Abstracts
Résumé
Le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est un problème chronique qui affecte plusieurs aspects du fonctionnement des jeunes, dont le rendement scolaire. Ces jeunes sont particulièrement à risque de vivre des difficultés importantes lors de leur passage au secondaire, notamment à cause des difficultés organisationnelles associées au TDAH. Or, peu d’interventions sont disponibles pour ces élèves et leur famille. Le Projet TRANSITION propose des interventions ciblant les stratégies d’études et les habiletés organisationnelles afin de soutenir les élèves ayant un TDAH et leurs parents. La présente étude vise à évaluer l’effet du Projet TRANSITION sur le rendement scolaire. L’échantillon est composé de 47 familles, réparties aléatoirement entre un groupe participant à l’intervention et un groupe contrôle recevant les services habituels de la communauté. À la fin du secondaire 1, les parents dont l’enfant a participé à l’intervention rapportent un meilleur rendement scolaire de leur enfant. Cependant, il n’y a pas de différences significatives entre les groupes pour ce qui est du rendement scolaire selon le bulletin ou du rendement scolaire rapporté par le jeune. Cette étude contribue à enrichir les connaissances sur l’efficacité d’interventions pour un groupe de jeunes sous-représenté dans la littérature.
Mots-clés :
- Trouble déficit de l’attention,
- transition primaire-secondaire,
- intervention multi-modale,
- rendement scolaire
Abstract
Attention deficit hyperactivity disorder (ADHD) is a chronic disorder that affects many aspects of the functioning of youth, including school performance. Students with ADHD are particularly at risk of experiencing significant difficulties in their transition to high school, particularly because of the organizational difficulties associated with ADHD. However, few interventions are available for these students and their families. The Transition Project proposes interventions targeting educational strategies and organizational skills to support students with ADHD and their parents. This study aims to evaluate the effect of the Transition Project on student achievement. The sample consisted of 47 families randomly assigned to a group participating in the intervention or a control group receiving the usual services of the community. At the end of the Grade 7, parents whose children participated in the intervention reported better academic achievement of their child. However, there are no significant differences between groups in terms of academic achievement according to the report card or academic achievement reported by young. This study enhances knowledge on the effectiveness of interventions for students with ADHD.
Keywords:
- Attention deficit hyperactivity disorder,
- school transition,
- multimodal intervention,
- academic achievement
Article body
Introduction
Le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est un désordre neurodéveloppemental chronique qui persiste à l’adolescence et à l’âge adulte dans plus de 74 % des cas (Spencer, Biederman et Mick, 2007). Ce trouble est caractérisé par une combinaison hétérogène de symptômes d’hyperactivité, d’impulsivité et d’inattention. En contexte scolaire, les symptômes d’inattention se manifestent par des comportements tels que : difficultés à s’organiser, oublis fréquents, pertes des objets nécessaires et difficultés à demeurer attentif. Parmi, les symptômes d’hyperactivité/impulsivité s’observent notamment des difficultés à attendre son tour, une tendance à répondre avant d’avoir pris connaissance de l’ensemble de la question et du bavardage excessif (APA, 2013).
TDAH et habiletés organisationnelles
Les jeunes ayant un TDAH présentent fréquemment des difficultés au niveau des comportements d’organisation (temps et espace), de planification et d’études (OTEPE; Abikoff et Gallagher, 2008). Les difficultés au plan de l’organisation incluent notamment une piètre utilisation des routines et des outils à leur disposition (agenda, listes de tâches, etc.) et une stratégie de travail désordonnée. Les difficultés au plan de la planification incluent principalement l’incapacité à anticiper et décomposer les tâches à effectuer. Ces jeunes présenteront donc une confusion ou une incertitude lorsqu’ils ont à développer un plan d’action. De plus, les problèmes d’organisation et de planification, ainsi que les difficultés à se souvenir des échéances, contribueront considérablement aux difficultés sur le plan de l’étude. Une incapacité à faire le suivi de leurs devoirs et de leurs leçons, ainsi que des oublis du matériel d’étude nécessaire (cahiers, devoirs, etc.) risquent donc d’être présents (Abikoff et Gallagher, 2008). Les habiletés d’OTEPE sont primordiales pour rencontrer les exigences scolaires (Gallagher et Abikoff, 2014), et les difficultés à ce niveau sont donc associées à une plus faible réussite scolaire (Gureasko-Moore, DuPaul et White, 2006).
