Abstracts
Résumé
Cet article examine le statut de quelques femmes artistes canadiennes à la fin du XXe siècle. Il aborde la question sous divers aspects et, en particulier, sous celui de la nature institutionnelle de la discrimination et de son impact économique et idéologique sur la vie et sur les moyens de subsistance des femmes artistes. Il analyse aussi l’importance des pratiques et des politiques du musée, de la galerie, des agences subventionnaires et de l’environnement éducatif post-secondaire afin de comprendre comment les institutions appliquent ou transforment les hiérarchies de l’histoire traditionnelle de l’art. L’article se divise en deux parties : la première est une analyse qualitative où sont examinés trois cas de femmes artistes torontoises qui contestèrent le discours critique dominant à des périodes différentes du XXe siècle. Il s’agit de Kathleen Munn qui oeuvra principalement entre 1918 et 1935, de Joyce Wieland dont la carrière s’étend sur une trentaine d’années, soit de la fin des années cinquante à la fin des années quatre-vingt, et enfin de Vera Frenkel qui est à la fine pointe de la création artistique canadienne depuis le milieu des années soixante-dix.
La seconde partie analyse l’histoire du soutien institutionnel accordé aux femmes artistes d’un point de vue quantitatif. J’examinerai ici aussi trois cas : celui du Musée des beaux-arts du Canada, du Conseil des arts et de l’Ontario College of Art (la plus ancienne et la plus grande école d’art du pays). Je terminerai cet article en concluant que si les femmes se sont imposées de manière significative dans le monde de l’art canadien et que leur production a contribué de façon cruciale à la formulation des discours esthétiques postmodernes, les vieux préjugés qui accordaient au travail des femmes une valeur moindre qu’à celui de leurs vis-à-vis masculins, n’ont pas disparu : la production des femmes reste moins exposée et moins achetée que celle des hommes, celles-ci ont plus de difficultés à obtenir des subventions et des postes universitaires et elles gagnent, dans la plupart des cas, moins bien leur vie. Les faits indiquent que la réinsertion des femmes comme « Autre » ne suffit pas et que des stratégies novatrices sont requises pour remodeler les approches historiques et théoriques traditionnelles. Nous devons non seulement corriger les manuels d’histoire, mais aussi en élargir le cadre historique, exiger de nouvelles conceptions historiographiques qui transformeront le discours pour le rendre plus inclusif.