Abstracts
Résumé
Cet article vise à démontrer que les projets de développement économique caractérisés par un partenariat entre autochtones et non-autochtones qui voient le jour actuellement au Québec n’ont rien de nouveau lorsqu’ils sont situés dans une perspective historique. En effet, ils s’inscrivent dans une dynamique de partenariat qui remonte aux premiers contacts et qui n’a été interrompue que durant quelques décennies au mitan du xxe siècle, dans le sillon de la Grande Dépression. Après avoir brossé un portrait de la participation des autochtones dans l’économie nationale jusque dans les années 1920, il sera question de l’impact de la Grande Dépression sur les différentes économies autochtones de la province et des facteurs qui ont contribué, par la suite, à marginaliser ces derniers sur le plan économique.
Abstract
This paper intends to demonstrate that the current joint projects in economic development between Native peoples and the Québec society are not as original as they are often presented. In a historical perspective, they are only the last manifestation of a pattern of collaboration which goes back to the early days of the contact and was only interrupted for a short period following the Great Depression. First, the form of Native participation in the Québec economy until the 1920’s will be presented, followed by a discussion about the impact of the Great Depression on the different Native economies in the province and about the factors responsible for the subsequent economic marginalization of the province’s Native peoples.
Article body
La recherche et la mise en oeuvre de partenariats avec les non-autochtones sont des aspects qui caractérisent actuellement les stratégies de développement économique en milieu autochtone au Québec. À titre d’exemple, le Grand Chef du Conseil des Cris, Ted Moses, affirmait dans le sillon de la signature de la Paix des Braves en 2002 :
Aujourd’hui, nous pouvons enfin tourner la page et porter notre attention, notre énergie et notre imagination sur notre effort commun, dans un véritable esprit de collaboration avec le Québec, en vue de planifier un avenir qui tienne compte de tous les Québécois, y compris les Cris. (Québec 2002a)
À la suite de la signature de l’entente Sanarrutik, le président de la Société Makivik, Pita Aatami, affirmait à son tour : « Nous [les Inuits] commençons à travailler en partenaires [avec le Québec] » (Québec 2002b). C’est aussi le discours officiel tenu par le gouvernement québécois, qui reprend à profusion, dans ses documents officiels et ses brochures de vulgarisation, les formules du type « réels partenaires face au défi à relever », « vision commune du développement », « collaboration dans le développement », « avenir commun de prospérité et de collaboration ». Cette dynamique de collaboration, présentée par les principaux acteurs et perçue par la population en général comme une sorte de nouveauté, ne constitue pourtant rien de moins qu’une sorte de tradition.
En effet, l’historiographique semble avoir conditionné des générations de Québécois à concevoir le passé économique des autochtones et celui des non-autochtones de la province comme deux réalités parallèles. Certes, nous savons bien que, dès le xvie siècle, autochtones et colonisateurs européens ont participé conjointement au commerce des fourrures. Néanmoins, cela n’a pas surpassé, en termes de traitement historiographique et d’impact sur l’imaginaire collectif, les guerres coloniales qui ont opposé les Français aux Iroquois, alliés des Anglais. Au point où, dans l’histoire providentialiste du Canada français qui prévalait dans la seconde moitié du xixe siècle, tout comme dans celle davantage nationaliste de la première moitié du xxe siècle, les autochtones, y compris à certains égards les nations alliées, ont surtout été présentés comme des obstacles, sinon comme une menace à la création et à l’épanouissement d’une colonie française et catholique en Amérique (Smith 1974 ; Groulx 1998). Puis, avec la fin des guerres iroquoises et le déclin du commerce des fourrures à compter du xviiie siècle, l’historiographie nationale a surtout retenu la manière dont les Canadiens ont tracé leur propre chemin en développant une économie moderne et prospère – d’abord agricole et forestière, et ensuite industrielle –, tout en laissant entendre, implicitement, que les autochtones avaient quant à eux pris le chemin des réserves et sombré dans une logique de dépendance envers le tuteur fédéral. Pourtant, les autochtones du Québec ont bel et bien eu une histoire économique après le xviie siècle, une histoire complexe, en général très loin d’une absolue dépendance envers l’État, et nettement marquée au sceau du partenariat, entendu ici au sens large d’une participation conjointe à l’intérieur de mêmes secteurs d’activité.
De même, cet article vise à démontrer que les projets de développement économique caractérisés par un partenariat autochtones/non-autochtones qui voient le jour actuellement au Québec, lorsqu’ils sont situés dans une perspective de longue durée, n’ont rien de trop révolutionnaire en matière de collaboration et s’inscrivent dans une dynamique partenariale qui remonte aux premiers contacts et qui n’aura été interrompue, en tout et pour tout, que durant quelques décennies, au mitan du xxe siècle, dans le sillon de la Grande Dépression. Ainsi, il s’agira de montrer, dans un premier temps, la forme que cette tradition de partenariat prenait dans les décennies qui ont précédé la crise des années trente, pour ensuite analyser les circonstances qui, au milieu du dernier siècle, ont sérieusement entravé la capacité de nombreuses collectivités autochtones de la province à non seulement collaborer, mais à rivaliser d’un point de vue économique au sein de la société nationale.
Vieux partenariat, nouvelles formes (1867-1929)
L’histoire du commerce des fourrures dans l’est du Canada aux xviie et xviiie siècles, de même que la nature des rapports étroits entretenus par les autochtones et les non-autochtones dans le cadre de celui-ci, est aujourd’hui bien documentée, de sorte qu’il n’est pas utile ici d’y revenir pour prouver l’ancienneté du partenariat économique entre les deux groupes. Par contre, l’histoire économique des autochtones du Québec durant la période qui suit le déclin du commerce des fourrures est beaucoup moins connue. Aussi convient-il d’abord de brosser un portrait sommaire des stratégies de développement mises en oeuvre par les communautés autochtones de la province au lendemain de la Confédération, soit à une époque où les impératifs de la cohabitation ont souvent nécessité des réorientations économiques significatives chez ces dernières. Toutefois, comme on le verra, ces réorientations n’ont pas été effectuées uniquement en réaction aux priorités de la société nationale, mais aussi de concert avec celle-ci.
L’option du travail salarié
Vers 1867, la majorité des hommes au sein des communautés iroquoises de la région de Montréal gagnaient déjà leur vie en pratiquant une panoplie d’emplois salariés allant du transport de marchandises pour le compte des commerçants de fourrures à la coupe du bois, en passant par la navigation dans les rapides du Saint-Laurent et le travail de journaliers dans les fermes des villages environnants. À Caughnawaga plus particulièrement, ceux qui disposaient de terres préféraient souvent les faire cultiver par des Canadiens pendant qu’ils travaillaient dans les usines de Lachine, dans la construction de chemins de fer, dans l’extraction de pierres dans la carrière de la réserve ou encore dans la vente de remèdes traditionnels à l’extérieur de la province (ARDIA 1876, I : 18 ; 1884 : 20 ; 1905 : 46 ; 1897 : 44 ; Devine 1922 : 410). À la même époque, les femmes iroquoises généraient leur part de revenus en fabriquant des produits d’artisanat vendus en majeure partie aux États-Unis ; au dire de l’ethnologue Peck, ces articles se distinguaient de l’artisanat traditionnel par leur piètre qualité (Peck 1935 : 99), ce qui laisse à penser que l’on se trouvait là devant une production davantage de nature industrielle. Résumant la situation économique à Caughnawaga en 1904, l’agent des Affaires indiennes rapportait que « toutes [leurs activités économiques] leur procurent d’assez bons revenus et rendent leur vie prospère » (ARDIA 1904 : 48). Un constat relativement semblable était brossé pour Saint-Régis (ARDIA 1892 : 28), alors que la situation matérielle des Iroquois du Lac des Deux-Montagnes, par contre, paraissait nettement moins enviable (Beers 1878 ; ARDIA 1905 : 48, 1906 : 44).