Fonctionnement scolaire chez les jeunes ayant un TDAH
Au niveau scolaire, les élèves ayant un TDAH sont désavantagés par rapport à leurs pairs (Daley, 2006). Ces élèves ne sont pas disponibles au moment des apprentissages en raison de leur manque d’attention et de leur impulsivité/hyperactivité, ce qui rend difficile l’acquisition de nouvelles habiletés et de nouvelles connaissances en dépit de leur potentiel intellectuel. Ils ont aussi de la difficulté à s’organiser de manière autonome pour planifier et pour exécuter les tâches exigées, ce qui les rend davantage dépendants d’un soutien externe pour compléter leurs tâches scolaires (Langberg, Epstein, Altaye et al., 2008; Langberg, Epstein, Urbanowicz, Simon et Graham, 2008). Ainsi, jusqu’à 30 % des jeunes ayant un TDAH ne réussiront pas au niveau scolaire conforme à leur âge ou à leur quotient intellectuel (Frazier, Youngstrom, Glutting et Watkins, 2007; Frick et al., 1991; Kamphaus et Frick, 1996; Loe et Feldman, 2007). De plus, les jeunes ayant un TDAH présentent un risque de 2,7 à 3 fois plus important de redoubler une année scolaire que ceux sans TDAH, et 30 % décrochent avant la fin du secondaire (Kent et al., 2011).
Transition scolaire
La transition du primaire au secondaire représente une période critique pour l’adaptation ultérieure de l’élève (Cauley et Jovanovich, 2006; Smith, Waschbusch, Willloughby et Evans, 2000; Roybal, Thornton et Usinger, 2014). Au Canada, la transition du primaire au secondaire correspond au passage de la 6e année à la 7e année (nommée secondaire 1 au Québec) et se déroule vers l’âge de 12 ans. Cette transition scolaire est caractérisée par un changement dans le contexte d’apprentissage. L’élève passe d’une école où il demeure dans la même classe avec un seul enseignant pour les matières principales, à une école où, pour chacune des matières, il y a un changement de classe et d’enseignant. Dans la population générale, le passage au secondaire est associé à une baisse de la motivation et des résultats scolaires, ainsi qu’à une diminution du sentiment de compétence scolaire (Barber et Olsen, 2004; Benner, 2011; Gutman et Midgley, 2000; Zanobini et Usai, 2002). De plus, chez les élèves ayant un TDAH, une recrudescence des symptômes est observée (Langberg, Epstein, Altaye et al., 2008). Cette période de transition est donc particulièrement difficile pour ces jeunes dont le profil de difficulté entre en contradiction avec les exigences d’autonomie et les demandes organisationnelles de l’école secondaire (Gureasko-Moore et al., 2006; Langberg et al., 2011). Langberg, Epstein, Altaye et collègues (2008) soulignent la nécessité d’offrir une intervention ciblant spécifiquement la période de transition au secondaire pour les élèves ayant un TDAH.
Interventions pour les jeunes ayant un TDAH
Bien que la médication soit une des modalités d’intervention privilégiée dans le TDAH, elle n’est pas un substitut au développement de stratégies d’études (Barkley, 2006; Hoza, Kaiser et Hurt, 2008; Nadeau, 2011; Sonuga-Barke et al., 2013; Swanson, McBurnett, Christian et Wigal, 1995). Ainsi, l’inclusion de modalités d’interventions psychosociales est nécessaire afin de favoriser l’adaptation de ces jeunes (Conners, 2001; Pelham et Fabiano, 2008; Pelham, Fabiano et Massetti, 2005). De plus, lorsqu’une amélioration du fonctionnement scolaire est spécifiquement attendue, il est particulièrement souhaitable que cette intervention cible notamment les difficultés d’OTEPE (Gallagher et Abikoff, 2014; Kent et al., 2011). Par ailleurs, à partir de l’adolescence, considérant notamment les demandes accrues d’autonomie, il est particulièrement important que les interventions psychosociales favorisent la participation directe du jeune (Sibley, Kuriyan, Evans, Waxmonsky et Smith, 2014). En effet, les adolescents développent des capacités cognitives qui leur permettent de jouer un rôle plus actif dans le traitement du TDAH (Weiss et al., 2008).
Actuellement, les interventions ciblant les difficultés d’OTEPE peuvent être départagées en trois catégories. Une première forme d’intervention, dont la plus connue est le Hormework Organizational and Planification Skills (HOPS), cible de manière spécifique certaines habiletés d’OTEPE, telles que la prise en note des devoirs et l’organisation du matériel scolaire (Langberg et al., 2011). D’autres interventions, tel que le Challenging Horizons Program, incluent un volet d’entraînement aux habiletés d’OTEPE, abordant notamment l’organisation du matériel scolaire et les méthodes de prise de notes en classe, tout en ciblant d’autres aspects du fonctionnement des jeunes tels que les habiletés sociales (Langberg et al., 2007). Ces deux types d’interventions s’adressent spécifiquement aux jeunes. Finalement, certaines interventions, telle que le Collaborative Life Skills (Pfiffner, Villodas, Kaiser, Rooney et McBurnett, 2013) et le Supporting Teens’ Academic Needs Daily (Sibley et al., 2013) ciblent l’amélioration des habiletés d’OTEPE à la fois par le biais d’un volet auprès des jeunes mais aussi par un volet plus soutenu d’intervention auprès des parents.
