de Kodiak (Alaska). À cette occasion, l’un des acteurs-clés de ce rapprochement, le sculpteur Perry Eaton, a été nommé « Citoyen d’honneur » de la ville par le maire Frédéric Cuvillier. Ce dernier a salué l’engagement d’un représentant engagé des Alutiiqs, qui s’est attaché à faire reconnaître tant la culture traditionnelle que son renouveau à travers la vitalité de sa créativité artistique. Le maire a souligné que Perry Eaton a consacré « [sa] vie à la défense et à la mise en valeur des identités culturelles de l’Alaska ». Simultanément était inaugurée au Château-Musée l’exposition Alaska. Passé/présent, qui marquait le dixième anniversaire de ce partenariat né en 2006 (voir Ramio 2016). L’événement était principalement axé sur la présentation, aux côtés de pièces anciennes, d’une collection d’oeuvres contemporaines offertes au musée par des artistes autochtones d’Alaska. Un colloque sur ce thème était organisé à Boulogne et à Paris, à l’Institut national d’histoire de l’art (INHA). Il réunissait des artistes, des chercheurs et des conservateurs de plusieurs musées européens. En 1871, le jeune explorateur et linguiste Alphonse Pinart, né à Marquise, près de Boulogne-sur-Mer, décide de partir en Alaska afin d’y étudier les langues et de prouver que les autochtones d’Amérique sont originaires d’Asie. Au cours de l’Exposition universelle de 1867, alors âgé de 15 ans, il avait rencontré l’abbé Brasseur de Bourbourg qui l’avait encouragé à étudier les langues amérindiennes. Parlant couramment le russe, il voulait se rendre en Alaska, territoire vendu aux Américains par les Russes en 1867. Arrivé dans l’archipel des Aléoutiennes en provenance de San Francisco, il rejoint deux mois plus tard en kayak l’île de Kodiak. Il y séjourne de novembre 1871 à mai 1872, période au cours de laquelle il explore les îles d’Afognak et de Chouiak. Il collecte des données ethnologiques et linguistiques ainsi que des objets. En 1875, il offre à la ville de Boulogne-sur-Mer sa remarquable collection, dont huit masques trouvés lors de fouilles dans la caverne funéraire d’Aknank sur l’île d’Unga (Aléoutes) ainsi qu’une soixantaine de masques de l’archipel de Kodiak. L’usage de ces masques, autrefois associés aux rituels des chasseurs alutiiqs, était tombé en désuétude – il était même découragé par le pouvoir colonial qui souhaitait bannir les pratiques cérémonielles traditionnelles. Pinart est très bien accueilli à son retour en France. En 1872, le Muséum national d’histoire naturelle de Paris expose l’ensemble des objets qu’il a collectés (266 objets aléoutes et alutiiqs). Il obtient la médaille d’or de la Société de géographie en 1873 et fait de nombreuses conférences. Il publie des notes de terrain dans les bulletins de la Société de géographie et de la Société d’anthropologie. Après un voyage en Russie dont il rapporte de nombreux documents, en 1874, il retourne en Amérique du Nord en 1875-1876 et visite notamment le sud-ouest des États-Unis et la Californie. Il ira jusqu’en Colombie-Britannique, mais ne parviendra pas à financer une nouvelle mission en Alaska. D’autres voyages le conduisent au Mexique, aux Antilles et en Océanie. Son oeuvre de pionnier a été reconnue depuis lors, même si d’aucuns, notamment l’archéologue américain William Dall de la Smithsonian Institution, ont qualifié ses méthodes de terrain « de peu rigoureuses » (Salabelle 2001 : 103). Quel a été le destin de la collection Pinart ? Un autre Boulonnais, Ernest Hamy (1842-1908), fondateur du musée d’ethnographie du Trocadéro …

Appendices