Abstracts
Résumé
Christiane Pflug (1936–1972) d’origine allemande était une artiste canadienne reconnue pour ses tableaux naturalistes de scènes domestiques représentant ses fillettes, des poupées et des vues des fenêtres de sa demeure torontoise. Mélancoliques, ses tableaux sont empreints de nostalgie et de terreur, associées à une « inquiétante étrangeté ». Ils évoquent, de manière allégorique, son enfance disloquée et déracinée par la Seconde Guerre Mondiale. S’inspirant du livre de Juliana Schiesari, « The Gendering of Melancholia », j’analyserai la « poétique du deuil » de Pflug à l’intérieur des paramètres d’une analyse féministe de la mélancolie, considérée comme un discours culturel montrant les difficultés qu’éprouvent les femmes à rendre culturellement significatif leur sentiment de perte. En analysant la pratique artistique particulière de Pflug, nous positionnerons son travail comme un anti-récit qui s’oppose à la tradition du génie mélancolique qui a privilégié la création masculine au détriment de la subjectivité féminine. Cet article examine aussi la production de Pflug par rapport au « Post-Partum Document » de Mary Kelly, c’est-à-dire comme une représentation de la relation mère-enfant dont on retrouve des traces dans les permutations spatiales des tableaux de l’artiste torontoise, de l’intimité de ses intérieurs tunisiens à ses vues urbaines des séries de la « Cottingham School » et de « Flag ». La théorie de Mary Kelly sur le fétichisme féminin dans la même oeuvre a été utilisée comme un modèle pour tracer la trajectoire du désir et de la perte de la mère dans les peintures de Pflug. Je conclurai en montrant que l’énonciation de l’expérience de la perte de la fille/de la mère dans les tableaux, légitime l’expérience du deuil des femmes dans la culture patriarcale. Et c’est en cela que réside leur plaisir.