Nonobstant la forme de l’intervention, les interventions d’entraînement aux habiletés d’OTEPE conduisent généralement à une diminution des difficultés d’OTEPE rapportées par les parents (Langberg et al., 2007; Langberg et al., 2011; Langberg, Epstein, Becker, Girio-Herrera et Vaughn, 2012; Normandeau, Hechtman, Vaillancourt, Girard-Lapointe et Allard, 2015) et les enseignants (Abikoff et al., 2013; Pfiffner, Villodas, Kaiser, Rooney et McBurnett, 2013). Cependant, les résultats sur le rendement scolaire de l’enfant sont davantage mitigés (Evans, Langberg, Raggi, Allen et Buvinger, 2005; Evans, Schultz, DeMars et Davis, 2011).
Ainsi, le Challenging Horizons Program ne montre généralement pas d’effet sur la moyenne générale des matières scolaires au bulletin à la suite de l’intervention (Evans, Axelrod et Langberg, 2004; Evans et al., 2005; Evans et al., 2011; Molina et al., 2009). Cependant, lorsque le rendement scolaire est vérifié en utilisant le rendement dans des matières scolaires spécifiques plutôt qu’une moyenne générale, certains effets sont observés (Evans et al., 2011; Langberg et al., 2007), mais ces résultats ne sont pas constants d’une étude à l’autre. Evans et collègues (2011) rapportent un effet uniquement pour les notes en mathématiques, alors que Langberg et ses collègues (2007) rapportent un effet uniquement en sciences (mais pas en anglais, mathématiques et histoire). D’autres interventions, visant spécifiquement l’entraînement aux habiletés d’OTEPE, conduisent à des bénéfices sur la moyenne générale au bulletin (Langberg, Epstein, Urbanowicz et al., 2008; Langberg et al., 2012), mais leur effet sur le rendement scolaire de matières spécifiques (mathématiques, sciences, histoire et anglais) n’a pas été clairement montré.
Par ailleurs, bien que peu nombreuses, les études ayant vérifié le rendement scolaire des jeunes à la suite d’une intervention multidimensionnelle incluant un volet important d’intervention auprès des parents montrent des résultats encourageants. Une intervention combinant des rencontres familiales (parent-adolescent) hebdomadaires avec quatre rencontres mensuelles de groupes pour les parents a montré des bénéfices sur la moyenne générale au bulletin (Sibley et al., 2013). Une autre intervention, comprenant 10 rencontres de groupe pour les parents et 10 rencontres de groupes pour les enfants, a conduit à une amélioration du rendement scolaire en langue maternelle et mathématiques (Pfiffner et al., 2013). Ces résultats appuient les conclusions de certains auteurs qui relèvent l’importance d’inclure une intervention auprès des parents lorsqu’on souhaite améliorer le fonctionnement scolaire du jeune (Rogers, Wiener, Marton et Tannock, 2009; Sibley, Smith, Evans, Pelham et Gnagy, 2012).
Par contre, certaines limites des études mentionnées ci-dessus rendent difficile d’en tirer des conclusions générales. Une grande hétérogénéité est présente entre les études quant à l’âge des participants. Certaines études incluent des enfants dont l’âge moyen est de 8 à 9 ans (Abikoff et al., 2013; Pfiffner et al., 2007; Pfiffner et al., 2013). D’autres études incluent des jeunes de 11 à 14 ans (Evans et al., 2004; Evans et al., 2005; Evans et al., 2011; Langberg et al., 2012) ou de 11 à 16 ans (Sibley et al., 2013), ce qui correspond respectivement à la fin du primaire et au premier cycle du secondaire. De plus, certaines sont des études pilotes ayant moins de 20 participants (Evans et al., 2004; Langberg et al., 2012) et neuf études sur 12 incluent un groupe de comparaison (Abikoff et al., 2013; Evans et al., 2005; Evans et al., 2011; Langberg et al., 2007; Langberg, Epstein, Urbanowicz et al., 2008; Langberg et al., 2012; Molina et al., 2009; Pfiffner et al., 2007; Sibley et al., 2013). En outre, aucune de ces 12 études n’inclut un échantillon où tous les enfants sont sous médication, et seulement deux études mentionnent avoir contrôlé l’effet de la médication (Abikoff et al., 2013; Sibley et al., 2013). Il en résulte qu’aucune intervention pour les jeunes adolescents ayant un TDAH n’a été évaluée à l’aide d’une étude avec un groupe de comparaison et un contrôle de l’effet de la médication
En somme, considérant à la fois la nécessité d’intervenir directement auprès de l’adolescent et l’importance d’outiller les parents à soutenir leur enfant, les interventions d’entraînement aux habiletés organisationnelles combinant des interventions directement auprès des jeunes à des interventions parentales et familiales s’avèrent l’avenue la plus prometteuse pour soutenir les jeunes ayant un TDAH dans la transition du primaire au secondaire. Cependant, puisque les résultats d’études antérieures ne permettent pas d’établir de manière raisonnable l’efficacité d’une telle intervention sur le rendement scolaire des adolescents, il s’avère important d’en vérifier préalablement les bénéfices auprès de cette population à l’aide d’études avec groupe de comparaison.
