Abstracts
Résumé
Physiquement diminué par la maladie et ébranlé par la Guerre, Matisse entreprend une série d’oeuvres qui l’amènent thématiquement, formellement et techniquement hors des sentiers battus par sa propre pratique et par la tradition moderniste dont il constitue l’une des grandes balises. Il s’agit de travaux décoratifs effectués à partir de papiers découpés, composés avec l’aide d’assistants et destinés à des objets utilitaires : livres, écharpes, bannières, vitraux et murales en céramique. Celui que ses tracés déliés et sa virtuosité de coloriste ont consacré maître de la peinture, s’abandonne aux aléas de la reproduction mécanique et aux spécialistes des métiers d’art.
La relative position de faiblesse qui semble l’orienter dans cette voie ne mène cependant pas Matisse à une révision radicale du canon de l’art moderne (les critiques de Matisse sont ici complices de son conservatisme). Alors que ses expériences d’art appliqué connaissent un certain succès et le rappellent à l’attention du public, il s’inquiète des risques encourus dans l’entreprise. Celui pour qui facture rime avec signature se réclame toujours de la même originalité créatrice. C’est pourquoi il finira par abandonner l’univers du multiple pour le grand papier découpé autographe, lieu d’une projection fantasmatique où l’artiste invalide retrouve toute sa puissance de contrôle et d’infinie délectation.