Note de recherchePortrait de la famille Paquet-Launière[Record]

  • Laurence Johnson

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Au début des années 2000, j’ai ­réalisé plusieurs mandats de recherches historiques pour la Première nation malécite de Viger (PNMV). Le conseil de bande désirait documenter certains aspects de l’histoire de la nation malécite dans l’optique de présenter des revendications, tant particulières que globales, au gouvernement du Canada. Entre 2002 et 2004, l’un des mandats qui me fut confié était de ­réaliser une enquête orale auprès des aînés. Une dizaine de chroniques familiales ont été rédigées à la suite de l’enquête. Je présente ici le récit de la vie d’Annie-Rose Paquet, doublé d’informations historiques sur sa famille. J’ai choisi ce récit car il m’apparaît être le plus intéressant, rendant compte de la dernière famille des Malécites de Viger qui pratiquait la vente d’artisanat et apportant un témoignage distinctif concernant l’identité de mon informatrice. Âgée aujourd’hui de 92 ans, elle a vécu son enfance à Rivière-du-Loup avant de quitter le Bas-Saint-Laurent pour Montréal. Elle est la mère de l’actuelle Grand Chef, Anne Archambault. En préambule, il est cependant utile de rappeler les origines des Malécites de Viger et de présenter brièvement les objectifs que visait l’enquête orale. En 1826, Louis et Joseph Thomas-Saint-Aubin présentent une pétition au gouverneur général du Bas-Canada en vue de l’obtention d’une concession de terre pour leur groupe, constitué d’une centaine d’individus, principalement des Malécites. Les autorités britanniques étaient alors soucieuses de prévenir des conflits entre autochtones et colons eurocanadiens et étaient influencées par un courant de pensée qui faisait la promotion de la protection et de la civilisation des Amérindiens. L’établissement de L’Isle-Verte fut conçu pour expérimenter un programme visant la sédentarisation et l’acculturation des autochtones (Johnson 1996 : 80 ; Leslie 1985 : 14-16). Après l’Union du Bas-Canada et du Haut-Canada en 1841, une loi fut adoptée, en 1851, réservant des terres à l’usage des Amérindiens. L’établissement des Malécites fut inclus dans le partage des 230 000 acres réservées, devenant la réserve de Viger, ainsi nommée parce que l’établissement était situé dans le canton de Viger, derrière la seigneurie de L’Isle-Verte (Fortin et Frenette 1989 : 34). Le lieu choisi pour cet établissement n’avait cependant pas été dû au hasard. En effet, la réserve de Viger se retrouve au coeur du territoire ancestral des Malécites, à proximité des routes de portage vers la rivière Saint-Jean et près des marchés de la vallée du Saint-Laurent. Son emplacement donne également accès aux places touristiques de cette région, où ils peuvent vendre le produit de leur artisanat (Johnson 1995 : 77-78). Plutôt qu'un lieu de résidence permanent, la réserve de Viger est un point d'attache d'où les Malécites se dispersent pour leurs diverses activités. L’été, ils y pratiquent une agriculture de subsistance, et l'hiver, ils l'utilisent comme campement de base, partant en différents lieux pour la chasse et le piégeage, un peu à l’image de leur mode de vie ancestral. La forêt y constitue une réserve de bois de construction, de chauffage et de matériel pour la fabrication d’artisanat (Johnson 1995 : 91-95). À partir de 1860, la population eurocanadienne environnante de la réserve exerce de plus en plus de pressions sur les Malécites et sur les autorités afin d’obtenir la rétrocession de la réserve. Le territoire de Viger nuirait à la colonisation, ses terres seraient bien mieux mises en valeur par des colons. Dans des circonstances troubles, où l’influence des notables régionaux (notamment les trois frères Langevin – respectivement évêque de Rimouski, vicaire général de Rimouski et Secrétaire d’État du Canada aux « Affaires des sauvages ») joue un rôle crucial et où la consultation des membres du groupe est lacunaire, la vente de la réserve …

Appendices