Puis, dans les premières décennies du xxe siècle, la plupart des hommes iroquois se sont tournés cette fois-ci vers le lucratif domaine de la construction d’édifices et de ponts en hauteur. Déjà en 1907, près d’un homme adulte sur cinq à Caughnawaga se présentait comme un travailleur de l’acier et, sept ans plus tard, c’était neuf hommes sur dix qui faisaient de même (Katzer 1988 : 41-43). Accompagnés de leur famille, ces travailleurs iroquois quittaient désormais leur village à destination des grandes villes des États-Unis pour ne revenir que durant l’été et parfois même après quelques années. Si, comme cela a été souligné, le travail dans ce domaine pouvait s’avérer une source de prestige social au sein des communautés iroquoises, il n’en demeurait pas moins à la base une source de revenus plus qu’appréciable, d’autant plus qu’en raison de leur expertise particulière, les travailleurs iroquois arrivaient facilement à négocier des conditions salariales avantageuses (Blanchard 1983 : 44). Ainsi, dès la seconde moitié du xixe siècle, les Iroquois avaient résolument opté pour une économie basée sur le travail salarié qui, si elle avait l’avantage d’offrir une plus grande liberté lorsque venait le temps de choisir un lien d’emploi, n’avait pas moins pour inconvénient de mettre ces derniers à la merci des cycles économiques. Dès lors, autant les périodes de ralentissement économique ont affecté les travailleurs iroquois et entraîné des difficultés sur le plan de la subsistance (ARDIA 1880 : 30), autant les périodes de prospérité ont généré chez ces derniers des revenus plus que substantiels (ARDIA 1881 : 25-26, 1882 : 12).
Du côté de la péninsule gaspésienne, les lois sur la pêche votées par le gouvernement provincial dans la seconde moitié du xixe siècle, tout comme la création à la même époque des clubs de pêche privés, avaient largement contribué à gêner les Micmacs dans leur récolte de saumons qui, pourtant, se trouvait au coeur de leur stratégie de subsistance. En réponse à cette nouvelle réalité, plusieurs chefs de famille ont alors choisi de s’enrôler comme travailleurs forestiers « où ils peuvent exiger de bons salaires en raison de leur talent » (ARDIA 1897 : 48), ou encore, paradoxalement, comme guides au service des pêcheurs de saumon canadiens et américains (Parenteau 1998). Et lorsque que la Chaleur Bay Mills construisit une scierie dans les limites de la réserve de Restigouche en 1902, plusieurs Micmacs abandonnèrent la coupe du bois et le guidage pour des emplois au moulin ; cinq ans après son ouverture, celui-ci employait pas moins de trois cents ouvriers micmacs et canadiens, ce qui explique qu’encore dans les années 1960, la tradition orale micmaque rapportait que « L’“époque du moulin” a été une période de relative prospérité et de plein emploi » (Bock 1964 : 146) : « Vous ne pouviez pas passer près du lumberyard sans que quelqu’un vous demande si vous vouliez un emploi ! » (Bock 1966a : 22). Sans compter que les Micmacs pouvait aussi trouver facilement du travail durant l’été à Campbellton (ARDIA 1890, 2 : 34). Quant aux Micmacs de Maria, ils affichaient à la même époque une économie de subsistance relativement diversifiée (ARDIA 1912 : 51) et, à l’aube des années 1930, 77 % de leurs revenus provenaient d’emplois salariés (ARDIA 1930 : 62 ; au sujet des Micmacs de Gaspé, voir Martijn 1986a : 192, 1986b : 207).
L’option de l’artisanat commercial
En raison de la colonisation, de la diminution des ressources fauniques, des restrictions imposées par les lois provinciales sur la chasse de même que de la création des clubs de chasse et pêche privés qui avaient largement entravé leur capacité à pratiquer la chasse au gros gibier et les piégeage des animaux à fourrure productifs, les Hurons et les Abénaquis avaient dû à leur tour modifier leur économie de subsistance dans la seconde moitié du xixe siècle. Certes, des chefs de famille abénaquis ont bien tenté de perpétuer la chasse et le piégeage en allant vivre parmi les autochtones du Lac Saint-Jean en vue d’acquérir éventuellement de nouveaux territoires de chasse, ou encore en exploitant les secteurs de chasse laissés vacants par d’autres chasseurs sur la rive nord du fleuve (Speck 1928 : 176 ; Gélinas 2003), mais tout comme pour les Hurons, il devenait évident que leur avenir économique allait devoir passer par d’autres stratégies de subsistance. Or, sur ce plan, c’est le domaine de l’artisanat commercial qui allait constituer l’option économique la plus valorisée, à la fois parce que moins exigeant que la chasse à bien des égards (Hallowell et Day, n.d. : 17), et parce qu’il générait des revenus importants. À Lorette, une véritable production de type industriel s’est ainsi mise en branle dans les dernières décennies du xixe siècle, comme le rapportait Léon Gérin :
Je me rends compte que ces habitations huronnes sont autant d’ateliers de travail, de foyers de travailleurs exécutant diverses tâches et fabriquant divers objets, soit à leur compte particulier, soit pour le bénéfice d’un patron qui fournit la matière première et paie la main-d’oeuvre à la journée ou à la pièce. (Gérin 1901 : 349)
Environ 140 000 paires de mocassins et 7000 paires de raquettes étaient ainsi fabriquées annuellement dans le village, et la majeure partie était vendue à Québec, dans les centres de villégiature tels que La Malbaie et Rivière-du-Loup, ainsi que dans plusieurs grandes villes canadiennes et américaines (ARDIA 1892 : 31, 1899 : 45 ; Gérin 1901 : 335, 350). Au cours des années 1880 et 1890, et malgré une baisse de la demande pour ce type de produits sur les marchés, ce secteur d’activité, combiné au piégeage, rapportait tout de même aux alentours de 60 000 à 75 000 $ annuellement dans la communauté de Lorette (ARDIA 1899 : 45).