Objectif et hypothèse de recherche
Aucune des études antérieures portant sur une intervention d’entraînement aux habiletés d’OTEPE n’a spécifiquement vérifié l’effet de l’intervention chez les jeunes au moment de la transition scolaire. L’objet de la présente étude est donc d’évaluer l’effet sur le rendement scolaire d’un programme d’intervention, le Projet TRANSITION, qui vise à soutenir les jeunes ayant un TDAH et leur famille lors de la transition de la 6e année primaire au secondaire 1. Le Projet TRANSITION, est une intervention multimodale qui met l’accent sur l’apprentissage des habiletés d’organisation et des stratégies d’études, ainsi que sur les stratégies éducatives des parents pour soutenir les apprentissages scolaires de leur enfant.
Sur la base des résultats d’études antérieures, qui suggèrent que les interventions individuelles visant principalement l’entraînement aux habiletés d’OTEPE et les interventions incluant des rencontres familiales sont des modalités permettant d’améliorer le rendement scolaire des jeunes ayant un TDAH, il est possible de suggérer que les jeunes ayant participé à l’intervention TRANSITION présenteront un meilleur rendement scolaire que ceux n’y ayant pas participé.
Méthode
Participants
Au total, 47 enfants (âge moyen lors de l’évaluation de pré-sélection = 12,07 ans, E.T. = 0,53) participent à l’étude. Les enfants ont été assignés de manière aléatoire entre un groupe intervention (n = 29) et un groupe contrôle recevant les services habituellement dispensés par la communauté (n = 18).
Sur la base du DSM-IV-TR (APA, 2000), manuel diagnostique en vigueur lors du recrutement, tous les enfants (35 garçons, 12 filles), ont un diagnostic de TDAH (28 sous-type inattention prédominante, 19 sous-type mixte) attesté par un médecin et confirmé lors d’une évaluation diagnostique. Tous les participants prennent une médication de type psychostimulant pour en contrôler les symptômes. La majorité des enfants (66,7 %) vit avec ses deux parents, 15,6 % avec un seul parent et 17,8 % en famille recomposée. Le revenu familial annuel médian est de 85 000 $ et plus. L’âge moyen des parents est 42,53 ans pour les mères (n = 44; E.T. = 5,00), et 45,85 ans pour les pères (n = 43; E.T. = 6,46). La majorité des parents a complété des études post-secondaires (collégial : 30,2 % des mères et 36,3 % des pères; universitaire : 48,8 % des mères et 29,6 % des pères), tandis que les autres parents ont complété une scolarité de niveau primaire (4,7 % des mères; 11,4 % des pères) ou secondaire (16,3 % des mères; 22,8 % des pères).
Procédure
Sélection des participants. Les familles ont été référées par un professionnel du milieu de l’éducation, de la santé ou du milieu communautaire. Afin de participer à l’étude, l’enfant devait remplir les critères suivants : (a) être en 6e année avec passage prévu en secondaire 1 l’année suivante; (b) présenter un diagnostic de TDAH selon le Diagnostic Interview Schedule for Children-IV (DISC-IV; Shaffer, Fisher, Lucas, Dulcan et Schwab-Stone, 2000); (c) être sous traitement pharmacologique permettant un contrôle optimal des symptômes de TDAH; (d) ne pas présenter un QI < 80 (WISC-IV, 2005), de trouble envahissant du développement, de trouble de langage sévère ou de trouble d’apprentissage occasionnant deux années ou plus de retard scolaire, de maladie neurologique diagnostiquée, de syndrome Gilles de la Tourette, et ne pas être né prématurément (<35 semaines).
