Recensions

When Police Kill, de Franklin E. Zimring, Cambridge, Harvard University Press, 2017, 305 p.The End of Policing, d’Alex S. Vitale, Londres et New York, Verso, 2017, 266 p.[Record]

  • Emanuel Guay

…more information

La question des décès aux mains de la police occupe une place importante dans le débat public américain, dans la foulée notamment du mouvement Black Lives Matter et plus largement des différentes mobilisations liées à des violences policières au cours des dernières décennies, de « l’été long et chaud » de 1967 aux soulèvements de Ferguson en 2014 en passant par les émeutes de 1992 à Los Angeles. When Police Kill de Franklin E. Zimring, professeur en droit à l’Université Berkeley, se penche sur cet enjeu en abordant, d’une part, les facteurs qui permettent de comprendre la plus grande proportion de décès aux mains de la police aux États-Unis par rapport aux autres démocraties libérales avancées et, d’autre part, les solutions qui pourraient être mises de l’avant pour réduire autant que possible l’ampleur du phénomène. The End of Policing d’Alex S. Vitale, professeur en sociologie au Brooklyn College, propose pour sa part de situer la question des violences policières dans une perspective historique plus large, en analysant l’expansion du système de justice pénale américain au cours des quatre dernières décennies et les conséquences de cette expansion pour les communautés les plus défavorisées et marginalisées. La première partie de l’ouvrage de Zimring vise à documenter la prévalence, les causes et les conséquences des décès aux mains de la police aux États-Unis, en notant d’emblée une tension entre la préoccupation croissante du public américain pour ce phénomène depuis 2014 et le manque de données fiables et complètes sur la question. En se basant sur une analyse des articles médiatiques dédiés à des décès aux mains de la police, Zimring évalue à environ mille le nombre moyen de personnes abattues par la police américaine sur une base annuelle (p. 39-40). À partir des décès compilés par le journal The Guardian pour la première moitié de 2015, le professeur de droit souligne qu’une vaste majorité des personnes tuées par la police aux États-Unis durant cette période sont des hommes (95 %), tout en notant une surreprésentation de ceux d’origine afro-américaine et autochtone (p. 46). Un autre constat soulevé par cet auteur est qu’une part importante des décès aux mains de la police dans la base de données du Guardian (23,2 %) est liée à des appels pour trouble domestique ou atteinte à l’ordre public, ce qui indique que l’usage létal de la force par les policiers américains n’est pas associé, dans plusieurs cas, à des épisodes de criminalité violente (p. 56). La circulation d’une grande quantité d’armes à feu sur le territoire américain contribue à expliquer ce grand nombre de décès aux mains de la police aux États-Unis, puisque les policiers interagissent plus régulièrement avec des propriétaires d’armes. Zimring souligne toutefois que plus de 40 % des décès aux mains de la police n’impliquent pas la présence d’une telle arme, ce qui constitue un « vaste réservoir de vies qui auraient pu être sauvées » (p. 89, notre traduction). Dans la deuxième partie du livre, dédiée à la prévention et au contrôle des décès aux mains de la police, Zimring avance que les piliers centraux d’une stratégie de réduction de la violence létale utilisée par les forces de l’ordre consistent en deux balises protocolaires, soit les conditions selon lesquelles les policiers sont autorisés à tirer et celles où ils doivent obligatoirement cesser de tirer (p. 226-227). Ces deux piliers centraux devraient être appuyés par un plus grand financement pour la recherche sur les causes et les caractéristiques des décès aux mains de la police et les décès de policiers dans le cadre de leurs fonctions, ainsi qu’une législation qui créerait de nouvelles compensations pour …