Chez les Abénaquis de Saint-François et de Bécancour, l’industrie de l’artisanat occupait là aussi une majorité d’individus, et ce autant sur le plan de la fabrication que de la vente puisqu’une grande partie la production était écoulée aux États-Unis où plusieurs familles allaient séjourner durant l’été (ARDIA 1877 : 22 ; Nash 2002 : 28-29). Selon l’agent des Affaires indiennes en poste à Saint-François en 1890, les articles se vendaient facilement et rapportaient beaucoup (ARDIA 1891 : 23) ; en effet, durant les années 1920, la seule vente de paniers d’osier aurait rapporté annuellement jusqu’à 250 000 $ à la communauté de Saint-François qui ne comptait pas plus de 250 à 300 personnes à cette époque (Hayward 1922 : 313). C’était l’équivalent d’un peu plus de 4000 $ à 5000 $ par famille de cinq individus, un revenu fort appréciable, considérant qu’en 1928 plus d’un travailleur manufacturier canadien sur deux gagnait moins de 1000 $ par année (Linteau et al. 1989 : 67). Bien sûr, autant à Lorette que dans les villages abénaquis, cette industrie était contrôlée par une poignée d’individus, dont Maurice Bastien à Lorette et Joseph Laurent à Saint-François, mais il y a lieu de croire, à la lumière des conditions matérielles qui prévalaient alors dans les communautés que la prospérité des entrepreneurs profitait finalement à tout le monde, soit en vertu des emplois créés ou par la redistribution de la richesse à travers les réseaux étendus de parenté (ANC 1919 : 14). Voilà sans doute ce qui explique cette observation faite par Gérin en 1899 : « Pendant mon séjour à Lorette [en 1899], j’eus l’occasion de prendre un repas chez une des familles huronnes les plus pauvres de la réserve, et je me rappelle encore avec plaisir le savoureux goûter de bon pain, et de bon beurre, de lait, de crème et de confitures, qui me fut servi dans de la faïence ou de la verrerie bien nette, sur du linge bien blanc. » (Gérin 1902 : 332) Pour sa part, l’agent des Affaires indiennes à Saint-François rapportait ceci :
[…] tout indique que les revenus générés cette année par cette industrie seront plus élevés que ceux de l’année dernière, du fait que l’élection présidentielle de l’an passé a beaucoup perturbé leur commerce. [...] Cette année des progrès remarquables ont été faits dans le village des Abénaquis ; plusieurs nouvelles maisons ont été érigées, d’autres ont été l’objet de réparations importantes, de sorte que le village offre un visage animé et semble en mesure de rivaliser avec plusieurs villages canadiens-français. (ARDIA 1898 : 40)
Certes, à l’instar du travail salarié, la rentabilité de l’artisanat commercial était liée à la vitalité des marchés et à la nature de la concurrence non autochtone dans le même secteur (ANC 1926 ; ARDIA 1889 : 28 ; 1906 : 38), mais il semble que ces facteurs aient rarement entraîné des situations difficiles dans les communautés huronne et abénaquises avant les années 1930.
Ainsi, durant la période qui s’étend de la Confédération à la Grande Crise, les diverses communautés autochtones de la vallée laurentienne et de la péninsule gaspésienne ont opté pour des stratégies économiques résolument axées sur une participation de plain-pied dans l’économie nationale, voire nord-américaine, et donc dans une certaine dynamique de partenariat avec les non-autochtones. Cela a fait que, comme l’avait souligné Duncan Campbell Scott en 1913, le portrait socio-économique qui prévalait au sein de ces populations autochtones se trouva relativement semblable à celui qui caractérisait le reste de la population du Québec :
[Au Québec] nous constatons qu’en dépit de leurs débuts misérables et de tous les dangers qui les entourent, plusieurs de ces bandes ont progressé jusqu’à ce que leur vie sociale et civile s’apparente intimement à celle de leurs voisins blancs. Les Indiens les plus pauvres ou en retard ne sont pas en pire situation que les pauvres qui dépendent de la charité des villages et des villes, tandis que ceux qui sont au sommet de l’échelle sociale indienne jouissent du même niveau de confort assuré que celui des travailleurs blancs et des petits cultivateurs. Au-dessus de ces deux classes s’en trouve une autre au sein de la population indienne, encore modeste mais en croissance, à savoir la classe des Indiens instruits, entrepreneurs et ambitieux qui sans contredit font partie intégrante de la société nationale. (Scott 1913 : 622[2])
L’économie des fourrures
Chez les Inuits, les Cris et les Montagnais de la Basse-Côte-Nord, la chasse au gros gibier et le piégeage des animaux à fourrure sont demeurés les principales activités de subsistance autour desquelles s’articulait leur cycle annuel au lendemain de la Confédération. La présence eurocanadienne étant alors limitée sur leurs territoires d’occupation et d’exploitation, c’est essentiellement avec les commerçants de fourrures que les populations autochtones entretenaient des rapports économiques. Dès lors, leur capacité à combler leurs besoins de subsistance dépendait encore essentiellement de la disponibilité des ressources fauniques (voir notamment Henriksen 1973 : 12-13 ; Morantz 1987 : 209-227 ; 2002 : 101-102 ; Saladin d’Anglure 1984 : 501-502).
Par contre, en raison de la montée du front de colonisation par l’entremise de l’exploitation forestière, de l’aménagement des bassins hydrographiques et de la création des clubs de chasse et pêche privés dans les dernières décennies du xixe siècle, la situation économique des populations algonquiennes du Moyen-Nord s’avérait plus complexe, Même si leur vie consistait encore à chasser en forêt de l’automne jusqu’au printemps, l’accès aux ressources fauniques devenait plus difficile, et ce, autant sur le plan de la chasse de subsistance que sur celui du piégeage à des fins commerciales. Aussi, pour espérer combler les besoins alimentaires et matériels, il devenait impératif de trouver de nouvelles avenues économiques, particulièrement durant la saison estivale alors qu’il devenait de plus en plus ardu de se procurer de la nourriture et des vêtements à crédit dans les postes de traite. Certes, quelques communautés (Maniwaki, Témiscamingue, Manouane, Pointe-Bleue) ont mis plus d’emphase sur l’agriculture (ARDIA 1884 : 24 ; 1892 : 30-31), mais, au mieux, leurs efforts ont débouché sur une production modeste, surtout en raison des conditions climatiques souvent peu favorables. Une fois de plus, c’est le travail salarié qui allait s’avérer la meilleure option tantôt sous la forme d’embauches ponctuelles pour la construction de routes et de chemins de fer (ARDIA 1882 : 15) ou pour le guidage des touristes sportifs et des prospecteurs miniers (ARDIA 1889 : 26 ; 1892 : 29 ; 1894 : 33 ; 1901: 48 ; 1907 : 47 ; Moore 1982 : 142), ou encore d’emplois plus récurrents dans le domaine de l’exploitation forestière qui, à l’époque, offrait des salaires avantageux (ARDIA 1880 : 36 ; 1882 : 18 ; 1883 : 19 ; 1884 : 26 ; 1890, 1 : 35 ; 1895 : 34 ; 1901 : 47). Au dire de Kermot Moore, dans l’Outaouais :
Durant ces trente premières années du [xxe] siècle, les autochtones ont constitué l’essentiel de la force de travail pour les compagnies. […] Ils travaillaient comme contremaîtres, bûcherons, opérateurs de treuil, limiers, conducteurs, navigateurs, draveurs, hommes de camp, cruisers, constructeurs de barrage, teamsters, forgerons et journaliers. Certains des hommes continuaient d’exploiter les fermes des compagnies une fois que celles-ci avaient quitté. (Moore 1982 : 106)
Parallèlement, l’artisanat commercial constituait une autre source de revenus, que ce soit par la fabrication de canots pour les clubs de pêche ou par la confection de mocassins et des mitaines destinées aux travailleurs forestiers (ARDIA 1877 : 25 ; 1911 : 51).
