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Comme le sous-titre l’indique, nous sommes en présence d’un livre d’art, un livre sur un sculpteur inuit, Ruben Komangapik. Volume de photos d’abord, et c’est l’épouse de l’artiste, Estelle Marcoux-Komangapik qui a conçu cette publication et illustré cet ensemble d’environ une trentaine de sculptures.
Le communiqué de presse présente l’artiste comme un bijoutier, performeur et musicien, en plus d’être évidemment tailleur sur pierre, os et andouiller. Étonnamment, rien n’explique le titre principal, Isuma, à l’intérieur du livre ou dans le communiqué de presse de l’éditeur. C’est par courriel à la maison de publication vouée à la culture traditionnelle du Nunavut (qui a pignon sur rue à Iqaluit et, au sud, à Toronto) que l’on m’a informé : Isuma signifie approximativement « pensée créative », en inuktitut…
Le livre est divisé en huit parties, titrées en anglais et en alphabet syllabique – en inuktitut, je présume. Les textes associés aux divers groupes de sculptures n'apparaissent qu'en anglais, question économie d’espace probablement. Le chapitre d’introduction présente une brève ascendance de Ruben Komangapik et situe son lieu de naissance, Mittimatalik ou Pond Inlet, au nord de l’île de Baffin. Né d’une mère d’origine allemande et d’un père détenteur d’un vif esprit aventurier – un de ses ancêtres aurait dirigé un périple jusqu’au Groenland, d’où seulement quelques-uns revinrent – ses deux parents décèdent prématurément. L’artiste, orphelin, sera initié à la sculpture, au mode de vie et aux légendes inuits par son grand-père paternel, habile artisan et chamane reconnu de ses pairs. En 1993, Ruben s’est inscrit au programme du Nunavut Arctic College en bijouterie et métaux d’art. Aujourd’hui, certaines de ses pièces font partie des collections des musées du Québec et du pays.
Les autres parties du livre sont essentiellement des reproductions d’oeuvres, souvent prises sous différents angles. Les rapports à la chasse et aux animaux dans la culture inuite, ainsi que des résumés de légendes, viennent en préambule aux oeuvres qui illustrent ces thèmes, toujours évoqués sous forme de capsules d’introduction, très succinctes.
Par ailleurs, la facture du livre est impeccable : couverture et pages glacées, qualité du papier, couleurs denses, typographie aérée, etc. Les reproductions photographiques, en plus de mettre en valeur les oeuvres, révèlent une foison de détails par des plans très rapprochés d’éléments souvent miniatures. L’utilisation d’éclairages obliques nous fait pénétrer au coeur des matières et textures propres à chacun des matériaux employés : ivoire de narval et de morse, os de baleine, andouillers et pierre serpentine. La plupart des objets sont dans la gamme des crèmes, des gris et des ocres. Il en ressort une impression de grande clarté, mais aussi de chaleur, grâce à la proximité de la macrophotographie sans doute, oeuvre d’Estelle Marcoux-Komangapik, l'épouse de l'artiste. Un couple dont les talents mutuels se conjuguent !
Enfin, il s’agit d’un bel ouvrage sur un jeune artiste de talent, publié par des éditeurs du Nunavut à encourager.