Dans mon discours présidentiel de 2015 à l’Association canadienne de science politique (ACSP) (Vickers 2015), j’ai soutenu qu’en dépit d’un nombre beaucoup plus élevé de femmes au sein du corps professoral et d’une augmentation des recherches féministes, il n’y a eu qu’une transformation minimale de la manière dont les politologues « traditionnel·les » (mainstream) pensent la politique. Mon point de vue s’édifiait sur les perspectives de chercheures féministes de premier plan dans cinq démocraties anglophones qui attribuaient le problème à la fragmentation de la discipline, à sa culture de recherche polarisée et aux incompatibilités théorique et méthodologique entre la science politique féministe (SPF) et son homologue, la science politique conventionnelle (SPC). J’ai théorisé que le « changement transformateur » nécessiterait l’intégration du savoir féministe dans la science politique conventionnelle et l’utilisation du « genre » comme catégorie analytique. Dans mon discours, j’ai également présenté plusieurs stratégies qui, selon moi, pourraient favoriser la transformation. Cet épilogue présente d’abord les idées exprimées par certain·es des féministes francophones de ce numéro thématique qui ont rebondi à propos de la thèse avancée dans ce discours de 2015. Plusieurs de ces auteur·es remettent en question l’objectif de transformer la science politique conventionnelle : par exemple, Denis Carlier considère que construire une pratique de recherche prenant l’expérience subalterne comme critère de signification est un meilleur objectif. Il remet en cause l’objectif du changement transformateur en raison du dénialisme structurel de la discipline qui, selon lui, limitera toujours la recherche à des problèmes alignés sur la « subjectivité dominante ». Plusieurs autres auteur·es exposent l’eurocentrisme qui, selon elles et eux, caractérise la SPF anglophone, en soulignant que les effets de la dichotomie public/privé diffèrent dans les contextes postindustriels et postcoloniaux. La question la plus difficile est de savoir si le genre est le concept autour duquel la SPF devrait organiser ses efforts pour transformer la discipline. Plusieurs auteur·es se demandent implicitement si un tel changement transformateur est possible étant donné le masculinisme ancré dans la discipline depuis des siècles. Cet épilogue présente, en dernière partie, le cas des études sur le fédéralisme comme un exemple dans lequel un réseau de recherche féministe s’est engagé avec succès dans le courant dominant de la science politique. Si tous les textes de ce numéro thématique sont en français, certains portent sur des pays postindustriels, d’autres sur des régimes politiques dans des contextes coloniaux et postcoloniaux. Le point commun entre les recherches anglophones et francophones est la définition du « politique ». En tant que métaphore centrale de la modernité « occidentale » et de la démocratie libérale, la construction discursive de la dichotomie public/privé limite la recherche politique à la sphère publique. Les théoriciennes féministes anglophones du droit ont contesté trois préconceptions qui, selon elles, sous-tendent la dichotomie public/privé : 1) que la famille est pré-politique ; 2) que l’État de droit ne s’applique pas aux relations familiales ; et 3) que les familles sont ou devraient être immunes à la réglementation de l’État ou régies par le droit familial « privé ». Même lorsque le droit de la famille est réformé, ces présomptions restent ancrées dans les constitutions et limitent la portée de la citoyenneté à la sphère publique, laissant les femmes sans protection dans les relations privées. Dans son rapport de 2013, ONU Femmes (UN Women) soutient que les inégalités dans la famille sont les plus nuisibles pour la vie des femmes puisqu’elles sont sous-jacentes à tous les autres aspects de la discrimination. Plusieurs auteur·es de ce numéro thématique rejettent l’idée d’une forme unique et universelle de « famille » et l’utilisation du « genre » …
Appendices
Bibliographie
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