Toutefois, à compter des années 1890, la demande accrue pour les fourrures sur les marchés internationaux de même que la concurrence des petits commerçants toujours plus nombreux dans la région du Moyen-Nord ont entraîné une hausse des prix offerts aux chasseurs algonquiens pour leurs fourrures, ce qui a grandement contribué à améliorer leurs conditions de vie matérielles (ARDIA 1891 : xxii ; 1895 : 32 ; 1901: 58 ; 1905 : 51 ; 1907 : 40). Autrement dit, en dépit du fait qu’ils avaient désormais moins de fourrures à fournir aux commerçants, celles-ci leur rapportaient néanmoins plus d’argent qu’auparavant, comme l’avait d’ailleurs constaté l’agent Tessier des Affaires indiennes à Weymontachie en 1914 :
Selon les informations obtenues lors de mon séjour à Weymontachi, je démens formellement que les revenus des Indiens sont à la baisse. Peut-être ont-ilsramené un peu moins de fourrures, mais la capture et la vente d’un grand nombre de renards vivants a largement compensé pour cette diminution. Les Indiens de Weymontachi n’ont jamais eu en leur possession autant d’argent et n’ont jamais vécu aussi aisément que l’été dernier. (ANC 1914[3])
Par ailleurs, cette autre citation, tirée du rapport annuel de l’agent des Affaires indiennes à Pointe-Bleue pour l’année 1911, donne un aperçu plus détaillé des conditions socio-économiques qui pouvaient prévaloir au sein des certaines communautés algonquiennes du Moyen-Nord à cette époque :
Les maisons sont bien meublées, confortables et adéquates. Tous les Indiens ont un attrait pour la musique et plusieurs d’entre eux possèdent soit un piano, un harmonium, un violon ou un autre instrument de moindre valeur. […] Leur vie sociale s’améliore et devient chaque jour plus raffinée. Les Indiens sont intéressés à lire les journaux dans lesquels ils puisent bon nombre d’informations et d’idées pratiques [...]. Certains possèdent des comptes bancaires, d’autres font des affaires par correspondance, tout comme les Blancs le font. Quatorze maisons sont assurées contre le feu jusqu’à hauteur de 500 $ à 2000 $. Cinq Indiens ont une assurance-vie au montant de 1000 $ à 3600 $, et paient fidèlement leurs primes. D’autres appartiennent à des sociétés de bénéfices mutuels ; certains ont même bénéficié cette année d’une aide pour cause de maladie. Trois Montagnais dirigent des entreprises prospères dont le chiffre d’affaire se chiffre à plusieurs milliers de dollars par année. Chaque jour, trois cultivateurs indiens vont porter leur lait à une fabrique de fromage située dans une paroisse voisine et en retirent un bon profit. En ce moment, les Indiens envisagent de construire une fabrique de fromage sur la réserve. En plusieurs endroits les clôtures de bois ont fait place aux clôtures de fil métallique, et les Indiens commencent à porter un peu plus d’attention à l’entretien des routes. (ARDIA 1911 : 52)
En somme, cette relative prospérité rencontrée chez plusieurs communautés autochtones du Québec avant 1930 et rendue possible grâce au travail salarié de même qu’au commerce de l’artisanat ou des fourrures, reposait sur deux conditions essentielles : la mobilité et, surtout, un nécessaire partenariat avec les non-autochtones. En ce sens, on ne se retrouvait pas à cette époque devant deux trajectoires économiques parallèles et différentes, mais devant un seul et même parcours économique commun. À ce point, d’ailleurs, que les autochtones allaient bientôt être affectés par la Grande Crise tout aussi sévèrement que les non-autochtones.
L’économie renversée
La croissance qui caractérisait encore l’économie canadienne durant les années 1920 a subitement pris fin avec l’effondrement des marchés boursiers à la suite du krach d’octobre 1929. Dépassés autant par les événements que par l’ampleur sans précédent que prenait la Crise au Canada, les gouvernements provinciaux et fédéral ont improvisé des solutions qui n’ont pas toujours eu les effets escomptés. La reprise économique s’est amorcée timidement à compter de 1933, mais il aura fallu attendre l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale, en 1939, pour qu’une reprise plus soutenue de la production industrielle se manifeste. Parmi les communautés autochtones du Canada, et celles du Québec en particulier, l’impact de la Grande Crise a été ressenti de diverses façons, selon le contexte géographique et socio-économique de chacune. Pour celles qui vivaient en région éloignée et dont la subsistance reposait toujours sur la chasse et l’aide ponctuelle des Affaires indiennes, les effets de la Crise ont été plus ou moins perceptibles, comme en fait foi cet extrait du rapport annuel des Affaires indiennes pour l’année 1931 :
Dans la majorité des cas, d’autre part, les Indiens sont propriétaires de leurs habitations et donc exempts d’encombrements et de loyer à payer. Le soutien en matière d’éducation et de santé leur est fourni par le gouvernement. De même, leurs dépenses de toute première nécessité ne concernent pratiquement que la nourriture et les vêtements. (ARDIA 1932 : 7)
Mais encore fallait-il pouvoir compter sur les ressources fauniques nécessaires pour pratiquer le commerce et combler les besoins alimentaires et vestimentaires, ce qui ne sera pas toujours le cas dans le Moyen-Nord et le Nouveau-Québec à compter des années 1930. Par ailleurs, la situation s’est avérée plus difficile, à court terme du moins, pour les communautés situées à proximité des établissements canadiens et dont l’économie reposait essentiellement sur le travail salarié et la vente de produits d’artisanat et ce, du fait de la soudaine rareté des emplois et de la fermeture des marchés. Sans compter que la « condition juridique » particulière des autochtones a commencé à se poser partout comme un obstacle au redressement économique.
Un marché du travail précaire
Durant quelques années, la construction de ponts et d’édifices dans les grandes villes nord-américaines a connu un ralentissement, ce qui a privé de travail plusieurs Iroquois qui sont revenus vivre avec leur famille dans la région de Montréal (Blanchard 1983 : 51 ; Katzer 1988 : 46). Mais dès le tournant des années 1940, la grande majorité des hommes de Caughnawaga fréquentaient de nouveau les chantiers (Canada 1947, fasc. 34 : 27 ; ARDIA 1943 : 134). D’autres Iroquois ont trouvé du travail dans les usines de munitions de Montréal durant la Deuxième Guerre mondiale, alors que l’exploitation de la carrière et d’un terrain de golf à Caughnawaga, tout comme la construction de la voie maritime dans les années 1950, a aussi généré plusieurs emplois (Canada 1947, fasc. 34 : 51 ; Fried 1955 : 105 ; ARDIA 1954 : 48, 1958 : 77).
En 1931, la fermeture du moulin à scie de Restigouche força plusieurs familles micmaques à demander l’aide des Affaires indiennes, tandis que les privilégiés qui avaient pu conserver un emploi dans l’industrie forestière durent consentir à des diminutions de salaire. Ne disposant plus que de la réserve comme assise économique, la population de Restigouche se tourna alors vers l’exploitation de ses dernières ressources naturelles disponibles, et en particulier le bois : « Les Indiens étant si pauvres et sans argent, un contrat de coupe a été signé avec W. MacDonald, Campbellton, pour 2000 à 3000 [pieds cubes ?] à être coupés sur la réserve par les seuls Indiens de la bande de Restigouche. » (ANC 1931) Peu à peu, la situation économique des Micmacs s’est replacée, grâce entre autres à l’ouverture d’une nouvelle usine de transformation du bois à Restigouche à la fin des années 1930. Néanmoins, l’exploitation forestière dans la région n’allait jamais retrouver la prospérité d’avant la Crise (Adrien 1954 : 43-45), de sorte que de nombreuses familles ont finalement quitté la réserve dans l’espoir de trouver du travail dans les grandes villes du Nord-Est américain (Bock 1966b : 98).