Intervention. L’intervention (Projet TRANSITION) s’est déroulée sur deux sites (Université de Montréal et Université McGill). L’intervention, se déroulant de la fin de la 6e année primaire à la fin du secondaire 1, comporte un volet d’intervention en groupe pour les jeunes, un volet d’intervention en groupe pour les parents et un volet de mentorat à domicile. Pour les trois volets du Projet TRANSITION, un manuel (Normandeau et al., 2011) décrit le contenu prévu pour chacune des rencontres, les activités servant de moyens de présentation du contenu, ainsi que les objectifs de la rencontre. Le contenu du programme se divise en huit thèmes : a) le TDAH et la médication, b) l’organisation de l’espace et du matériel scolaire (par exemple, organiser son cartable), c) la gestion du temps (par exemple : estimer le temps requis, établir une routine), d) prise en notes des devoirs et autres tâches scolaires dans l’agenda, e) transition au secondaire (gestion du stress, se familiariser avec la nouvelle école), f) planification et exécution des devoirs, g) planification et organisation des lectures et de l’étude, h) planification et gestion des projets à long terme (par exemple : décomposer les étapes requises, planifier des périodes de travail). Les 12 rencontres du groupe pour les jeunes et du groupe pour les parents se sont déroulées simultanément entre avril de la 6e année et décembre du secondaire 1, alors que les 19 rencontres de mentorat au domicile des familles ont eu lieu entre avril de la 6e année et mai du secondaire 1.
L’intervention du volet Jeune vise principalement à améliorer les stratégies d’organisation, de gestion du temps et d’études. L’intervention du volet Parent vise à outiller les parents afin qu’ils adoptent des stratégies éducatives efficaces pour soutenir leur enfant dans ses activités d’apprentissage. Les rencontres de mentorat visent à fournir un accompagnement individualisé au jeune et à ses parents dans la mise en pratique des habiletés.
Toutes les familles sauf une, ont maintenu leur participation jusqu’à la fin de l’intervention. Conformément a ce qui était prévu par le manuel, après chaque rencontre les intervenants ont complété une grille qui indiquait les activités effectuées. Les résultats montrent que l’intervention a été implantée conformément à ce qui était prévu.
Instruments de mesure
Évaluation diagnostic du TDAH du jeune. Les trois instruments suivants ont été utilisés à des fins de confirmation du diagnostique de TDAH chez les jeunes.
DISC IV (1997). Cet instrument permet d’évaluer la présence de plus de 30 diagnostics psychiatriques auprès des enfants et des adolescents âgés entre 6 et 17 ans sur la base des critères du DSM–IV (Shaffer et al., 2000). Le DISC-IV a été utilisé lors d’une entrevue structurée auprès du parent afin de confirmer le diagnostic de TDAH et d’évaluer la présence de problèmes cooccurrents chez l’enfant.
Conner’s version 3 pour les parents (2008). Ce questionnaire comprenant 110 énoncés auxquels le parent répond sur une échelle de type Likert à quatre points d’ancrage allant de pas du tout (0) à énormément (3), est utilisé afin d’évaluer les comportements spécifiques du TDAH et les comportements associés au cours du dernier mois. Les échelles retenues sont : inattention (α = ,93) et hyperactivité/impulsivité (α = ,94) (Conners, 2008).
Weschler Intelligence Scale for Children (WISC, IV; Wechsler, 2004). Le WISC-IV figure parmi les tests les plus utilises pour l’évaluation des habiletés cognitives chez les jeunes de 6 à 16 ans (Bremner, McTaggart, Saklofske et Janzen, 2011). Six sous-tests ont été administrés : blocs, matrices, concept en images, compréhension, similitudes et vocabulaire. Ces sous-tests permettent d’obtenir un bon indice du potentiel intellectuel de l’enfant (Raiford, Weiss, Rolfhus et Coalson, 2005).
Caractéristiques sociodémographiques. Quatre indicateurs des caractéristiques sociodémographiques ont été mesurés auprès des familles : (a) l’âge des parents, (b) le revenu familial incluant moins de 45 000 $, 45 000 - 85 000 $ et plus de 85 000 $, (c) la composition familiale incluant la biparentalité, la monoparentalité et la famille recomposée, et (d) le niveau de scolarité le plus élevé complété par chaque parent incluant le niveau primaire, secondaire, collégial et universitaire.
Mesure du rendement scolaire
Écart au groupe selon le bulletin en langue maternelle et en mathématiques. Cette variable provient du bulletin scolaire. La différence entre la note de l’enfant et la moyenne du groupe-classe en français (anglais) et en mathématiques sont utilisés comme mesure de l’écart au groupe selon le bulletin. Ces deux variables sont mesurées à la fin de la sixième année primaire ainsi qu’à la fin du secondaire 1.
Rendement en langue maternelle et en mathématiques rapporté par le jeune et le parent. L’enfant répond aux questions « Depuis le début de l’année scolaire, comment évalues-tu ton rendement (réussite scolaire) en français (anglais) par rapport aux autres élèves » et « Depuis le début de l’année scolaire, comment évalues-tu ton rendement (réussite scolaire) en mathématiques par rapport aux autres élèves ». Le parent répond à la question « Depuis le début de l’année scolaire, comment évaluez-vous son rendement (réussite scolaire) en français (anglais) par rapport aux autres élèves » et à la question « Depuis le début de l’année scolaire, comment évaluez-vous son rendement (réussite scolaire) en mathématiques par rapport aux autres élèves ». Cette variable contient 5 points d’ancrage (allant de « nettement au-dessous de la moyenne » à « nettement au-dessus de la moyenne ») et est mesurée à la fin du secondaire 1.
