Dans son récent livre Open Democracy: Reinventing Popular Rule for the Twenty-first Century, Hélène Landemore mobilise à la fois la théorie normative et l’analyse empirique pour nous inviter à repenser notre manière de concevoir et de pratiquer la démocratie. Cet ouvrage, qui s’adresse à la fois aux universitaires s’intéressant à la théorie de la démocratie et à tout citoyen soucieux d’améliorer son système politique, propose une nouvelle manière d’envisager la démocratie qui se différencie radicalement de sa forme électorale. Ce nouveau « paradigme démocratique » que Landemore souhaite introduire a pour objectif de passer d’une conception électorale de la représentation plus « fermée » et « élitiste » vers une forme beaucoup plus proche des citoyens. Cette démocratie plus « ouverte » à l’ensemble de la population repose sur le principe voulant que chaque membre d’une communauté politique devrait pouvoir représenter ses concitoyens et être représenté par eux, en alternance. Après avoir clairement défini dans le premier chapitre ses objectifs ainsi que la méthodologie employée pour les atteindre, l’auteure commence son argumentaire dans le second chapitre en prenant comme point de départ ce qu’elle nomme la « crise de la démocratie représentative ». Selon elle, parce que la démocratie s’est historiquement développée sur la base de la représentation électorale, celle-ci a concentré le pouvoir politique dans les mains d’une élite politique incapable de répondre à l’idéal d’égalité démocratique et de satisfaire les préférences de la majorité. Conséquemment, on constate une désaffection croissante des citoyens pour leurs institutions dans les démocraties avancées. L’objectif de Landemore est donc de proposer une forme de démocratie basée sur une nouvelle conception de la représentation qui délaisserait sa forme électorale traditionnelle sans pour autant endosser les solutions des partisans de la démocratie directe, une approche souvent suggérée comme alternative à la démocratie électorale et représentative qu’elle rejette dans le chapitre 3, pour des raisons tant pratiques que morales. Pour Landemore, la viabilité de la démocratie exige nécessairement une certaine forme de représentation. Toutefois, il est faux de penser que les élections sont le seul mécanisme par lequel il est possible pour une population de transférer légitimement son pouvoir à des représentants. Dans les chapitres 4 et 5, elle argumente en faveur d’une forme de représentation « lotocratique » et « autosélectionnée » où les citoyens seraient appelés à participer momentanément au processus politique en étant tirés au sort ou sur la base de leur propre désir d’y participer. Le point principal de ces deux chapitres est de montrer que ces formes de représentation, si elles sont accompagnées d’un principe de « rotation » entre les représentants et les représentés, sont moins élitistes et plus égalitaires que la version électorale, tout en offrant un niveau de légitimité à tout le moins équivalent à cette dernière. C’est à partir du chapitre 6 que Landemore développe plus concrètement son modèle de « démocratie ouverte » intégrant cette nouvelle conception de la représentation. Elle ne décrit pas en détail comment un tel système prendrait forme, mais en trace plutôt les lignes directrices. Pour ce faire, elle pose cinq grands principes institutionnels plus normatifs que descriptifs qui devraient régir son fonctionnement : 1) les droits à la participation qui assurent le pouvoir des citoyens à fixer l’ordre du jour législatif ; 2) la délibération via des mini-publics intégrant tous types de citoyens qui, selon Landemore, est un processus décisionnel supérieur du point de vue épistémique ; 3) le principe majoritaire qui permet de trancher lorsque le processus délibératif n’arrive pas à un consensus ; 4) la représentationdémocratique « lotocratique » et « autoselectionnée » telle que présentée précédemment …
Open Democracy: Reinventing Popular Rule for the Twenty-first Century, d’Hélène Landemore, Princeton, Princeton University Press, 2020, 243 p.[Record]
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Félix Lévesque
Département de science politique, Université Laval
felix.levesque.5@ulaval.ca