Pour les Micmacs comme pour plusieurs autres autochtones à l’époque, la recherche d’emploi à l’extérieur des réserves s’est heurtée à un nouvel obstacle à compter des années 1930, lorsque des considérations ethniques sont entrées en ligne de compte. Alors que les emplois disponibles se faisaient rares au Québec, les employeurs canadiens semblaient davantage portés à faire preuve de discrimination à l’égard des autochtones, comme le constataient les fonctionnaires des Affaires indiennes en 1934 :
Il semble y avoir une tendance de la part des employeurs à refuser du travail aux Indiens sur la base que ceux-ci sont à la charge du gouvernement [fédéral] et qu’il n’est pas nécessaire de leur donner un emploi quand des Blancs appliquent aussi pour celui-ci. (ARDIA 1934 : 10)
Le chef micmac Joseph Larocque rapportait avoir lui-même fait l’expérience d’une telle discrimination : « Lorsque nous cherchons du travail à l’extérieur de nos réserves, on nous sert des remarques du genre : “Oh ! Vous n’avez pas besoin de travail, le gouvernement s’occupe de vous” » (ANQ-R 1934). En 1946, George Cree, un Iroquois du Lac des Deux-Montagnes, se rappelait que :
[…] lorsque la dépression survint en 1930, toutes ces petites industries refusèrent d’engager des Indiens. Elles disaient que l’Indien était riche et n’avait pas besoin de travailler, que les blancs pâtiraient, de sorte que l’Indien devait retourner dans sa réserve. On nous a dit que l’Indien devait s’en aller et demeurer dans sa réserve, parce que le gouvernement doit veiller sur lui. (Canada 1947, fasc. 34 : 33)
Sans compter que certains employeurs admettaient leur préférence pour embaucher des travailleurs qui payaient des impôts, contrairement aux autochtones (Canada 1947, fasc. 34 : 33). Un tel argument, qu’il fallait sans doute mettre sur le compte d’une ignorance peut-être volontaire, était contraire à la réalité puisque les autochtones qui travaillaient hors réserve étaient tenus, en principe du moins, de payer des impôts. En somme, à moins d’attributs qui les rendaient indispensables, comme c’était le cas pour les Iroquois, les autochtones du Québec ont eu beaucoup plus de mal à trouver du travail à l’extérieur de leurs réserves à compter des années 1930.
La fermeture des marchés
L’artisanat commercial sur lequel reposait l’essentiel de l’économie des communautés huronne et abénaquises a lui aussi connu un ralentissement en raison d’une chute de la demande sur les marchés, ce qui a entraîné à la fois des pertes d’emplois et de revenus (voir fig. 1 et 2, catégorie « Autres industries »). Déjà, en 1932, l’ethnologue A. Irving Hallowell constatait à Saint-François que « le marché des paniers semble être en déclin et il paraît impossible pour plusieurs Abénaquis de gagner leur vie dans cette industrie » (Hallowell et Day, n.d. : 17). Cette réalité, Jean-Charles Falardeau l’observa à son tour à Lorette :
[…] la population de Lorette, par suite du manque absolu d’espace cultivable, de la disparition rapide de nombreuses petites industries locales qui autrefois l’aidaient à subsister, et aussi de la dernière crise économique qui a laissé sans emploi une forte proportion d’hommes et de jeunes gens auparavant occupés chez eux ou à la ville, ne dépend plus pour vivre que sur les secours financiers et sociaux que s’est engagé à lui dispenser le gouvernement. Environ cinquante familles, actuellement, qui n’ont plus aucun revenu personnel, reçoivent de minimes allocations périodiques (8, 10, 15 ou 20 dollars par mois), proportionnelles au nombre d’enfants. […] la grande majorité des familles vit dans un état relatif de gêne et de difficultés. (Falardeau 1939 : 30-31)
Par ailleurs, au nord de la vallée laurentienne, la Crise a mis fin aux années de prospérité qu’avait rendues possibles le commerce des fourrures. Les marchands se sont soudainement retrouvés avec des surplus qu’ils n’arrivaient plus à écouler, de sorte que les prix offerts aux chasseurs pour les fourrures ont chuté en conséquence (Ray 1990 : 114). Or, puisqu’une large part de l’approvisionnement en nourriture et en vêtements des familles autochtones dépendait du commerce avec les marchands de fourrure, plusieurs de celles-ci se sont soudainement retrouvées dans une situation précaire. C’est ainsi, par exemple, que l’agent Gauthier des Affaires indiennes rapportait au sujet de la communauté de Maniwaki, en 1933, qu’« en raison de la présente crise, pratiquement toute la population de la bande est sur la liste des secours » (ANC 1933a).
Dès lors, le travail salarié permanent, que ce soit comme guide, bûcheron ou encore journalier sur les chantiers liés à l’aménagement hydrographique – à quoi s’ajoutait toujours la vente de produits d’artisanat –, devenait la principale option économique envisageable pour les communautés du Moyen-Nord. Ainsi, la Deuxième Guerre mondiale, en mobilisant un grand nombre de travailleurs canadiens, a rapidement permis à plusieurs chefs de famille autochtones d’être embauchés par les compagnies forestières (ARDIA 1943 : 134). Toutefois, les emplois sont devenus plus rares dans ce secteur de l’économie au lendemain de la guerre, en raison principalement du retour de la main-d’oeuvre canadienne et de la mécanisation croissante, bien que dans certaines régions la demande pour les travailleurs autochtones se soit maintenue ; ainsi, 40 % de l’économie de la bande de Maniwaki reposait encore sur le travail forestier en 1947 (Canada 1947, fasc. 4 : 11), alors que deux ans plus tard, il était rapporté par les Affaires indiennes, qu’« à Bersimis, Sept-Îles, Maniwaki, Weymontachie, Obedjiwan et Restigouche, le nombre d’Indiens embauchés dans l’industrie forestière a sensiblement augmenté » (ARDIA 1950 : 193).