Résultats
Analyses préliminaires
Le tableau 1 présente les variables de rendement scolaire utilisées dans les analyses.
Des analyses préliminaires à l’aide de test-t ont été effectuées pour confirmer l’absence de différence significative entre le groupe intervention et le groupe contrôle pour les variables de rendement scolaire au pré-test. Les moyennes et les écart-types sont rapportés au tableau 2. Au pré-test, les groupes ne se distinguent pas au niveau des notes au bulletin (langue maternelle : t (43) = 0,39, p = 0,70; mathématiques : t (43) = -0,37, p = 0,71) ou de l’écart au groupe selon le bulletin (langue maternelle t (43) = 0,33, p = 0,75; mathématiques : t (43) = -0,13, p = 0,90). Des analyses préliminaires à l’aide de chi-deux ont été effectuées afin de confirmer que les groupes sont équivalents quant à la représentation des sous-types de TDAH, des problèmes cooccurrents et des variables sociodémographiques : sexe de l’enfant, scolarité des parents, composition familiale et revenu familial. Les résultats sont présentés au tableau 3.
Il n’existe pas d’association entre le groupe et le sous-type, la présence d’une cooccurrence avec un problème intériorisé ou extériorisé, le sexe de l’enfant, le niveau de scolarité complété par la mère ou le père, la composition familiale ou le revenu familial.
Lien entre la participation au Projet TRANSITION et le rendement scolaire
Rendement scolaire en langue maternelle et en mathématiques. Des test-t pour échantillons indépendants utilisant le groupe d’appartenance (intervention ou contrôle) comme variable indépendante ont été effectués pour les variables de perception du rendement scolaire rapportées par le jeune et par le parent puisque ces variables ont été mesurées uniquement au post-test. À la fin du secondaire 1, il n’y a pas de différence significative entre le groupe contrôle et le groupe recevant l’intervention pour la perception de l’enfant quant à son rendement en langue maternelle (t (43) = 0,45, p = 0,66) et en mathématiques (t (43) = 0,76, p = 0,45). On observe cependant une différence significative entre les groupes pour ce qui est de la perception qu’a le parent du rendement de son enfant en langue maternelle (t (39) = 2,41 p = 0,02) et en mathématiques (t (39) = 1,92 p = 0,06) à la fin du secondaire 1. Les parents des enfants ayant participé à l’intervention évaluent plus favorablement la réussite de leur enfant en langue maternelle (M = 3,27, E.T. = 0,87) et en mathématiques (M = 3,15, E.T. = 0,97) à la fin du secondaire 1 que les parents des enfants n’ayant pas participé à l’intervention (langue maternelle : M = 2,60, E.T. = 0,83, mathématiques : M = 2,60, E.T. = 0,74). Pour les mesures de rendement scolaire provenant du bulletin scolaire, soit les variables d’écart du rendement scolaire par rapport à la moyenne du groupe selon le bulletin en langue maternelle et en mathématiques, des analyses de co-variance contrôlant pour les scores obtenus au pré-test ont été effectuées. Il n’y a pas de différence significative observée en secondaire 1 entre le groupe contrôle et le groupe intervention au niveau de l’écart par rapport au groupe classe selon le bulletin en langue maternelle (F (1,34) = 0,54, p = 0,47) et en mathématiques (F (1,34) = 0,03, p = 0,86).
Discussion
La présente étude visait à vérifier les effets sur le rendement scolaire d’une intervention multimodale offerte aux jeunes ayant un TDAH et leurs parents lors de la transition scolaire du primaire au secondaire.
Écart au groupe au bulletin en langue maternelle et mathématiques
Contrairement à notre hypothèse de départ, les jeunes ayant participé à l’intervention ne présentent pas un meilleur rendement scolaire selon le bulletin à la fin du secondaire 1 que les jeunes n’y ayant pas participé.
