Abstracts
Résumé
Depuis le milieu des années 1990, l’intérêt marqué pour ce que l’on désigne comme la « culture biennale » soulève une série de questions sur les façons dont les expositions internationales interfèrent et interviennent dans les processus difficiles (et inégalitaires) de mondialisation néolibérale qui affectent l’ensemble de la société. Dans cet article, j’étudie la biennalisation de l’art contemporain dans le contexte géopolitique de la migration et de l’exil, en posant la question suivante : la culture biennale offre-t-elle une vision utopique de l’harmonie transnationale ? Ou bien, incarne-t-elle simplement les tendances colonisantes du corporatisme mondial ? Je défends l’idée que les grandes expositions internationales ont tendance à entretenir un rapport quelque peu complice avec la critique : elles participent et profitent de la « déterritorialisation » du marché global, mais elles en abordent aussi les excès à partir d’une position privilégiée. Proposant d’utiliser l’expression « nomadisme réticent » pour désigner les artistes qui critiquent de l’intérieur la façon dont la culture biennale tend à romantiser la migrance et la mobilité transnationale, j’attire l’attention sur trois artistes—Tony Labat, Yto Barrada, and Ursula Biemann—qui interrogent de manière subtile les présomptions de mobilité transnationale liées à la culture biennale. Alors qu’ils s’impliquent dans la culture biennale tout en établissant des connections souvent éludées entre les tendances nomades de celle-ci et les barrières et exclusions engendrées par le capitalisme mondial, ces trois artistes sont à mon sens l’illustration parfaite des nomades réticents; leurs réflexions complexes sur l’expérience de la migration nous forcent à prendre en compte les réalités traumatisantes d’exil, de migration et de relocalisation forcée qui stigmatisent la vie de ces nomades involontaires qui ne peuvent pas compter sur l’aide de la communauté artistique mondialisée pour financer leurs voyages.