Par ailleurs, sur la Côte-Nord, c’est l’industrie minière qui allait offrir les meilleures possibilités de travail pour les autochtones de la région. Ainsi, bien que les opérations minières à Schefferville n’aient débuté qu’en 1953, plusieurs autochtones avaient trouvé du travail auprès de la compagnie Iron Ore avant cette date, en particulier avec la construction du chemin de fer devant relier le centre minier à la côte. C’est ainsi qu’en 1951, les Affaires indiennes rapportaient qu’à Sept-Îles « tous les hommes physiquement qualifiés ont trouvé du travail avec la nouvelle industrie minière » (ARDIA 1952 : 9), une situation qui allait d’ailleurs prévaloir pratiquement durant toute la décennie (ARDIA 1958 : 77), y compris pour les Naskapis de Fort-Chimo qui vinrent également s’installer à Schefferville pour travailler à la mine (Laforest 1983 : 83). Plus à l’ouest, c’est Hydro-Québec qui, à la même époque, a embauché plusieurs autochtones de Betsiamites sur les chantiers de ses travaux d’aménagement hydrographiques (ARDIA 1958 : 77). En somme, avec l’intensification du développement économique dans le Moyen-Nord, les emplois ont été nombreux pour les autochtones, à condition toutefois d’accepter une certaine mobilité à l’égard de laquelle ce portrait brossé par les Affaires indiennes, à la fin des années 1950, est particulièrement éloquent :
Approximativement 225 Indiens de Sept-Iles et 175 de Fort Chimo sont présentement installés près du chantier de l’Iron Ore à Schefferville. D’autres de Sept-Iles ont trouvé du travail à Wabush et Clarke City. Des Indiens de Bersimis se sont établis à Labrieville, alors que plusieurs autres de Pointe-Bleue se sont installés à Passe Dangereuse. Des Indiens de Rupert House et Waswanipi ont trouvé des emplois à Chapais, et d’autres de Mistassini travaillent à Chibougamau et Clova. (ARDIA 1959 : 78-79)
Enfin, plus au nord, le début des années 1930 semble avoir été particulièrement difficile pour les Cris alors qu’autant le gros gibier que les animaux à fourrure se faisaient rares (Morantz 2002 : 4-5, 110), et c’est surtout grâce à la capacité qu’ils avaient de pouvoir encore se répartir en petits groupes sur un vaste territoire pour ainsi réduire la pression sur les ressources fauniques qu’ils ont pu contourner en partie le problème (Tanner 1978 : 155 ; Morantz 2002 : 113-114). Peu à peu, le retour en force de plusieurs espèces animales, une reprise du commerce des fourrures à compter du mitan des années 1930 et l’efficacité du système des réserves à castors qui contribua à repeupler l’espèce ont de nouveau permis aux Cris de générer des revenus appréciables, au point où l’on parlait à nouveau de « prospérité » dans les années 1940 (Morantz 2002 : 171). C’était peu de temps avant qu’ils ne commencent, à leur tour, à trouver des emplois salariés, notamment dans les domaines du guidage et de l’exploration minière. Enfin, du côté des Inuits, en dépit de la rareté des études sur l’histoire de l’Arctique de l’Est pour la première moitié du xxe siècle, Saladin d’Anglure résumait ainsi leur situation :
Les effets combinés de la Dépression, de la fermeture des postes de traite et de la Deuxième Guerre mondiale ont entraîné plusieurs familles inuites dans une situation critique ; plusieurs cas de mortalité pour cause de famine ont été rapportés. Le caribou avait presque disparu, ce qui rendait difficile la confection des vêtements d’hiver, tandis que le gibier marin avait beaucoup souffert de l’utilisation systématique des fusils… (Saladin d’Anglure 1984 : 505)
C’est ce contexte qui allait inciter les Inuits à opter pour un mode de vie plus sédentaire à proximité des lieux d’établissement canadiens qui se sont multipliés dans l’Arctique à compter des années 1940. De là, ils ont pu bénéficier plus facilement des programmes d’aide gouvernementaux, parfois trouver du travail salarié et commencer à développer une industrie de l’artisanat.
Aide et obstacles au développement économique
Face au contexte immédiat de la Grande Crise, force est de constater que la stratégie d’assistance du gouvernement fédéral à l’égard des autochtones – dont il avait constitutionnellement la responsabilité – n’a pas été couronnée de succès (Miller 1994 : 220). Les fonctionnaires des Affaires indiennes se sont en général limités à augmenter la quantité des secours annuels destinés au plus démunis et qui, toute proportion gardée, était deux fois moins substantielle que celle accordée aux autres Canadiens (Shewell 1999 : 216). Ainsi, le rapport des Affaires indiennes pour l’année 1931 soulignait ce qui suit :
Une aide spéciale pour la chasse, sous forme de munitions et de ficelle pour les filets de pêche et les collets, leur a été distribuée, de même que des produits alimentaires. Ces secours sont accordés en leur faisant comprendre qu’ils doivent retourner en forêt pour chasser et non pas flâner autour des postes de traite ou des chemins de fer pour demander la charité. (ARDIA 1932 : 8)
Par ailleurs, dans les réserves où cela s’avérait pertinent, les Affaires indiennes se sont efforcées de créer des emplois temporaires par l’entremise de la construction ou de l’entretien d’infrastructures, mais dans l’ensemble le gouvernement fédéral n’était pas davantage préparé à affronter les problèmes des autochtones que ceux des autres citoyens du pays (Taylor 1984 : 94-96).
L’assistance gouvernementale
Au sortir de la Crise, les Affaires indiennes ont mis sur pied des programmes particuliers destinés à stimuler la production artisanale dans les réserves de la vallée laurentienne et de la Gaspésie. Malgré le fait que l’objectif ne consistait pas tant ici à élaborer des stratégies de développement à long terme qu’à réduire dans l’immédiat le coût des secours gouvernementaux (ARDIA 1940 : 224 ; McMaster 1989 : 210-211), ces initiatives ont tout de même connu un certain succès. D’ailleurs, la figure 1 montre que les revenus générés par ce secteur d’activités (« autres industries ») ont effectivement connu une croissance significative dans les années 1940, et, encore au tournant des années 1950, il était rapporté que « l’industrie des paniers constitue toujours la principale source de revenus à Pierreville » (ARDIA 1952 : 10). À la même époque, des cercles de ménagères (Homemaker’s Clubs) ont été créés dans plusieurs réserves du Québec, avec pour buts d’accroître la participation des femmes dans l’économie domestique et d’améliorer les conditions de vie dans les réserves : on y faisait notamment la promotion de l’élevage de poules, de l’amélioration des méthodes de jardinage et de la confection de vêtements destinés à l’armée et aux hôpitaux (ARDIA 1945 : 151-152 ; 1949 : 219 ; 1955 : 52 ; 1960 : 84). Si l’on en croit les Affaires indiennes, toutes ces initiatives auraient contribué au fait qu’à l’aube des années 1950, « les Indiens du sud du Québec jouiss[aient] d’un niveau de prospérité en rapport avec les salaires élevés obtenus dans les secteurs de l’industrie de l’artisanat et du commerce » (ARDIA 1951 : 60).
L’intervention la plus significative du gouvernement fédéral à l’intention des communautés algonquiennes demeure toutefois le soutien à la création des réserves à castors. En effet, outre l’assistance gouvernementale, plusieurs familles algonquiennes, particulièrement en Outaouais et dans l’est de la Baie James, n’avaient d’autre façon de subvenir à leurs besoins que de poursuivre leurs activités de chasse et de piégeage, malgré la diminution inquiétante des populations d’animaux à fourrure. Dès lors, la volonté des Affaires indiennes de limiter ses dépenses en matière de secours aux autochtones, celle du gouvernement provincial de protéger les espèces animales menacées sur son territoire et celle de la Hudson’s Bay Company d’assurer la pérennité de ses activités commerciales ont mené conjointement à la création de territoires protégés où seuls les autochtones avaient désormais l’autorisation de pratiquer le piégeage sur leurs lignes de piégeage respectives,. En bout de ligne, non seulement ce système aura effectivement permis aux populations de castors de se refaire de manière significative, mais aussi d’assurer quelques centaines de milliers de dollars de revenus annuels pour les chasseurs algonquiens des secteurs concernés (ARDIA 1951 : 66 ; 1959 : 51).
