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Publié en 1883, l’album de lithographies Les Origines de Redon offre une vision fantastique et souvent cauchemardesque des origines de l’univers. Alors que cet album a souvent été étudié dans son rapport avec l’intérêt de Redon pour la science et l’évolution, cet article défend l’idée que Les Origines marquent un tournant historique crucial dans notre conception du corps et du moi et représentent de ce fait l’une des expressions les plus radicales et modernes de son époque. Tout au long de cet album, Redon attire notre attention sur le statut rétrogradé du corps sous la loi évolutionnaire : toujours entre deux catégories, toujours incomplet, le corps évolutionnaire est un corps désirant qui veut être, mais n’est jamais complètement.

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Cet essai tente d’interpréter les formes expressives des sculptures de Rodin à la lumière des modèles médicaux du cerveau et du corps qui commencent à circuler vers la fin du dix-neuvième siècle. Fondé sur la science neurologique, la théorie de la localisation stipulait que le cerveau se composait de sphères individuelles assumant des fonctions corporelles distinctes et que des canaux neurologiques spécifiques étaient reliés à ces zones particulières. La théorie de la localisation postulait que les activités du cerveau étaient compartimentées en se fondant sur la découverte que les deux côtés du cerveau n’étaient pas identiques. Se conformant à ces nouvelles théories, les figures de Rodin répondent à une multiplicité de stimuli internes, comme si diverses sensations, réactions et mouvements non totalement intégrés se produisaient simultanément. Alors qu’on doit à la neurologie la renaissance du concept du génie (artiste/poète) dément, le Penseur (artiste/poète) de Rodin adopte la posture emblématique de la mélancolie, traditionnellement associée à la fois au génie et à la pathologie. La théorie de la localisation et la neurologie ont servi de socle aux études sur les femmes hystérico-épileptiques menées par Jean-Martin Charcot. Dans Les Portes de l’Enfer de Rodin, juste en arrière du Penseur, on retrouve plusieurs figures de femmes damnées qui adoptent des postures associées à ce désordre.

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Dans cet article, j’examine les représentations de la carrière de Bibémus par Cézanne dans le contexte de l’essai Cézanne, dans lequel le poète symboliste Joachim Gasquet rend compte de ses conversations avec l’artiste et commente la façon dont il peignait sur le motif. Je m’intéresse en particulier aux métaphores géologiques dont Gasquet se sert pour décrire l’usage que fait Cézanne du coup de pinceau ou de la tache—des métaphores qui sont de nature plutôt hybride sur le plan idéologique et esthétique et évoquent par là avec d’autant plus de force le processus pictural cézannien. Entraînant la discussion vers l’analyse formelle de trois des peintures de Bibémus tout en veillant à ne pas tomber dans le formalisme (et son insistance sur l’autonomie esthétique), l’article tend à faire ressortir certaines des implications scientifiques, sociales et implicitement philosophiques qui caractérisent la facture particulière du peintre.

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Joséphin Péladan voyait le matérialisme scientifique comme la cause première de la décadence de la culture française. Il estimait qu’il encourageait la démocratisation et la laïcisation de la société ainsi que le goût pour le naturalisme dans les arts, des tendances qu’il détestait toutes. En accord avec sa philosophie rosicrucienne de la science occulte, formulée dans ses essais critiques et promulguée dans ses salons artistiques, il proposait à la place une idéologie hiérarchique et traditionnelle dont il espérait qu’elle ramènerait la culture française à l’état idéal pour lui, soit catholique et pré-républicain.

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Alors que l’institutionalisation de la psychologie suscitait la fascination pour l’inconscient dans la France fïn-de-siècle, les artistes symbolistes montraient leur vif désir de pictorialiser cet état. Les pièces de théâtre et les affiches produites pour le Théâtre d’art symboliste de Paul Fort tendaient à déstabiliser la pensée rationnelle en remettant en question la perception visuelle conventionnelle. Désigné par Jules Bois comme « l’art inconscient », le style des illustrations de théâtre des Nabis représentait la transcendance du moi et la pénétration de l’inconscient créatif à travers différentes métaphores visuelles de la dissolution.

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Alors que la majorité des recherches sur la médium Hélène Smith s’intéresse à ses exploits linguistiques et à leur célébration dans les cercles surréalistes, cet article situe ses peintures réalisées en état de « transe » entre le surréalisme et le symbolisme et soutient que la créativité médiumnique a contribué à transformer la théorie symboliste en pratique visuelle. Vers la fin des années 1890, avant de faire l’objet de la fascination d’André Breton, Smith a « collaboré » avec le psychologue expérimental Théodore Flournoy qui fondait sa théorie de l’« imagination créative » sur les capacités extraordinaires de Smith. Lors de son étude du cas Smith, Flournoy a opéré entièrement à l’intérieur des paradigmes de la psychologie expérimentale française, qui a été institutionnalisée en France par le truchement d’une méthode pathologique. Les médiums et leurs phénomènes concomitants sont devenus des espaces critiques d’expérimentation, dans un esprit similaire à la triade tristement célèbre de sujets psychologiques—« les primitifs, les fous et les enfants »—préconisée par Théodule Ribot. Les phénomènes médiumniques dont fait partie la créativité inhabituelle étaient donc considérés comme une voie scientifique menant à la vérité sur la vie intérieure de l’être humain, en d’autres mots comme un moyen d’« objectiver le subjectif ». S’il n’est pas possible d’établir des liens directs entre l’oeuvre de Smith et celle d’artistes symbolistes comme les Nabis, les écrits de Jules Bois, en particulier son commentaire inspiré sur une « esthétique spiritiste », doivent se lire en lien avec la psychologie expérimentale française et la réévaluation par celle-ci du pathologique comme scientifiquement utile. Situer dans son contexte la place qu’occupait Hélène Smith à titre d’objet privilégié de la psychologie expérimentale française permet de jeter un éclairage sur les conditions intellectuelles requises pour que l’altérité devienne un espace d’investissement pour l’avant-garde.

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Plutôt que d’étudier l’influence de la théosophie sur les débuts de l’art abstrait, cet article prend pour objet la culture visuelle de la théosophie elle-même, en particulier les efforts déployés par Annie Besant et C.W. Leadbeater pour utiliser les transcriptions visuelles de l’expérience clairvoyante comme données scientifiques. Ces données ayant rapidement revêtu une dimension esthétique, le monde invisible des particules subatomiques a suscité un croisement entre la physique atomique et de l’occultisme qui a influencé la culture visuelle de la théosophie. L’accent mis sur la recherche expérimentale a poussé cette dernière à se détacher de l’esthétique symboliste axée sur la rêverie pour s’intéresser à l’abstraction des transcriptions « scientifiques » en Thought-Forms et aux géométries abstraites de la Occult Chemistry.