La présente étude appuie les résultats de certaines études antérieures n’ayant pas retrouvé d’effet de l’intervention sur le rendement scolaire au bulletin en langue maternelle (Langberg et al., 2007; Langberg et al., 2011) et en mathématiques (Langberg et al., 2007). Par contre, la présente étude n’appuie pas l’amélioration du rendement scolaire au bulletin de langue maternelle relevé par Pfiffner et ses collègues (2013) et au bulletin de mathématiques relevé par Langberg et ses collègues (2007) et Pfiffner et ses collègues (2013). Cela est potentiellement attribuable au fait que ces études (Langberg et al., 2007; Pfiffner et al., 2013) n’avaient pas utilisé de groupe de comparaison pour leur analyse. Ainsi, il est possible que leurs observations d’une amélioration était en partie attribuable à un facteur autre que l’intervention, par exemple l’effet du temps, qui n’a pas été détecté vu l’absence de groupe de contrôle. De même, bien que les résultats de la présente étude ne vont pas dans le sens de ceux de certaines études ayant documenté des bénéfices sur le rendement scolaire à la suite de la participation à l’intervention (Langberg, Epstein, Urbanowicz et al., 2008; Langberg et al., 2012; Sibley et al., 2013), cela peut être attribuable au fait que ces études utilisaient la moyenne générale au bulletin plutôt que le rendement dans certaines matières spécifiques. Par ailleurs, le HOPS (Langberg, Epstein, Urbanowicz et al., 2008; Langberg et al., 2012) était composé de séances moins longues mais dispensées de manière plus intensive (16 séances de 20 minutes réparties sur 8 semaines; Langberg, Epstein, Urbanowicz et al., 2008; 16 séances de 20 minutes réparties sur 11 semaines, Langberg et al., 2012) que dans la présente étude. Il est possible que le recours à des séances plus courtes réponde mieux aux capacités de concentration des jeunes, et ainsi contribue à ce qu’ils intègrent plus efficacement les habiletés enseignées dans l’intervention. Une meilleure intégration des habiletés enseignées peut potentiellement conduire à une plus grande application de celles-ci en contexte scolaire, elle-même cruciale pour l’amélioration du rendement scolaire (Langberg et al., 2013).
Mesures du rendement scolaire par le jeune et le parent
À notre connaissance, la présente étude est une des rares études à intégrer la perception qu’ont les jeunes ayant un TDAH de leur rendement scolaire. Il est important de rappeler que l’inclusion de mesures rapportées par le jeune visait à s’intéresser à la perception qu’a le jeune de son rendement scolaire. Selon certains auteurs, les jeunes ayant un TDAH surestiment généralement leurs compétences, et ce particulièrement dans les domaines où leurs difficultés sont plus importantes (Hoza et al., 2004; Kuncel, Credé et Thomas, 2005). Dans un tel cas, l’évaluation que les jeunes font de leur rendement scolaire devrait toutefois différer de l’évaluation du rendement scolaire rapporté sur le bulletin. Toutefois, dans la présente étude, l’absence de différence retrouvée entre les groupes quant à la perception du rendement scolaire par le jeune est conforme à ce qui est observé à l’aide de la mesure du rendement scolaire selon le bulletin. Considérant l’absence de différence retrouvée entre les groupes quant au rendement scolaire rapporté par l’enfant, la participation à l’intervention ne semble donc pas influencer la perception des jeunes quant à leur rendement scolaire. Cependant, une vérification plus approfondie de la concordance entre le rendement scolaire au bulletin et la perception que le jeune a de son rendement scolaire serait nécessaire afin d’appuyer cette observation.
Trois raisons peuvent expliquer l’existence d’une différence entre les groupes (intervention et contrôle) uniquement au niveau de la perception parentale du rendement scolaire de son enfant par rapport aux autres enfants de sa classe. Premièrement, la mesure du rendement scolaire rapportée par le parent est une mesure subjective où le parent doit se prononcer sur la position de son enfant par rapport à la moyenne (‘’très supérieur à la moyenne’’, ‘’dans la moyenne’’, etc.). Il est possible que l’intervention ait amené les parents à avoir des attentes plus réalistes envers leur enfant (par exemple, viser une note de 5 points plutôt que de 10 points au-dessus de la moyenne), ce qui les a conduits à adopter une perception plus favorable du rendement scolaire de leur enfant. Deuxièmement, il est possible que ces parents aient observé une amélioration du fonctionnement à la maison lors de la période de devoirs, ce qui les a menés à conclure qu’il y avait également une amélioration du rendement scolaire, alors que cette amélioration ne s’était pas en réalité traduite par une amélioration des résultats au bulletin scolaire. Par exemple, Langberg et ses collègues (2007) ont relevé que les bénéfices d’une intervention ne se traduisaient pas aussi rapidement sur les résultats au bulletin scolaire que sur les observations de progrès scolaires rapportés par les parents. Troisièmement, puisque ces parents ont investi beaucoup de temps et d’énergie dans l’intervention, il est possible qu’ils aient eu tendance à surestimer le rendement scolaire de leur enfant.