Sur la Côte-Nord, les efforts pour améliorer le sort des autochtones ont surtout porté sur la promotion de la pêche au saumon et aux anguilles comme source de revenus. Comme dans le cas du programme de soutien à la pêche à l’esturgeon qui allait être lancé plus tard en Abitibi (ARDIA 1960 : 83), tout se faisait ici aussi sous la supervision des fonctionnaires des Affaires indiennes qui, tout comme dans le cas de la production artisanale mentionnée précédemment, s’occupaient de la vente et redistribuaient les revenus au pourcentage selon la participation de chaque individu (ARDIA 1950 : 193 ; 1953 : 49). À l’échelle du Moyen-Nord, les Affaires indiennes ont aussi encouragé l’exploitation forestière sur le territoire des réserves, de manière à ce que les autochtones puissent trouver de l’emploi et pour garnir les fonds de bande (ARDIA 1953 : 49) ; entre 1939 et 1946, les revenus générés par la location des terres de réserve et les droits de coupe sur celles-ci ont augmenté de près de 120 % (ARDIA 1940 : 250 ; 1947 : 228), et durant l’année 1952-1953, trois millions de pieds de bois ont été coupés à Maniwaki seulement – et encore la production aurait-elle alors été moindre que celle de l’année précédente (ARDIA 1954 : 48). Enfin, le programme de construction de maisons qui débuta dans les années 1950 dans plusieurs communautés du Moyen-Nord allait aussi permettre l’embauche temporaire de chefs de famille pour travailler soit dans la coupe du bois nécessaire aux travaux, soit dans le secteur de la construction elle-même (ARDIA 1953 : 49 ; 1955 : 74 ; 1958 : 77). Quant à savoir si ces différentes mesures de soutien et de relance économiques ont été profitables ou non, il faudra attendre des études plus détaillées avant de répondre. Ce qu’il importe avant tout de retenir ici, c’est qu’une large part de l’économie des communautés autochtones, tant celles du Sud que celles du Nord, était désormais orientée et contrôlée non plus par les autochtones eux-mêmes, mais par les fonctionnaires des Affaires indiennes.
Finalement, à compter de 1944, le gouvernement fédéral a entrepris de verser des chèques d’allocation familiale aux familles autochtones du Québec : en 1945, 1315 d’entre elles bénéficiaient d’une telle aide financière, bien que de ce nombre, seulement 546 familles (41,5 %) recevaient un paiement par chèque, alors que les autres, vivant surtout au sein des communautés plus nordiques, recevaient plutôt des paiements sous forme d’aliments et de vêtements, qu’elles pouvaient se procurer dans les postes de traite (Canada 1947, fasc. 1 : 23). Certes, ce second mode de distribution pouvait être lié aux difficultés qu’il y avait à rejoindre par courrier les familles nomades, mais il découlait également d’une crainte des fonctionnaires de voir les parents utiliser l’argent à d’autres fins que le soutien familial, ce qui risquait d’obliger les Affaires indiennes à combler le manque à gagner par des secours additionnels (ARDIA 1948 : 225 ; Morantz 2002 : 208-209 ; ANC 1940). Puis, à compter des années 1950, les aînés et les travailleurs autochtones ont pu commencer à recevoir respectivement des chèques de pension de vieillesse et d’assurance-emploi, une forme de soutien certes bienvenue, mais qui ne comblait des besoins que sur une base ponctuelle et ne générait aucun effet structurant sur les économies locales. Bien au contraire, comme l’avait noté Falardeau à la fin des années 1930 à Lorette, l’argent ne faisait souvent que transiter dans les communautés, puisqu’il servait d’ordinaire à s’approvisionner auprès de commerçants canadiens :
Rien n’est plus calme à traverser que les rues de ce village, rien n’est plus somnolent, léthargique, que sa vie économique. Lorette achète tout ce dont ses habitants ont besoin pour vivre, sans rien produire. Personne ne cultive quoi que ce soit ni ne garde de troupeaux : il n’y a dans les limites de la réserve aucun boucher ni aucun boulanger ; Lorette est un marché ouvert à tous les commerçants et aux fermiers des environs ; et comme le pouvoir d’achat dépend quasi exclusivement des allocations de l’État, la grande majorité des familles vit dans un état relatif de gêne et de difficultés. (Falardeau 1939 : 32)
Plus dépendants du support du gouvernement fédéral au lendemain de la Grande Crise, et donc davantage soumis au contrôle des fonctionnaires des Affaires indiennes, les autochtones du Québec ont dès lors été confrontés de manière beaucoup plus concrète au carcan administratif de la Loi sur les Indiens. La moindre initiative économique provenant de la bande devait désormais recevoir l’aval de l’agent local et éventuellement celui des fonctionnaires supérieurs à Ottawa. Par exemple, à la suite de la fermeture du moulin à scie de Restigouche, les Micmacs ont dû adresser des demandes répétées pour que les Affaires indiennes puisent dans leur fonds de bande en vue d’augmenter les secours annuels, pour leur permettre de louer des chevaux et de pratiquer l’agriculture et pour créer quelques emplois par la mise en chantier de travaux publics dans la réserve (ANC 1930, 1931, 1932a, 1932b). Ces mêmes Micmacs ont aussi dû se tourner vers le gouvernement du Québec pour obtenir des permissions spéciales afin de pouvoir chasser le gros gibier hors saison à des fins de subsistance (ANC 1930, 1933b, 1935). D’autre part, certaines dispositions de la Loi sur les Indiens privaient les autochtones de leviers économiques essentiels telles l’absence de propriété territoriale qui pouvait permettre l’accès au capital par l’entremise d’une hypothèque ou des fruits d’une vente, ou encore l’inaliénabilité de leurs biens qui limitait l’accès au crédit. Tout cela faisait qu’au lendemain de la Grande Crise, le régime de tutelle administrative sous lequel se trouvaient les autochtones du Québec s’avérait largement incompatible avec un développement économique axé sur les seules priorités, capacités et ambitions de ces derniers.
Le caractère prématuré d’une économie collective
Enfin, en prenant effectivement charge de l’économie des communautés autochtones tout en l’articulant autour des concepts bureaucratiques et administratifs de « réserve » et de « bande », le gouvernement fédéral a volontairement fait la promotion d’un mode de développement de type collectif qui s’avérait probablement inapproprié dans les circonstances. Selon cette approche, il revenait aux bandes d’identifier les problèmes économiques auxquels elles étaient confrontées et de proposer des avenues de solutions, alors qu’Ottawa devait s’engager à financer leurs initiatives et à leur porter assistance (Frideres 1993 : 473-475). Or, une telle démarche collectiviste était loin de constituer un réflexe culturel solidement ancré en milieu autochtone. En effet, historiquement, ce n’étaient pas « les » Abénaquis qui fabriquaient des paniers d’osier mais bien « chaque famille » abénaquise qui, d’ailleurs, vendait elle-même ses produits à l’extérieur de la réserve, là où elle le voulait bien. Comme ce n’étaient pas « les » Cris de Eastmain ou « les » Inuits de Fort-Chimo qui faisaient le commerce des fourrures, mais bien chaque chef de famille cri ou inuit, sur une base individuelle, et avec la liberté théorique de négocier avec le commerçant de son choix. En ce sens, au lieu de parler en termes d’économies collectives en milieu autochtone avant 1930, il serait peut-être plus approprié de parler, pour chaque communauté, d’une convergence d’économies familiales autonomes relativement semblables. D’autant plus qu’au sein des populations nomades en particulier, les bandes, en tant qu’unités sociales, se voulaient encore des réalités essentiellement estivales, sans structures politiques et administratives complexes autres que celles, bien souvent artificielles, imposées par la Loi sur les Indiens. Quant aux populations de culture iroquoienne (Mohawks, Hurons), pourtant sédentaires et agricoles au moment du contact, elles avaient depuis quelques siècles déjà délaissé l’agriculture pour un mode de vie plus nomade et, donc, nécessairement moins centralisé d’un point de vue social et politique. Dans ce contexte, on comprend la difficulté qu’il pouvait y avoir à mettre sur pied des projets de développement de nature collective quand les collectivités autochtones, elles-mêmes, étaient au mieux en processus se consolidation. D’ailleurs, c’est peut-être pourquoi, dans les années 1950, les Affaires indiennes souhaitaient encourager toute activité pouvant contribuer au développement d’un sens de la communauté au sein des réserves, qu’il s’agisse des cercles de fermières mentionnés précédemment, des cours de social leaders, des clubs 4-H ou encore des groupes de scouts et de guides.
