En dépit des progrès réalisés au cours des dernières décennies pour accroître la diversité parmi les membres du corps professoral, les défis dans l’avancement de la carrière professorale demeurent des sujets d’actualité. Un nombre croissant de publications scientifiques et de rapports de recherche examinent les conséquences des biais et des préjugés dans les universités, offrant des éclairages sur les dynamiques complexes qui façonnent la reconnaissance et la progression professionnelle (Gabriel et Tate 2017 ; Henry et al. 2017 ; Gutiérrez y Muhs, Niemann et González 2020 ; Ahmed 2021 ; Paquin, Lafortune et Mesli 2023). La majorité des études sur ce sujet, en particulier celles publiées en anglais, proposent divers cadres analytiques et théoriques pour saisir la culture ou le climat contradictoire du milieu universitaire. Bien que les discours sur l’équité, la diversité, l’inclusion et l’indigénisation soient très présents dans les universités canadiennes, les avancées concrètes au niveau de l’intégration de ces valeurs restent modestes (MacKenzie et al. 2023). D’une part, les universités prônent la méritocratie, encouragent la quête de vérité et valorisent la production de connaissances neutres et objectives pour le bien de la société – des valeurs censées rendre les diverses identités linguistiques, raciales, ethniques et de genre non pertinentes. D’autre part, certaines membres du corps professoral, comme des femmes racisées, sont trop souvent « présumées incompétentes » en tant que chercheuses, enseignantes et participantes à la gouvernance universitaire (Harris et González 2012). Une enquête électronique menée en 2015 au Québec auprès de 756 professeur·es provenant de quatorze universités révèle que bien que les hommes et les femmes partagent certaines valeurs liées à la profession universitaire, notamment l’importance de la liberté universitaire, il y a des inégalités de genre marquées : Les contributions rassemblées dans cette section « Carrière, recherche, enseignement » visent à approfondir ces réflexions en éclairant la manière dont les biais, qu’ils soient conscients ou inconscients, influencent notamment la discipline de la science politique, ainsi que l’avancement de la carrière professorale. Le premier article, rédigé par Layla Déry et Sule Tomkinson, offre une synthèse des études sur l’évaluation de l’enseignement par les étudiants·es. Ces évaluations, souvent perçues comme des outils neutres, sont en réalité imprégnées de biais qui peuvent nuire à la progression et la reconnaissance des professeur·es issu·es de groupes sous-représentés. Ensuite, l’article de Saaz Taher aborde les préjugés épistémiques auxquels sont confronté·es les chercheur·es Noir·es et racisé·es, en particulier ceux et celles qui adoptent la théorie critique de la race au Québec. Dans un contexte où même les concepts de « race » et de « racisme » sont contestés, ces chercheur·es voient leurs travaux discrédités, non pas sur des critères scientifiques, mais en raison de préjugés profondément enracinés au sein du milieu universitaire. Taher propose une posture d’humilité épistémique pour remettre en question ces dynamiques, en appelant à une reconfiguration des savoirs qui intègre et valorise les perspectives des groupes historiquement marginalisés. Enfin, Christine Rothmayr Allison et Isabelle Engeli examinent la dimension genrée de l’attribution des prix en science politique. À travers une analyse des données de l’Association canadienne de science politique de 2000 à 2020, elles démontrent que malgré des avancées, les prix reflètent et renforcent encore les inégalités de genre, tout en donnant un aperçu de l’évolution de la représentation des femmes parmi les récipiendaires. Ces contributions, bien que distinctes dans leurs approches et leurs thématiques, partagent un objectif commun par rapport à une réflexion critique des pratiques institutionnelles dans le milieu universitaire et des dynamiques de pouvoir qui les sous-tendent. Ensemble, elles ouvrent un espace pour relever collectivement le défi de reconnaître les conséquences des biais dans le …
Appendices
Bibliographie
- Ahmed, Sara. 2021. Complaint! Durham : Duke University Press.
- Gabriel, Deborah et Shirley Ann Tate (dir.). 2017. Inside the Ivory Tower: Narratives of Women of Colour Surviving and Thriving in British Academia. Londres : UCL (University College London) Institute of Education Press.
- Gutiérrez y Muhs, Gabriella, Yolanda Flores Niemann et Carmen G. González. 2020 [2e éd.]. Presumed Incompetent II: Race, Class, Power, and Resistance of Women in Academia. Louisville : Utah State University Press.
- Harris, Angela P. et Carmen G. González. 2012. « Introduction. » Dans Presumed Incompetent: The Intersections of Race and Class for Women in Academia. Sous la direction de Gabriella Gutiérrez y Muhs, Yolanda Flores Niemann, Carmen G. González et Angela P. Harris, 1‑14. Boulder CO : University Press of Colorado.
- Henry, Frances, Enakshi Dua, Carl E. James, Audrey Kobayashi, Peter Li, Howard Ramos et Malinda S. Smith. 2017. The Equity Myth: Racialization and Indigeneity at Canadian Universities. Vancouver : University of British Columbia Press.
- Le Capitaine, Catherine et Mélanie Gagnon. 2019. « Le ressenti du corps professoral des universités québécoises à l’égard de leur qualité de vie au travail : Quelles différences entre les hommes et les femmes ? » Éducation & Formations 4 (99) : 87‑110.
- MacKenzie, Megan, Özlem Sensoy, Genevieve Fuji Johnson, Nathalie Sinclair et Laurel Weldon. 2023. « How Universities Gaslight EDI&I Initiatives: Mapping Institutional Resistance to Structural Change. » International Journal of Education Policy and Leadership 19 (1) :1‑18.
- Paquin, Maryse, Jean-Marie Lafortune et Samy Mesli. 2023. Équité, diversité et inclusion au sein des universités québécoises : Difficultés dans l’avancement de la carrière professorale. Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université [Rapport de recherche]. https://depot-e.uqtr.ca/id/eprint/11056/. Consulté le 17 septembre 2024.