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Depuis 1931, l’année où le MoMA mettait sur pied sa première exposition de Matisse, jusqu’en 1951, l’époque qui vit Alfred Barr publier son imposante monographie (Matisse: His Art and His Public) et organiser une autre importante rétrospective de l’artiste, le musée new yorkais s’engageait dans un processus d’institutionnalisation qui allait modifier—d’aucuns diraient « momifier »—sa vocation initiale. D’une simple galerie vouée à la présentation d’expositions temporaires, il allait en effet devenir le dépositaire que l’on sait d’une célèbre collection d’art moderne.
Alfred Barr est le personnage-clé de cette transformation et l’instigateur du canon moderniste qui trouve encore des échos dans les pratiques actuelles du musée. Sa détermination à rassembler un large public pour le MoMA le porta à des initiatives en apparence contradictoires, où des opérations de battage médiatique et des stratégies renouvelées d’accrochage devaient se combiner à la rigueur du scholarship pour imposer une certaine idée du développement de l’art de ce siècle.
La figure emblématique de Matisse paraît avoir joué un rôle de premier plan dans ces stratégies, le Matisse d’avant 1920 qu’une certaine austérité formelle préservait encore d’un hédonisme trop affiché. La dernière rétrospective de l’artiste, organisée par le MoMA en 1992, s’inscrit dans le prolongement du canon matisséen et moderniste élaboré par Barr au lieu d’en produire l’analyse critique.