Dans la première partie, les auteurs s’intéressent aux impacts des médias sociaux sur la participation politique et sur leur mobilisation comme outils principaux de communication et d’organisation politique : par les environnementalistes (chap. 1), ou lors du Printemps érable (chap. 2). La massification des outils technologiques a réduit les « coûts d’entrée » en politique pour les mouvements sociaux : développement d’opportunités politiques, modalités de communication moins coûteuses. Les cas d’études du Printemps érable (chap. 2) et des résistances au projet de Pipeline Énergie Est (chap. 3) permettent de souligner que les citoyens avaient ici participé de la définition des termes du débat politique. En ce sens, les réseaux sociaux avaient facilité la participation démocratique. La numérisation a également conduit à une redéfinition des répertoires d’action politique, à de nouvelles formes d’expression de l’opposition politique. Les memes (chap. 5), dont la potentielle dommageabilité est élevée, font l’objet d’un traitement à part. Les auteurs insistent sur le fait que ces nouveaux médias s’articulent avec les autres moyens de communication (notamment la couverture médiatique traditionnelle) plutôt qu’ils ne les remplacent. Enfin, ces nouveaux mouvements sociaux ont permis de politiser un public jeune (chap. 4), désenchanté par les formes traditionnelles du politique, éloigné des formes classiques d’engagement citoyen. Un second temps permet de présenter les tendances dans les pratiques des acteurs politiques : de l’utilisation de Facebook par les partis provinciaux dans l’élection de 2012 au Québec (étude de cas, chap. 7) aux transformations générales dans les stratégies de communication (la campagne permanente). La comparaison des utilisations de Twitter par une seule et même personnalité politique, selon sa position en tant qu’élu d’opposition ou ministre, permet de creuser la manière dont les conventions parlementaires se perpétuent sur les réseaux sociaux (chap. 8). Le chapitre 10 rappelle que les bases de données massives offrent aux candidats la possibilité de segmenter finement leur programme et leur électorat, en fonction d’éléments psychographiques – leurs attitudes, leurs aspirations, etc. –, ce qui a un impact important sur le débat et la construction des oppositions politiques. Ces outils réduisent aussi le champ du débat idéologique, des oppositions partisanes (un représentant politique peut se réduire à diriger des segments de population plutôt que travailler à la cohésion de l’ensemble du corps social). Enfin, la troisième partie s’intéresse à la manière dont les institutions et les agences gouvernementales ont modifié la manière dont elles s’adressent aux citoyens. La notion d’acceptabilité sociale d’un projet, comprise comme jugement collectif basé sur des valeurs économiques, environnementales, sociales, est étudiée au chapitre 12. Les auteurs s’intéressent à son opérationnalisation comme outil démocratique, à partir du cas de Vision 2035, consultation publique conduite à Saint-Bruno. Bien que les médias sociaux soient devenus une composante centrale de la vie politique canadienne, les travaux sur la notion de « tendances » dans le champ universitaire n’avaient jamais fait l’objet d’un travail rassemblé en un seul volume intégrant la dimension numérique. L’ouvrage répond à ce problème en adoptant une perspective transdisciplinaire, en sciences politiques, en management politique, en communication, en sociologie et en journalisme. Il mobilise des méthodologies diversifiées – de l’utilisation de mégadonnées aux sondages, en passant par les méthodes interprétatives, les entrevues, les observations de terrain et l’analyse de documents institutionnels ou de matériel en ligne. Si l’ensemble pourrait à première vue sembler éclectique, on comprend que le sujet même exige cette approche éclatée, ce déplacement entre les disciplines et les perspectives théoriques et méthodologiques. C’est là peut-être l’apport le plus important de cet ouvrage pour les chercheurs intéressés par la politique canadienne : un nombre impressionnant de questions théoriques. Comment étudier des publics politiquement engagés …
What’s Trending in Canadian Politics ? Understanding Transformations in Power, Media, and the Public Sphere, sous la direction de Mireille Lalancette, Vincent Raynauld et Erin Crandall, Vancouver–Toronto, University of British Columbia Press, 2020, 340 p.[Record]
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Djamila Mones
Département de sociologie, Faculté des sciences humaines, Université du Québec à Montréal
mones.djamila-joelle@courrier.uqam.ca