Conclusion
L’histoire tend donc à laisser croire que, d’un point de vue économique, les autochtones du Québec s’en seraient toujours mieux tirés lorsque laissés à eux-mêmes. Mais laissés à eux-mêmes à condition, d’une part, de bénéficier d’une gamme d’options économiques suffisamment large pour pouvoir réorienter au besoin leurs stratégies de subsistance et, d’autre part, de jouir d’une autonomie permettant de définir ces mêmes stratégies en fonction de leurs propres besoins, valeurs et aspirations. D’ailleurs, force est de constater que, depuis le contact, et ce jusqu’à une époque récente, les autochtones comptaient dans leur « banque » de possibilités le partenariat économique avec les non-autochtones qu’ils ont toujours cherché à mettre à profit, d’abord par l’entremise du commerce des fourrures, et ensuite par la voie du marché du travail et du commerce de l’artisanat, entre autres. Dans les dernières décennies du xixe siècle et les premières du xxe, ce partenariat s’avérait encore profitable pour plusieurs communautés autochtones et leur permettait de générer suffisamment de revenus pour bénéficier de conditions matérielles dans bien des cas semblables à celles de la moyenne des Canadiens français. De fait, les autochtones du Québec avaient à ce point intégré l’économie nationale, voire internationale, qu’ils ont été touchés tout autant que les non-autochtones lorsque la Grande Crise est survenue. Or, ces derniers sont parvenus à se reconstruire une économie prospère à compter de la fin des années 1930, ce qui n’a pas été le cas pour la très grande majorité des autochtones de la province. Pourquoi ?
Probablement parce qu’au lendemain de la Grande Dépression, les deux conditions évoquées plus haut n’étaient plus respectées. Les difficultés pour intégrer le marché du travail, la fermeture des marchés traditionnels où écouler la production artisanale et la perte d’accès aux territoires de chasse et aux ressources naturelles ont tour à tour privé les familles autochtones d’activités lucratives potentielles à compter des années 1930. Plus encore, la prise en charge de leur économie par les fonctionnaires des Affaires indiennes et l’instauration par ceux-ci d’une logique de développement à court terme, communautariste et axée sur la promotion d’industries traditionnelles alors que l’économie à l’extérieur des réserves se modernisait, tout comme les restrictions imposées par la Loi sur les Indiens en matière d’accès au capital, sont venues miner l’autonomie des familles sur laquelle avait jusque-là reposé le modèle d’organisation et de développement économique autochtone. Certes, le partenariat existait toujours, puisque des rapports de nature économique continuaient de prévaloir entre autochtones et non-autochtones, mais ceux-ci échappaient désormais à tout contrôle de la part des premiers. Dès lors, ce n’est sans doute pas un hasard si ce que l’on observe aujourd’hui dans la province, ce sont des nations autochtones qui veulent instaurer une nouvelle forme de partenariat avec l’État québécois, mais non plus un partenariat du type post-1930 où ils devraient composer avec ce que les non-autochtones voudraient bien leur offrir, mais un partenariat du type pré-1930 dans lequel, grâce à un certain nombre d’outils (territoires, redevances monétaires, emplois garantis, etc.), ils seraient en mesure d’orienter, dans une certaine mesure du moins, leurs propres stratégies de développement. Et si cette façon de faire semblait plutôt bien fonctionner encore à l’aube de la Grande Crise, il est raisonnable de croire qu’il pourrait en être de même dans l’avenir.Remerciements
Appendices
Remerciements
Je tiens à remercier le Fonds de recherche sur la société et la culture (FQRSC) pour son soutien financier dans la réalisation de cette étude. Merci également à Caroline Desbiens et à Étienne Rivard pour leur invitation à participer au colloque « Relations durables : autochtones, territoires et développement des communautés locales et régionales » organisé à Chicoutimi en 2005 et dans le cadre duquel une première version de ce texte a pu être présentée.
Note biographique
Claude Gélinas
Claude Gélinas, Ph. D. en anthropologie (Université de Montréal, 1998), est professeur agrégé au département de philosophie et d’éthique appliquée de l’Université de Sherbrooke. Son enseignement et ses recherches portent principalement sur l’histoire et le discours politique des populations autochtones du Canada. Il a notamment publié La Gestion de l’étranger : les Atikamekw et la présence eurocanadienne en Haute-Mauricie, 1760-1870 (Septentrion, Sillery, 2000) ; Entre l’assommoir et le godendart : les Atikamekw et la conquête du Moyen-Nord québécois, 1870-1940 (Septentrion, Sillery, 2003) et Les Autochtones dans le Québec post-confédéral, 1867-1960 (Septentrion, Sillery, 2007).
Notes
-
[1]
Cet article est une version modifiée d’un chapitre du livre Les autochtones dans le Québec post-confédéral, 1867-1960 (Sillery, Septentrion, 2007). Par souci d’uniformité avec les citations tirées des sources historiques, nous avons utilisé tout au long du texte l’orthographe la plus communément rencontrée pour les nations et les réserves ou villages autochtones entre 1867 et 1960.
-
[2]
Il convient toutefois de noter que les Malécites du Bas-Saint-Laurent ont éprouvé plus de difficultés à réorienter leur économie de subsistance à la suite du déclin de la chasse au xixe siècle. Si pour certains chefs de famille ce fut le travail en forêt et pour d’autres des petits emplois journaliers ou de guidage, c’est en général l’artisanat commercial qui s’est avéré la principale source de revenus qui demeurèrent toutefois modestes (voir ARDIA 1890, 1 : 33 ; 1898 : 42 ; Johnson 1995 : xxv, xxx, xxxv).
-
[3]
Sur la base de ce qui prévalait en Haute-Mauricie entre 1880 et 1920, il est possible d’évaluer que les prix payés par la Hudson’s Bay pour les fourrures des chasseurs algonquiens ont augmenté en moyenne de plus de 409∈%, tandis que les prix exigés pour les marchandises dans les postes de la compagnie n’ont augmenté que d’un peu plus de 112 % en moyenne durant la même période (Gélinas 2007 : 199-200).
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