Limites et forces de l’étude
La présente étude comporte cinq limites. Une première limite concerne la petite taille de l’échantillon et le manque de puissance statistique qui a pu en résulter. Il est possible que d’autres résultats significatifs ne soient pas ressortis au plan du rendement scolaire rapporté par les jeunes à la fin de l’intervention. Il aurait aussi été intéressant de pouvoir contrôler la perception initiale que les jeunes et les parents avaient quant au rendement scolaire du jeune. En outre, il est à noté que le revenu familial médian des familles du présent échantillon était élevé. En dépit du fait que la publicité a été faite dans toutes les écoles des territoires visés (Montréal et sa périphérie), les familles qui ont manifesté leur intérêt à participer sont les mieux nanties. Aussi, le type de programme scolaire (régulier, cursus enrichi, sport-étude, etc.) fréquenté par les jeunes au secondaire n’a pas été considéré. Il est également nécessaire de rappeler que la présente étude s’intéressait spécifiquement au rendement scolaire dans deux matières principales (mathématiques et langue maternelle). Il demeure donc possible qu’un effet de l’intervention sur d’autres matières scolaires puisse être observé si davantage de matières étaient considérées (Langberg et al., 2007).
La présente étude comprend cependant cinq forces, notamment quant au choix des mesures de rendement scolaire retenues. D’une part, l’utilisation du bulletin scolaire plutôt qu’un test standardisé de rendement scolaire est davantage pertinente chez les élèves du secondaire (Evans et al., 2011; Kent et al, 2011). En effet, les notes au bulletin scolaire reflètent les performances de l’élève sur une multitudes de tâches (devoirs, tests, examens, projets, etc.), ce qui permet d’obtenir un portrait plus valide du rendement de l’élève en contexte scolaire (Kent et al., 2011). De plus, considérant que les jeunes proviennent de diverses écoles, l’utilisation de l’écart par rapport à la moyenne de la classe comme mesure du fonctionnement scolaire selon le bulletin a permis de prendre en compte une certaine variabilité pouvant exister entre les écoles au niveau des notes au bulletin. L’écart par rapport à la moyenne de la classe permet aussi de positionner le jeune par rapport à ses pairs, et s’inscrit dans une perspective normative.
D’autre part, l’utilisation à la fois du rendement scolaire selon le bulletin et du rendement scolaire rapporté par le jeune et le parent a permis de comparer l’information provenant d’une source objective (bulletin scolaire) avec la perception, donc une source d’information plus subjective, du jeune et de son parent. En outre, le fait de vérifier de manière distincte le rendement scolaire de l’élève dans deux matières (langue maternelle; mathématiques) plutôt qu’à l’aide d’une moyenne générale permet de fournir un portrait plus précis du fonctionnement scolaire de l’élève (Kent et al., 2011).
La présente étude permet de pallier l’absence d’intervention évaluée spécifiquement pour les jeunes ayant un TDAH en période de transition scolaire. Cette étude est d’autant plus intéressante que les élèves avec un TDAH ont fréquemment des résultats scolaires inférieurs à leurs pairs ou présentent un retard scolaire. Elle soulève la nécessité de poursuivre l’étude des facteurs favorisant l’amélioration du rendement scolaire des élèves ayant un TDAH lors de leur passage au secondaire. Par exemple, vraisemblablement les comportements que l’élève adopte à l’école (tels que le maintien de l’attention en classe et la gestion du temps lors d’un examen) contribuent de manière importante au rendement qu’il obtiendra à son bulletin scolaire. Donc, il apparaît souhaitable de vérifier si des bénéfices supplémentaires sont obtenus lorsque les interventions ciblant les habiletés d’OTEPE sont mises en place directement dans les écoles afin de faciliter la généralisation des acquis. En effet, un encadrement plus soutenu de l’application des stratégies en classe pourrait déboucher sur une amélioration du rendement scolaire. Il pourrait également être intéressant de vérifier l’effet de l’intervention sur le rendement dans d’autres matières que les mathématiques et la langue maternelle. Si des résultats différents sont observés selon les matières, on pourrait dès lors tenter de déterminer les raisons pour lesquelles l’intervention peut conduire à une amélioration de certaines matières plutôt que certaines autres. Cela permettrait notamment d’explorer si certaines matières font davantage appel à des habiletés répondant plus rapidement à l’intervention que d’autres. Dans un autre ordre d’idée, il serait intéressant que les études ultérieures approfondissement le rôle de la perception de l’enfant et du parent quant au rendement scolaire du jeune. Par exemple, il serait intéressant de documenter sur la base de quels aspects du vécu scolaire les parents s’appuient pour évaluer le rendement scolaire de leur enfant (discussions avec le jeune, déroulement des devoirs, rétroaction des enseignants, etc.).
Finalement, la présente étude soulève la pertinence de faire un suivi à plus long terme des élèves ayant participé à une intervention de soutien à la transition primaire-secondaire. En effet, un tel suivi permettrait de vérifier si la participation à ce type d’intervention favorise une meilleure adaptation ultérieure de l’élève.
Appendices
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